The Black Heart Rebellion - Har nevo Ils avaient "commis" le crime parfait en matière de premier essai discographique avec leur imposant (mais élégant) Monologue fin 2008, ce n'est que cinq ans plus tard qu'ils reviennent avec son successeur : Har nevo. Entre-temps, il y a eu une réédition au Japon - par l'intermédiaire de l'excellent Tokyo Jupiter Records (Errata, Seila Chiara, TotorRo...) qui s'occupe également de distribuer celui-ci au Pays du Soleil Levant quand le reste du monde est géré par ConSouling Sounds (AmenRa, Syndrome, Thisquietarmy...) - deux splits LP (avec Adorno et AmenRa) et puis surtout des concerts, beaucoup de concerts, explorant essentiellement la facette la plus abrupte de cette musique si viscérale qu'est celle de THBR. Sachant également que l'un de ses membres de base est très occupé dans divers projets (Kingdom, Hessian, Pieces of Quiet...), on comprend mieux le délai de gestation de ce nouvel opus... pour le moins inattendu dans son rendu final.

Parce que dans le cas présent, il faut "oublier" quelques minutes la notion première de post-rock-core, cette mouvance musicale à la noirceur palpable dont les natifs d'outre-Quiévrain auraient pu aisément se faire les chantres... sauf qu'il ne s'agit pas ici de cela. Mais d'un magma sonore épousant les contours du doom ("Avraham"), flirtant avec les atmosphères d'un post-rock délicieusement vicié, baignant dans les textures sonores narcotiques d'un rock psychédélique prégnant ("The woods I run from")... car The Black Heart Rebellion offre à l'auditeur d'entrer dans une véritable transe se rapprochant quelque peu de ce que peuvent faire les Neurosis, sans pour autant évoluer sur les mêmes territoires créatifs que les dieux d'Oakland, Californie. Mais dans l'état d'esprit, il y a ce quelque chose d'inimitable, qui sort résolument des sentiers battus pour chercher l'émotion brute, pure, séminale ("Circe", "Animalesque"), mêlant douceur et violence dans un même agglomérat sonore, constamment insaisissable et même temps d'une densité aussi âpre que contaminatrice.

Une mélancolie sombre qui dévore l'âme de son auditeur, une musique fantomatique qui s'empare de lui pour l'emmener vers un univers aux profondeurs émotionnelles abyssales ("Crawling low and eating dust", "Ein avdat") ou pas tant que ça, mais avec un raffinement dans la sauvagerie, une retenue dans la bestialité, qui marque assurément les esprits. Sans doute pour mieux en accroître l'insidieux effet. Jusqu'à emmener l'auditeur aux confins de l'americana la plus crépusculaire et désenchantée ("Into the land of another"), lequel morceau final scelle définitivement le sort de cet Har nevo aussi éminemment personnel qu'étrangement porteur d'une violence intimiste sourde et pourtant omniprésente.