Counterfeit : Roro L'enregistrement et la production de Don't let me fall asleep again représentent un certain investissement, à quel moment avez-vous eu l'idée de sortir l'album uniquement numériquement ?
En fait, la production de notre album s'est déroulée en plusieurs étapes. Les prises de son ont été faites à Lyon, au studio Abao et en région parisienne, au studio Meteor. Puis il s'en est suivi un premier mixage au studio Audiolane. Nous avons tout enchaîné sans prendre de recul. De ce fait, nous nous sommes retrouvés avec un mixage qui ne correspondait pas du tout à nos attentes et n'était pas à la hauteur de la qualité des prises effectuées par Jordan et le groupe. On a vécu à ce moment une sorte de "trou noir" et Jib s'est dit qu'il ne nous restait plus qu'à démarcher l'étranger pour essayer de rattraper le coup. Chance pour nous, Greg Gordon a eu un coup de coeur pour Counterfeit et a bien voulu faire le mixage. C'était parti pour Los Angeles. La mentalité américaine vis-à-vis de la musique est complètement différente. Ils sont plus dans une optique d'aide à avancer plutôt que dans un mode de castration en t'obligeant à fonctionner suivant les schémas types du moment. L'idée de toucher d'autres pays que la France nous a donc semblé évidente et en accord avec nous-mêmes. On peut dire que Greg a su nous donner ou nous redonner l'envie d'être nous-mêmes sans concessions.
Après avoir fait le tour de certains labels français, nous n'avons trouvé personne qui ait vraiment envie de supporter le projet et de l'aider à se concrétiser. Là on s'est dit qu'il était temps pour nous d'essayer un truc et de prendre un risque supplémentaire. L'idée de la distribution numérique est venue, malgré notre amour et notre passion pour le support CD.

Vendre ses titres uniquement sur le net, ça représente un énorme risque, les discussions internes ont été longues ?
On peut dire ça comme ça. On a pas mal discuté, évalué les risques, étudié les moyens que nous avions à notre disposition. Et puis de toute façon il est important d'essayer de nouvelles choses, de ne pas s'en tenir aux standards établis. Si on n'essaie pas on ne sait pas. Alors on a dit banco ! On vend la caravane...

Quels arguments ont fait pencher la balance ?
Je crois que l'argument qui a fait pencher la balance est l'envie, l'envie de voir l'album mis à la disposition des gens. D'avoir un retour, de sentir qu'il existe et qu'il vit. Qu'il ne soit plus notre unique bien, mais qu'il soit là, à la portée de tout le monde.
On est fiers de cet album. On y a tout mis : temps, joie, envie, passion, colère, énergie, argent, risques... Il devait sortir au plus vite car un "trou noir" ça nous suffisait. Donc cette solution, en plus d'être intéressante, était la plus rapide. La démarche qui est proposée est importante également. On peut voir la musique comme un objet avec le cd, mais avant tout la musique n'a pas d'existence physique, ce n'est pas pour faire mon Jean-Claude Van Damme mais la musique c'est comme de l'air !!! Du coup, ce support dématérialisait l'objet et ne devenait qu'une proposition d'action plutôt qu'une envie de consommation. Les gens profitent de notre musique en nous apportant un petit soutien financier et c'est à eux de prendre conscience qu'ils peuvent nous éliminer si le partage illégal devient présent. On peut voir ça comme une démarche collective, aussi bien de notre part que de celle de celui qui nous aide.

Les critiques sont bonnes mais qu'en est-il des ventes ?
Effectivement les critiques sont bonnes, pour le moment ! Pour ce qui est des ventes, si tu veux qu'on joue la carte de la franchise c'est assez simple. On souhaite essayer de rembourser notre investissement de base qui est de 15 000 euros pour envisager un album suivant, et oui on parle d'argent même si ça ne se fait pas ! De là on comprend que finalement on ne se rembourse jamais puisque nous remettons toujours cet argent sur la table et comme il s'agit d'une passion pour nous, on en ajoute forcement pour essayer de faire mieux. Mais là plus ça va, plus ça va devenir difficile. Pour rembourser cette somme il nous faut vendre 2500 exemplaires en MP3. La route est longue et nous n'en sommes qu'au début. Les ventes se passent bien, tout du moins comme on les imaginait, on s'approche petit à petit du 1er cinquième.
On a un faible facteur promo pour le moment vu qu'on est plus fauchés que fauchés. Du coup on joue pas mal sur le bouche à oreille, le soutien des webzines et de tous les gens qu'on a croisés depuis le début. On est plus qu'indépendants puisqu'on gère tout nous-mêmes. Alors avec nos jobs qui nous font vivre c'est chaud et ça nous prend du temps.
De plus, pour en revenir aux ventes, souvent les gens pensent que l'on gagne de l'argent sur les concerts, mais c'est faux, tout du moins dans notre cas... Je crois que si mes souvenirs sont bons, nous sommes revenus une fois avec un petit plus d'un live. Du coup, tout tient quasiment sur les ventes d'albums. Et c'est pareil pour beaucoup de groupes en France. Une fois qu'on a payé le camion, la route, les gens qui bossent avec nous, le jouet dans le distributeur à pièces sur l'autoroute pour Jib, il ne reste rien.

Vous touchez aussi l'étranger ?
On commence. Ca a mis un peu de temps à venir, mais là il y'a quelques retours. L'étranger est aussi l'une des raisons qui nous a poussés à utiliser ce moyen de distribution et qui fait que le site Counterfeit-band.com est en français et en anglais. Seul hic, par notre manque de temps, on a du mal à trouver les gens qu'il faut contacter pour avoir une visibilité dans d'autres pays... d'ailleurs on est preneurs de toute idée ou contact. Mais bon, croyons au bon vieux proverbe... doucement mais sûrement.

Counterfeit : Don't let me fall asleep again Si un label vous propose une licence pour cet album aujourd'hui, vous dites quoi ?
Si un label était intéressé par Counterfeit, je pense que le rapport humain et la démarche de travail seraient les facteurs prédominants. Notre démarche initiale ne nous ferme pas les portes vers d'autres possibilités. En tout cas une chose est sûre, il faudrait trouver une solution pour que les gens qui nous ont soutenus en achetant les MP3 puissent avoir la version CD sans payer le prix fort. Ce sera sûrement encore de notre poche (rires) mais on y tient. Ce serait pour nous quelque chose de différent, peut-être complémentaire de l'idée d'origine.

L'album est construit autour de 3 axes qui reviennent souvent dans cet ordre : tension, rage, apaisement. Vous ne vous en lassez pas ?
Je ne pense pas que ce soit fait volontairement. C'est notre mode de fonctionnement. On n'y a pas vraiment pensé durant le processus de création. Et puis c'est un peu comme ça la vie non ? En tout cas dans le local c'est parfois comme ça (rires).

Votre actualité, c'est la recherche de concerts ?
Bien entendu la recherche de concerts fait partie de notre actualité, mais nous avons envie de proposer des choses différentes dans les lives. On réfléchit à quelques possibilités et on fera sûrement un test sur Lyon. On ne cherche pas du live pour faire du live. On cherche un moyen de proposer autre chose aux gens. Mais notre plus grand problème est encore une fois le temps.

Si à l'un de vos concert quelqu'un réclame l'album, vous pouvez lui vendre sans passer par PayPal ?
Oui c'est faisable. Il n'est pas impossible pour nous de proposer ce genre de solution par le biais de comptes préconfigurés n'attendant plus que validation. On peut tout envisager et plus c'est fou plus ça nous donne envie.
Finalement, la seule chose qui compte c'est la démarche et le rapport entre la personne et Counterfeit.
Il est toujours possible de se dire : "Ah ouais on va se mettre à 6 pour acheter un téléchargement à 6€49 comme ça on fait une bonne affaire et on peut se payer une bière de plus" mais nous on tend à penser que l'on peut aussi se dire : "Ah ! Ils essaient un truc, c'est abordable, je vais les aider et en parler". Aujourd'hui grâce à ce moyen on peut proposer un album fait de façon professionnelle au prix de la démo que l'on vend sur les premiers concerts.

Quelle est la question que vous aimeriez qu'on vous pose ?
C'est quoi le paradis ?
Alors, c'est quoi le paradis ?
Le paradis c'est cette journée où il fait beau, où tu te tapes un bon casse-croûte, une bonne bouteille de vin, une sieste sous un arbre dans les bras de ta douce et où le soir tu donnes le dernier et meilleur concert de ta vie. Là tout s'arrête.
Même l'interview, merci !