Si tu es quelque peu mal à l'aise avec cet artwork à l'écriture irrégulière et aux couleurs qui ne se marient pas forcément, ce n'est pas parce que le graphiste a fait n'importe quoi, c'est juste que c'est un album de Coilguns et que mélanger des extrêmes, c'est une des bases de leur processus créatif. Avec un résultat, comme toujours, aussi déroutant que passionnant.
On ne peut pas tout aimer d'un album de Coilguns, ça me semble évident tant ils proposent des choses différentes et parfois exubérantes. Pour savoir si un de leurs albums est "bon", je compte donc ce qui me déplaît... Pour Odd love, la liste est plutôt courte, mon seul grief, c'est la fin de "Placeholders" et des chœurs un peu chelou qui sonnent faux, les sifflotements du début du morceau ne m'avaient déjà pas convaincu, c'est donc une piste que je zappe. Et c'est la seule car tout le reste, aussi chaotique que cela puisse être par moment, c'est plus que satisfaisant de le prendre dans les oreilles ! Qu'on tape dans le très gras et métallique ("Generic skincare") ou le plus posé, clair et aérien ("The wind to wash the pain") ou que les Suisses jouent sur le stress de l'auditeur ("Black chyme"), ça fonctionne ! Le travail sur les rythmes et leur accointance avec les guitares permet de plonger dans des atmosphères torturées ("Featherweight") et quand le chant vient ajouter des variations bien senties (mots scandés ou criés avec un soupçon de mélodie sur "Bandwagoning"), c'est un régal. Les expériences peuvent être limitées (un matraquage quasi continu sur "We missed the parade", quelques larsens pour "Venetian blinds") ou plus aventureuses avec un peu de douceur et une accroche touchante renforcée par un piano grave qui appuie le propos avant de s'emballer dans des touches plus à droite pour un passage dissonant ("Caravel). Elles semblent toujours "sous contrôle" et suffisamment réfléchies quand bien même tout finit par se déstructurer et exploser ("Bunker vaults").
Quand, au moment de faire les comptes, les parties excitantes l'emportent aussi aisément sur les moments que l'on peut juger trop dérangeants, il n'y a pas photo, c'est que Coilguns a réalisé un très bon album. Si tu veux vivre une expérience intense, tu sais ce qu'il te reste à faire.
Publié dans le Mag #63