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Biographie > Convergeance hardcore


Depuis 15 ans à l'heure où sont écrites ses lignes, Converge est l'une des formations phares du mouvement hardcore, sinon LA formation qui met tout le monde d'accord... (sic). Et en 15 ans, Jacob Bannon (chant), Kurt Ballou (guitare), Nate Newton (basse), et Ben Koller (batterie) ont marqué de leur sceau, plombé aux riffs torturés et pachydermique, aux vocaux destructeurs, la scène hardcore moderne. Prolifiques, livrant toute une série de brûlot haineux et trempés dans l'acide (Jane Doe, You fail me, No heroes...), les quatre de Converge sont des apôtres d'un metal viscéral et chaotique fusionné à un punk hardcore new-school des familles, les maîtres incontestés d'une musique en forme de maëlstrom de rage, souffrance, noirceur palpable et violence indicible. Bienvenue dans le royaume de Converge, welcome in hell.

Interview : Converge, Le hardcore dans la peau (Nov. 2012)

Converge / Chronique LP > The dusk in us

Converge - The Dusk In Us Le choix du titre d'un album n'est jamais anodin, quand c'est aussi le titre d'une des plages de l'opus, ça indique combien le groupe identifie son disque audit morceau. Ici The dusk in us se présente comme un album brillant (avant même de l'avoir écouté) grâce au travail sublime de Jacob Bannon (le chanteur) sur l'artwork et le livret, c'est vraiment la méga classe. "The dusk in us" est aussi une composition au coeur de l'opus (en sixième position), la plus longue (plus du double de la durée moyenne d'une plage) et certainement la plus surprenante pour du Converge. Pas forcément représentative de leur oeuvre en général, elle indique clairement la direction prise par le combo sur ce neuvième effort.

Guitare claire, batterie ultra discrète (premières frappes après 3 minutes avec l'enfonçage de pédale de disto), chant limpide, "The dusk in us" offre une ambiance dépouillée, très construite, une atmosphère chaleureuse où le style Converge n'apparaît que brièvement à la fin. Complètement à part, si le morceau sert à nommer l'opus, c'est que le groupe y tient et assume totalement sa décision d'être plus "abordable". Là où tout n'était que chaos et destruction thermonucléaire, on trouve désormais des mélodies, des structures et un chemin qui mène quelque part ("Trigger", "Thousands of miles between us"), même si on navigue toujours entre mélancolie et désolation. Pour autant les titres "doux" sont encore des exceptions, les amateurs du Converge expéditif qui envoie des parpaings dans la tronche avec un chant éraillé et qui mixe l'urgence grind-punk à la violence hard-core seront comblés par "Arkhipov calm", "Wildlife", "Broken by light" ou "Cannibals" qui ne font pas que rassurer les fans de la première heure car ils permettent également de donner plus d'ampleur à l'évolution, présente au milieu de ce bouillonnement, elle présente la capacité d'un groupe hors norme à se réinventer, à oser, à bousculer son petit confort pour se confronter à la nouveauté et à une nouvelle forme de créativité.

Et si The dusk in us était le début d'un nouveau cycle pour Converge ? Si le groupe abandonnait une partie de sa rage explosive pour la convertir en une force plus contrôlée ? Peut-être que le temps d'une Noise furieuse, abrasive et torturée est venu.

Publié dans le Mag #31

Converge / Chronique LP > All we love we leave behind

Converge - All we love we leave behind Après des albums du calibre d'un Jane Doe (cultissime), You fail me (imparable) ou cet Axe to fall qui démontrait que le groupe n'avait toujours rien perdu de sa verve hardcore punk métallique et qu'il était plus en forme que jamais, voici maintenant All we love we leave behind. Un opus tout en douleur viscérale, en férocité frontale et abrasion émotionnelle : car Converge est la violence même quand il s'exprime par la mélancolie. Et tout chez le groupe respire ici ce sentiment de danger permanent, de guérilla intime, palpable et déchirante. Quasiment un affrontement intérieur réglé à coups de riffs de tueur.

Converge fait avec ce nouvel album ce qu'il sait faire de mieux. Soit du Converge. Pur et dur. Sans la moindre concession sur la forme ou le fond. Oui, on vous voit venir, car ce n'est pas tout à fait vrai : les Américains font mine d'aérer leur musique sur l'inaugural "Aimless arrow". Sauf que cela ne dure pas et dès la deuxième piste, ils reviennent avec le terrible "Trespasses" à leurs violents amours charnels, brutaux. Entre les deux, des cagettes entières de riffs assassins qui giclent aux quatre coins du studio, une production thermonucléaire et des plans de basse/batterie juste phénoménaux : si on a cru que les gaziers allaient se calmer avec l'âge on s'est méchamment trompé. Et il va donc falloir passer à la caisse notamment avec un "Tender abuse" littéralement écorché vif.

"Sadness comes home", "Empty on the inside", "Sparrow's fall", le groupe vomit ses tripes dans les amplis, All we love we leave behind transpire la haine, exhale le désespoir et marteau-pilonne les conduits auditifs en multipliant les assauts hardcore/rock/punk/metal jusqu'à ce que mort s'ensuive. Converge s'exprime dans la déflagration auditive, la démolition sensorielle trouvant son exutoire par le chaos, le démembrement sonore qui ne semble jamais vouloir s'arrêter dès lors que l'on a mis un pied dans l'album. Les morceaux se suivent, s'enchaînent, donnant un effet de démultiplication et de férocité pure ; et alors que l'on s'abandonne aux enchaînements effrénés d'"A glacial place", puis au groove fulgurant d'un "No light escapes", le groupe assène ses ultimes coups de boutoir.

Que ce soit avec le brutal "Vicious muse" ou le plus insidieux et retors "Veins and veils", Converge ne s'autorise aucune limite dans l'agression viscérale, aucune retenue dans l'expression d'émotions brutes qui ne demande qu'à jaillir de ses cordes surtendues (vocales ou instrumentales), le tout, sans jamais faiblir ou sembler renoncer à ses fondamentaux hardcore. On en prend une dernière fournée avec au hasard "Shame in the way" et on les laisse sagement nous faire la leçon. Non, en fait, la leçon on peut oublier tant cet album ressemble à une expédition punitive destinée à faire comprendre que quand les grands mamamushi du hardcore/punk métallisé planétaire envoient du riff : on écoute, on encaisse. Hard(core).

Converge / Chronique LP > Axe to fall

Converge - Axe to fall On sait comment ça se passe. Un groupe sort deux/trois albums qui castagnent sec et mettent tout le monde à leur pied (en l'occurrence ici Jane Doe et You fail me), ce qui induit que ledit groupe soit de fait désormais attendu au tournant. Et qu'il se plante fatalement au moment où on attend le plus de lui. Sauf Converge. Quand un groupe est devenu en l'espace d'une décade et demi le fer de lance incontestable de toute une scène, en l'occurrence ici, le hardcore, on sait pertinemment qu'un jour ou l'autre, il va décevoir ou tout du moins échouer à combler les incommensurables attentes qu'il suscite. Sauf Converge. Car à l'heure où la notion même de hardcore semble toujours plus galvaudée par des hordes de formations préfabriquées pour essayer de sauver la mise de labels qui n'ont plus que ça pour ne pas mettre la clef sous la porte, on aurait pu croire que certains seraient tentés de jouer la facilité et de se reposer sur leurs acquis. Certes il y en a. beaucoup. Mais pas Converge.

"Dark horse", "Reap what you sow" puis l'éponyme "Axe to fall" sont chargés de lancer la machine. Réaction de notre côté : après seulement trois titres, on a juste l'impression très nette de s'être fait rouler dessus par une division de blindés lancée à la vitesse de l'Eurostar. Converge va vite, frappe fort, net, précis et sans bavure, à l'expérience certes mais avec la même furie presque primale qui animait le groupe à ses débuts. Une cavalcade rythmique, un aboyeur enragé au micro et des riffs qui viennent s'empiler encore et encore jusqu'à nous cautériser les tympans. Zéro concession, pas même un début de doute et pas plus de complexe, les Bostoniens foncent dans le tas avec la hargne, la détermination et la même puissance d'impact qu'une première ligne d'avants All-black à qui on aurait fait sauter le petit dej'. Autant dire que les tympans sensibles ne se remettent pas comme ça du traitement de choc infligé. Un petit crossover avec les membres de Cave in (Steve Brodsky, Adam McGrath et JR Connors) sur le très réussi "Effigy", puis Converge se décide (enfin...) à allonger le format de ses brûlots hardcore dont aucun n'avait jusque là atteint la barre fatidique des trois minutes. Sans doute pour ménager le peu de sensibilité auditive de ses victimes poussées dans leurs derniers retranchements sensoriels.

Car une fois que l'on a mis les tympans dans l'univers HxC du groupe, celui-ci n'hésite pas à déballer la grosse artillerie. Morceaux choisis : pilonnage systématique sur "Wishing well", petit arrosage au lance-flamme, un zeste de groove rock'n'roll pour faire passer la pilule avant d'attaquer le plat de résistance et un "Damages" tout en dissonances corrosives qui répond à un "Worms will feed" déjà plutôt burné dans son genre. Entre effusions hardcore et frénésie métallique épileptique, Converge donne dans l'hyper-violence au travers de titres assénés à une vitesse proprement ahurissante. Rafale de double pédale, frappe de malade, une densité sonore habituelle chez le groupe (Jane Doe et You fail me ne faisait déjà pas vraiment dans l'épure...) et des titres qui viennent se poser les uns après les autres dans notre ligne de mire. Et pourtant rien à leur reprocher, c'est béton du premier riff à la dernière accélération. L'émotion, l'introspection et le repli pudique sur soi, on oublie. Ici le groupe cause avec ses trippes, cogne d'abord et pose les questions après ("Dead beat", "Cutter"). Une petite injection de hardcore sur un titre taillé pour faire mal (un Slave driver dément) avant une petite respiration avec l'arrivée de Steve Von Till (Neurosis) au chant, pour un morceau tout en retenue mélodique avant un final sous tension émotionnelle, et Converge referme cet Axe to fall avec un "Wretched world" intense à l'écriture très personnelle. A noter que l'objet est soigneusement emballé dans un digisleeve classe à l'artwork particulièrement réussi, et là, on est obligé d'admettre que ces mecs-là ont fait fort, très fort. Veni, vidi... et vici.

Converge / Chronique LP > You fail me

converge_you_fail_me.jpg Trois ans. Trois ans d'une attente interminable. Après le choc Jane Doe, sorti en 2001, les Bostoniens de Converge reviennent avec un album que n'importe que fan de hardcore a attendu comme le messie. Je vais rapidement mettre fin au suspense : You fail me est à la hauteur de son prédécesseur. L'artwork et le slogan de l'album, "Living everyday dying everyday", plongent directement l'auditeur dans une ambiance sombre et désespérée.
Disque de l'abandon, de la supplication. "Tu m'as abandonné" semble nous dire cette main de suicidaire sur la pochette de l'album.
Peut être moins "évident" que Jane Doe, You fail me n'en est pas moins un chef d'oeuvre.
La violence semble ici plus retenue, comme par exemple on peut le constater avec des titres comme l'éponyme "You fail me", "The first light". Mais que les fans de Jane Doe se rassurent, la violence est par endroit beaucoup moins contenue et laisse place à des accès de rage et de colère rivalisant sans problème avec les classiques du groupe ("Eagles become vultures", "Black cloud", "Hope street "). On pourrait parler des heures des coins et recoins du disque, cependant il s'agit ici d'une musique qui se vit, qui s'écoute tout simplement.
On ne peut qu'admirer la virtuosité du combo, d'autant qu'elle est toujours au service d'une intégrité artistique sans faille.
Le hardcore de Converge, que les auditeurs les plus superficiels auront vite fait de taxer d'inaudible, de brutal, se construit pourtant toujours autour d'une émotion, si noire soit-elle.