Le moins que l'on puisse dire, c'est que le roman de John Fante inspire les groupes de rock, aux (au moins) trois Ask the Dust (dont un chroniqué chez nous), il faut ajouter une deuxième version française Demande A La Poussière (d'autres ont déjà utilisé ce nom en 2006). Le dernier en date, celui qui nous intéresse, s'est monté en 2017 avec des musiciens expérimentés car passés par d'autres groupes auparavant (The Great Old Ones, Omrade, Würm, Moshi-Moshi, No Return...). Après un premier album sans nom en 2018, les Parisiens remettent ça cette année avec Quiétude hostile, un petit goût d'oxymore pour marier les contraires et installer un climat quelque peu angoissant (comme si l'artwork ne suffisait pas)...
Des cris lointains et un labourage en règle à coups de grands riffs et de rythmiques puissantes nous permettent de connaître un "Léger goût de soufre", ça se calme un peu avec les premiers textes (en français mais c'est peu évident de s'en rendre compte même avec les paroles sous les yeux) mais la tension reste, jamais elle ne redescend vraiment, jamais non plus on ne trouve une quelconque étincelle pour y voir plus clair, on est plongé dans une sorte de post hardcore où un doom opaque remplace les parties claires attendues. Le malaise s'épaissit avec "Morphème" et des mots hurlés, éjectés, c'est assez particulier et dérangeant, c'est sans doute l'effet recherché. On trouve un peu de "breaks" sur "Quiétude hostile" quand les guitares cessent de martyriser l'atmosphère sans pour autant qu'on puisse véritablement s'extirper de cette mélasse post-doom qui nous englue les oreilles. La sensation d'y voir un peu plus clair nous envahit alors qu'on est "Perdu", l'horizon se dégage quelque peu, le morceau nous ramène dans la sphère post-hardcore "classique" mais ce n'est qu'une basse manœuvre pour regagner notre confiance avant d'envoyer du "Bois de justice (L'échafaud)" aux angles growlés plutôt black. Nouvelle variation vocale (avec un texte samplé) sur "L'oubli du contrasté", encore un stratagème pour nous faire perdre pied et mieux nous cahoter dans un final apocalyptique. Et pour conclure, le combo reprend tout ce qu'il sait faire, ajoute une couleur boisée (avec le saxophone de Dima White Ward Dudko) et nous laisse pantois revenir dans le monde des vivants.
Plus qu'un album de musique, Quiétude hostile est une expérience sensorielle pour laquelle il faudrait peut-être signer une décharge avant de la tenter, il vaut mieux en tout cas être en bonne santé mentale avant de s'y risquer. Pour autant, si tu as un doctorat en Doom et une licence de Post-HardCore, je comprends que tout cela provoque l'éréthisme de tes oreilles.
Publié dans le Mag #47