Deftones - Live @ Trianon, Paris 2013 Deftones - Live @ Trianon, Paris 2013 Deftones est de retour à Paris et s'offre le luxe d'un doublé au Trianon. Cela confirme encore la très grande histoire d'amour entre le public français et le quintet de Sacramento. Le public, parlons-en : des trentenaires en majorité, qui pour la plupart n'ont pas abandonné baggys, sweats à capuche et chaussures de skate, tout comme les membres du groupe. Des fans, purs et durs, qui répondront présent pour un bon cinquième quand plus tard, Chino Moreno demandera qui revient le lendemain.

En attendant, Letlive, sensation post hardcore de Los Angeles, ouvre le bal et rappelle beaucoup les bons côtés de Glassjaw. Rien de bien nouveau 10 ans après (déjà...) mais une belle prestation avec un très bon chanteur qui donne tout ce qu'il a. Puis vint la suite. Autant ne pas trop faire durer le suspens : ce concert était un très grand concert de Deftones. Si par le passé, le groupe est passé par de nombreuses phases, dont certaines assez chaotiques, qui donnaient une saveur plus sauvage à ses concerts des débuts jusqu'à la période post-White pony le temps est aujourd'hui à la maîtrise parfaite : pleine possession de la dimension artistique, jeu quasi parfait, communication humble, chant juste et son dantesque.

En ouvrant directement avec "Diamond Eyes", Deftones s'impose d'entrée et fait littéralement trembler le sol du Trianon (sensation extrêmement désagréable tout le long du concert ceci étant dit). Suit "Poltergeist" issu du dernier album Koi no yokan, redoutable et précis, mené avec malice par un Chino Moreno en très grande forme. Puis c'est l'acclamation du public, bruyante, chaleureuse et sincère qui semble bluffer tout le groupe. On imagine l'émotion pour eux : être encore là à 40 ans, autant aimés et respectés par une fan-base fidèle et quasi inchangé, après avoir traversé les modes néo métal, les drogues, les crises de l'industrie du disque et les drames (d'ailleurs à l'entrée le groupe demande d'ailleurs 5 euros de donation aux invités pour l'association One Love for Chi, qui s'occupe des soins de Chi Cheng, toujours paralysé après son accident de voiture de 2008, "Daï the flu" lui sera dédicacé plus tard dans le set). Deftones a décidé de chouchouter ses fans et enchaîne un duo terrible avec "Be quiet and drive" et "My own summer" qui reçoit un accueil brûlant et un public criant toutes les paroles, les anciennes chansons déclenchant plus de réactions que les plus récentes. Logique en même temps.

La part belle est également faite au dernier album avec les "Rosemary", "Tempest" et "Entombed". On voyage beaucoup, grâce aussi à des superbes lumières, sur "Sextape", "Change (in the house of flies)" et "Bloody Cape". Tout explose lors "Rocket Skates", "CMND/CTRL", "Head Up" (en duo avec le chanteur de la première partie, Letlive et "Feiticeira". On bave sur "Passenger" que Chino assume seul et avec brio, sans Maynard James Keenan comme on pouvait s'en douter. Bien sûr, le groupe joue toujours son premier album qui ravit toujours autant les fans ("Engine n°9" et son final, classique, mais toujours aussi efficace, "7 words"). Après une discographie aussi riche, on se dit qu'il en manque forcément, mais le seul gros regret sera d'avoir mis de côté (pour ce soir là) l'album Saturday night wrist, d'autant que l'aisance avec laquelle le groupe pioche dans ladite discographie est assez déroutante : mis à part les titre issus d'Adrenaline plus anciens mais animés d'une rage toujours intacte, le son est d'une cohérence rare d'une chanson à l'autre. Et l'on sent encore et toujours toujours cette patte si distinctive, si attachante et si sexuelle qui est la marque des plus grands.

Pour certains Deftones est mythique. Ce retour semble confirmer la route qui s'ouvre à eux : celle de l'un des groupes les plus importants de ces 20 dernières années qui, s'il n'a pas encore l'ancienneté de formations cultes comme Slayer, est parti pour durer. Encore et encore. C'est en tous cas tout ce qu'on leur souhaite. Pour que de temps en temps on ait, nous aussi, de nouveau 15 ans.