Delta Tea - The Chessboard Pour savoir jouer au jeu de dames, il n'y a pas trop de règles à connaître vu que tous les pions se déplacent de la même façon. Pour le jeu d'échecs, c'est un peu plus complexe. Entre les pions, les cavaliers, les fous, et j'en passe, qui ont chacun leur mode de déplacement, il s'agit de faire converger vers un seul objectif, la victoire, un groupe d'individualités aux capacités différentes. En aucun cas il s'agit de les faire marcher au pas, de les intégrer de force ou les avilir. Non, il s'agit de combiner et coordonner les atouts de chacun pour renforcer la force et l'unité du groupe. Est-ce dans cette optique que les 4 membres de Delta Tea ont intitulé leur premier EP The chessboard ?

A priori non. D'abord parce que le quatuor francilien étant composé d'une guitare (Clovis Gehin), d'une basse (Oscar Decamps), de claviers (Antoine Gehin) et d'une batterie (Kilian Beyly), cet assemblage n'a rien d'une incongruité pour toute formation désireuse de tâter de la musique contemporaine. Ensuite parce que le dossier de presse indique que l'histoire de The chessboard retrace la quête d'un groupe d'individu bloqué dans une réalité parallèle, revenant sur terre afin de retrouver les traces du berceau de l'humanité. C'est certes une autre forme d'interprétation, mais s'agissant d'un album entièrement instrumental, les interprétations peuvent être laissées à la liberté de chacun. Comme celle d'une " musique épique digne d'une BO de space opéra rock " comme le définit le groupe qui est effectivement une version plausible. Mais quel que soit le script, la bande originale qui l'accompagne l'est sacrément, originale.

Structurellement composé comme du jazz, avec des titres qui s'allongent entre 6 et 9 minutes, où une guitare parfois métal prog converse avec des claviers aux sonorités multiples, où la batterie explore elle aussi quelques diversions personnelles rythmiques et techniques, où des voix lyriques s'élèvent, on craint le choc des styles et l'éparpillement disgracieux musical. Eh bien pas du tout. Le talent du quatuor est de savoir étirer un thème qui semble improvisé, volatil, insaisissable, tout en restant cohérent, mélodique, hautement technique. En conclusion, en hommage à Lewis Carroll cité dans le livret de The chessboard ("On ne peut parler du temps comme d'une chose qu'on perd ou qu'on gagne. Le Temps ne veut plus rien faire de ce qu'on lui demande. Alors désormais, il est toujours l'heure du thé"), essayons-nous à un syllogisme cher à ce fantasque auteur en guise de conclusion : Il y a du jazz chez Delta Tea, il y a du métal progressif chez Delta Tea, le premier EP entre jazz et métal progressif de Delta Tea est une réussite. Alors ce n'est pas un syllogisme, mais c'est ma conclusion.