Cult of Luna - Vertikal A la verticale de la muraille métallique érigée en guise de visuel par ses créateurs, le sixième album des Suédois Cult of Luna est sans doute LE disque qui va voir le groupe jouer les funambules. Entre évolution créative nécessaire et révolution stylistique pour pallier au risque de l'immobilisme trop prudent (et forcément décevant), les natifs d'Umeå ont choisi. En changeant de maison de disques tout d'abord : exit Earache en perte de vitesse, welcome Indie Recordings, le label nordique qui monte (Kvelertak, Hacride, Shining...) ; en perdant l'un de ses membres ensuite (Klas Rydberg, l'un des co-fondateur du groupe), enfin en prenant son temps surtout, histoire de penser et assumer complètement sa presque nouvelle orientation musicale.

Cinq années séparent Eternal kingdom de Vertikal et si le groupe n'est pas pour autant resté silencieux pendant cette demi-décennie (en sortant Eviga riket, en 2010, un audiobook narrant la suite de la fausse histoire racontée dans le disque précédent), les scandinaves semblent s'être offerts une petite pause salvatrice dans leur trajectoire discographique, pour ne plus faire de Cult of Luna qu'un monstre sludge-post-hardcore progressif et métallique de plus mais également autre chose. En clair ne pas verser forcément dans l'attendu. Se mettre en danger pour se réinventer. Et de fait ne pas céder à la facilité. Ce qui vient frapper l'auditeur en pleine poitrine dès les premières séquences de ce nouvel opus. L'introductif "The one" armé de son mélange doom-industriel lourd / krautrock synthétique qui sied parfaitement à ce que le groupe va déposer ensuite sur la platine.

Soit "I : the weapon", mastodonte postcore (mais pas que) qui fait la part belle à ce dont on sait les Suédois capables, soit du gros hard lourd et vénéneux, des atmosphères étouffantes et une colossale puissance déflagratrice matinée d'éclairs vocaux ravageurs. Mais également des éléments progressifs, une dose d'éléments synthétiques et des fulgurances mélodiques pour un mélange d'une cohérence fascinante aux vibrations telluriques dantesques. Un peu moins de dix minutes pendant lesquelles, le groupe a montré qu'il était au sommet de son art. Logique que les nordiques cherchent à enfoncer le clou avec "Vicarious redemption" et ses presque vingt minutes d'une odyssée post-rock voyageant aux confins de la musique progressive (limite old-school), en passant par un climax postcore empreint de rage incandescente et de résignation désolée. Et quelques passages electro un peu surprenants au départ mais s'inscrivant dans une certaine logique lorsque l'on prend l'album dans sa globalité.

Inspiré par Metropolis, immense classique de l'histoire du cinema signé Fritz Lang, Vertikal se veut à la fois moderne, rétro-futuriste ("The sweep", "Synchronicity") et parfois aussi dystopique que le matériau filmique l'ayant inspiré, quitte à perdre les inconditionnels de la première heure en cours de route. Parce que dans son évolution (on parlera même de révolution ici.), Cult of Luna semble avoir pris la moitié de ce qui faisait jusqu'à alors sa griffe musicale, s'être débarrassé de l'autre moitié pour aborder sa métamorphose et l'étape suivante de son cheminement artistique. Tout en gardant cette capacité rare à faire naître des émotions brutales, presque contradictoires, celles-ci s'expulsant d'elles-mêmes de la cage thoracique de leur auditeur, tout en conservant cette froide maîtrise dans la trame narrative ("Mute departure"). Avant de tout ravager, émotionnellement s'entend, avec un "In awe of " qui vient après un interlude quelque peu dispensable ("Disharmonia").

Il ne reste alors que deux titres et l'on va vite comprendre que CoL n'a pas encore livré tous ses atouts. Sortant l'artillerie (très) lourde avec un "In awe of" dantesque, colossal. Une grosse dizaine de minutes d'une déferlante émotionnelle qui met l'auditeur la tête sous l'eau (ou dans la glace) pour l'en laisser ressortir chancelant, complètement sonné par le choc thermique et émotionnel qui vient de s'abattre sur lui. Et il faut bien une conclusion ambient/doom/shoegaze en forme d'épilogue brumeux et envoûtant avec "Passing through" pour mettre une touche final à ce petit chef-d'oeuvre venu du froid.

(Immense) Classe.