On y tenait parce qu'ils venaient de sortir ce qui restera assurément comme l'un des albums de l'année 2013, Vertikal : les Suédois de Cult of Luna nous ont accordé une petite interview à peine rentrés de tournée. Et comme ils sont un peu nombreux au sein du groupe, il a fallu en prendre un en tête à tête virtuel, c'est Erik (guitariste) qui s'y colle et il a des choses à dire.
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Actuellement vous êtes en tournée pour promouvoir Vertikal, votre nouvel album, comment ça se passe pour l'instant ? Et ça donne quoi niveau retours ?
Oui, on vient donc de boucler la première partie de notre tournée européenne avec un petit roadtrip à travers les capitales scandinaves, ça c'est très bien passé. Pour ce qui est des "retours", pour l'instant c'est extrêmement positif, tant du point de vue des médias que du public.
Vous avez quitté Earache Records chez qui vous étiez depuis quasiment vos débuts pour rejoindre Indie Recordings (Kvelertak, Hacride, Shining...). Bon, c'est juste mon avis, mais j'ai le sentiment que le premier est vraiment sur le déclin alors que le second est en train de devenir "le label où il faut être", en Europe du nord tout du moins. Comment s'est passé ce changement ?
Notre contrat avec Earache Records était arrivé à son terme avec Eternal kingdom. Après que nous ayons expérimenté une sortie par nos propres moyens avec l'audio-book Eviga riket, nous avons voulu de nouveau travailler avec un label. Dans le même temps, le fait que nous puissions financer par nous-mêmes l'enregistrement d'un nouvel album grâce aux ventes du livre, nous a mis dans une position assez confortable.
Alors nous avons discuté avec quelques structures puis signé avec Indie Recordings pour la licence en Europe et fait de même avec Vagrant/Density pour les USA. Donc si on y repense, toutes les personnes qui ont acheté l'audiobook nous ont été au final d'une aide précieuse, merci à elles, à eux.
Si je ne m'abuse, vous parlez parfois de "transe" pour évoquer votre musique. C'est marrant parce qu'il y a quelques semaines, on interviewait Steve Von Till de Neurosis et il disait exactement la même chose. Bizarrement, je me demandais si vous pensiez que ce nouvel album représentait une nouvelle orientation dans votre musique avec notamment les éléments krautrock et électronique que vous y avez inclus par exemple ou simplement l'évolution toute naturelle de votre travail, de votre écriture, à défaut de "révolution" s'entend.
C'est réellement une nouvelle ère pour nous. Je ne saurais te dire si on peut parler de révolution mais nous avons été influencé par l'électronique, c'est évident oui et nous avons cherché cette forme de monotonie immersive en de nombreux moments de l'album, que l'on peut rapprocher d'une transe comme tu l'évoques.
J'ai lu que Vertikal était inspiré par Metropolis le chef d'œuvre de Fritz Lang, avec notamment la thématique centrale de la dystopie (en opposition à l'utopie, celle-ci est un récit de fiction peignant une société imaginaire organisée de telle façon qu'elle empêche ses membres d'atteindre le bonheur, NDR), que l'on retrouve du reste dans de nombreux romans phare d'anticipation, 1984 d'Orwell et Fahrenheit 451 de Ray Bradbury en tête. Quels sont les thèmes principaux de l'album pour toi?
Metropolis était une sorte de point de départ pour le thème général de Vertikal Ce n'est pas un concept-album sur le film cependant, mais il nous a fait chercher vers les idées modernistes très tôt, notamment en architecture, sur "le paysage de la ville nouvelle". L'album est également très centré sur l'être humain et notamment cette forme de monotonie qui s'en dégage comme les modèles créatifs exécutés par la main humaine, je ne sais pas si tu vois ce que je veux dire...
Cult of Luna, c'est pas mal de monde, différentes personnalités, identités, notamment artistiques. Est-ce que le processus créatif engendre ou a engendré des difficultés, des frustrations au sein du groupe?
Honnêtement oui, ça a été le cas. Plus sur les précédents albums en fait. Mais dans un sens, cela nous est nécessaire et nous avons appris à cultiver ces différences. Du coup, je suis certain que c'est aussi ce qui fait que notre musique et nos idées se démarquent et évoluent.
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Vous jouez avec deux batteurs et ça sonne vraiment très bien sur pas mal de titres d'ailleurs, l'idée vous vient d'où ? The Melvins, Kylesa sont également connus pour ça...
Nos compositions sont souvent "pilotées" par les percussions si tu veux.... En effet, nous ne sommes pas les premiers à bosser avec deux batteurs sur scène mais ce n'est pas juste pour faire genre, c'est guidé par la nécessité que l'on ressent lors du processus d'écriture de nos morceaux. Et je dois avouer que c'est un formidable moyen de créer les dynamiques rythmiques dont nous avons besoin ! (rires)
Que préfères-tu ? Etre en studio ou sur les routes, en tournée...
Je ne suis pas un énorme fan du travail en studio. Et puis tourner est toujours tellement excitant d'autant que l'on a le luxe, assez rare, de bosser en permanence avec des gens qu'on apprécie sincèrement.
Vous avez la particularité, malgré un certain statut, de rester très proches de votre public, vous répondez vous-même aux e-mails, êtes présents sur le stand merch' après les concerts... C'est important pour vous de faire ça, d'entretenir une sorte de connexion avec les gens qui écoutent votre musique ?
Mais tout le monde devrait faire ça ! Pour nous, c'est simplement une évidence. Et nous avons toujours apprécié de tout contrôler par nous-mêmes sans trop avoir à déléguer. Et même si on a maintenant une personne qui nous aide pour le merch' en tournée, ce qui nous permet de nous concentrer à 300% sur nos shows, j'aime vraiment parler avec les gens dans la salle après nos concerts, en toute simplicité.
Question business : on sait bien que les ventes d'albums fondent comme neige au soleil au "profit" du téléchargement légal et illégal évidemment, c'est un fait, du coup, qu'est-ce qui fait vivre Cult of Luna, à part les ventes de l'audio-book ? (rires)
J'ai entendu dire que nos stats de streaming étaient excellentes. A propos des ventes de Vertikal c'est encore trop tôt pour se prononcer. Mais ce dont il s'agit réellement, c'est d'amener les gens au concert, l'album sert avant tout à ça. Et nous ne comptons pas réellement sur les royalties provenant des ventes d'albums dans notre approche.
Revenons deux minutes sur l'histoire autour d'Eternal kingdom, qui était donc un gros coup de bluff. D'où est venue cette idée ?
Oui, ça nous a fait marrer parce que les gens, en littérature ou en journalisme, sont obnubilés par la notion de vérité et cela rejaillit de plus en plus en musique. Mais tu sais, pour moi, fiction ou réalité, l'important n'est pas là, c'est l'histoire qui compte, ce qu'elle renvoie.
Je ne sais pas si tu as vu mais il y a un gars qui a posté une reprise de "Dark city, dead man" (issu de l'album Somewhere along the highway) au piano sur YouTube. Tu en as entendu parler ?
Oui, j'étais carrément impressionné. C'est vraiment très plaisant de voir que nos morceaux peuvent être retravaillés pour un rendu de cette qualité.
Question con : pour nous en France, Umeå est une petite ville (moins de 100.000 habitants si je ne me trompe pas) mais 'est pourtant le berceau de groupes majeurs comme Meshuggah ou Refused. Donc tu penses bien que je dois poser la question, c'est quoi le secret ? Un truc dans l'eau ?
Oui, c'est l'eau en effet (rires).
Pas loin de cinq années se sont écoulées entre Eternal kingdom et Vertikal (avec entre les deux l'audio-book évidemment), maintenant que l'album est sorti, pensez-vous déjà à la suite ?
Non, pas du tout. Les sessions d'enregistrement de Vertikal ont été tellement intenses, cela nous a demandé tellement de choses, d'énergie, de profondeur dans nos émotions que je ne peux même pas imaginer la suite pour l'instant. En même temps, on est pleinement dans cet album-là pour le moment. On verra pour le futur... plus tard.
Merci à Erik pour sa disponibilité et sa gentillesse ainsi qu'à Nancy Betaille et Alexis Sevenier Ionatos pour leur aide précieuse.
Questions : Pooly, Thomas, Oli & The Aurelio