Deftones - Koi No Yokan Avec les Deftones, c'est comme lors des retrouvailles avec sa fiancée après une longue séparation, on tremble d'excitation de la revoir et en même temps, on se prend à prier pour que tout se passe aussi bien que d'habitude. Que l'absence n'aura rien altéré et que la magie continuera d'opérer.... Un peu comme un pas de deux où chacun retrouve instantanément ses marques, comme si le temps ne pouvait avoir aucune prise sur ce lien si particulier, ténu, unique. Problème, le quintet de Sacramento a habitué à l'excellence et à chaque nouvel album, le défi est toujours plus grand. Ne pas décevoir, se renouveler voire se réinventer, continuer d'être créatif et en même temps d'assurer les arrières en donnant ce que tout le monde attend. L'équation est complexe mais jusqu'à ce jour, les Deftones n'avaient jamais déçu.

Que l'on se rassure, ce n'est pas avec ce Koi no yokan que les bonnes habitudes vont changer. On a beau les attendre au tournant, les Américains assurent à tel point que cela doit commencer à titiller les âmes chagrines pendant que les autres ne boudent pas leur plaisir. D'autant qu'il suffit d'appuyer sur la touche "play" pour que le riff mastodonte de "Swerve city" viennent directement happer les tympans pour les emmener se faire bercer par les mélodies de Chino ou fesser par la puissance de ses frères. Une mise en route typiquement deftonienne, pas réellement révolutionnaire mais d'une efficacité proprement redoutable. Simple, propre, net et sans bavure. Comme l'est du reste la suite qui avec "Romantic dreams" partage ses douleurs avant d'emballer le tout avec des refrains qui viennent se graver instantanément dans l'esprit de l'auditeur. Facile oui, mais n'est pas Deftones qui veut et eux assument leur statut.

Notamment lorsqu'il s'agit de faire tomber la foudre sur les enceintes (ce "Leathers" diabolique qui vient lacérer la platine avant de l'enflammer à coups de mélodies charbonneuses), ou d'assommer l'audience avec une rythmique fracassante ("Gauze"). Sur l'ensemble de l'album, le groupe est béton ("Graphic nature", "Poltergeist", "Goon squad"), rien à redire, mais sur quelques titres, le cinq majeur de Sacramento atteint les niveaux d'excellence qui ont fait son nom (un "Entombed" qui évoquera forcément le meilleur de Team Sleep, éphémère projet parallèle de Chino Moreno, un "Tempest" qui porte idéalement son nom, le phénoménal "Rosemary"). Entre déflagration ravageuse, douceur élégamment feutrée et intensité émotionnelle palpable, l'intégralité du registre des Californiens y passe. Jusqu'à nous faire succomber. Les Deftones étaient attendus au tournant et pourtant, sûrs de leur force, ils n'ont pourtant même pas tremblé au moment de livrer ce Koi no yokan qui vient blinder un peu plus une discographie en adamantium (l'élégant "What happened to you ?" chargé de boucler l'album avec classe le confirme une énième fois).

Sorti de l'hôpital il y a quelques temps, Chi (Cheng) peut se remettre tranquillement des séquelles de son accident, ses "frangins" l'honorent en attendant un hypothétique (improbable ?) retour parmi les siens. Mais avec les 'Tones, sait-on jamais...