Birds in Row, on ne va pas se cacher, c'est la grosse cote hardcore/punk du moment. Et en plus soyons chauvins, c'est français (si si...)... et crédible même (si si, bis). Même que le groupe est signé chez Deathwish Inc., THE référence du genre avec notamment Converge dans ses rangs. Des p'tits frenchies chez les gros ricains, ça méritait au moins qu'on en discute un peu...
Birds in Row assis
Alors, Birds in Row, jeune groupe français qui après "seulement" deux EPs (mais quand même pas mal de salles ravagées aux quatre coins de l'Europe), signe chez Deathwish Inc., LA référence du genre en matière de hardcore/punk qui fait bien mâle, vous imaginez bien que l'on ne va pas laisser passer ça sans rien dire, alors racontez. Comme ça s'est fait ? J'ai ouïe dire que Jake & Tre vous auraient contacté par mail, pour vous proposer simplement un deal et qu'après ¼ de seconde et demi d'hésitation vous auriez dis oui (quitte à refuser la proposition d'un obscur label underground moldave).
Ouais. Ils nous ont découvert tout bêtement par le biais de gens qui connaissaient notre musique ou juste en fouinant sur des blogs. Il leur a fallu du temps pour trouver où nous contacter et on finit par envoyer un mail à notre label français, Throatruiner Records. Lequel a relayé l'info et voilà. Ils voulaient represser notre dernier EP Cottbus mais après en avoir discuté avec nous et Vitriol Records, le seul label US nous supportant depuis le début, on a convenu que ce serait mieux de sortir notre premier album directement. C'était ce dont on avait envie et ils l'ont bien compris.
Plus sérieusement, tout cela m'a semblé aller très vite entre l'annonce de la signature, le passage en studio et le fait que j'ai l'album présentement entre les mains. Du coup, combien de temps ça vous a pris tout ça, la compo, le passage en studio et tout le bordel ? N'y avait-t-il pas une certaine pression de se dire "oulà, faut pas qu'on se loupe sur ce coup et en même temps, on n'a pas des mois devant nous pour retravailler nos morceaux à l'infini, donc on respire un bon coup, on ferme les yeux et on prend ce qui sort des prises brutes de décoffrage" ?
À vrai dire, ils nous avaient contacté en avril, puis annoncé ça en novembre il me semble. Donc en réalité on a eu le temps de préparer les choses. On a voulu tout composer d'une traite pour garder le côté urgent qu'on a aimé avoir depuis le début du groupe. Donc de novembre à la mi-décembre on a quasiment répété tous les soirs, pour composer l'album. On l'a enregistré le mois suivant.
Je dis ça et en même temps, la prod' signé Amaury & Sylvain crache vraiment des flammes. Vous avez été comment avec eux, sincèrement : le genre « on sait exactement ce qu'on veut au poil de cul près donc vous vous occupez d'enregistrer et basta » ou vraiment dans un esprit de collaboration absolue quitte à remettre en question des acquis présupposés sur ce que vous aviez en tête pour l'album.
Amaury et Sylvain ne sont pas nos producteurs mais les personnes qu'on considère comme étant les plus doués qu'on connaisse, en matière de son. On se connaît depuis un moment, on a été amis avant de travailler ensemble. Donc au final, il n'y a pas eu de compromis, on avançait dans le même sens. Ils nous connaissent, nous comprennent, plus ou moins, et on leur fait totalement confiance.
Niveau liberté artistique, il se dit souvent qu'il y a pas mal de tensions entre label et groupes à causes d'intérêt divergents (économique vs artistique), allez-y balancez, ils sont donc intègres et punk jusqu'au bout chez Deathwish ou un peu hardcore à ce niveau-là ? Quitte à se prendre un four commercial avec un album ?
On a une liberté totale. Ils essaient de nous motiver à faire des trucs qu'on ne ferait pas normalement... comme des vidéos toutes les semaines mais on a totalement le choix. Ils croient en ce qu'ils font et dans les gens pour lesquels ils s'investissent. Et s'ils font attention à la promo c'est plus pour faire connaître les groupes qu'ils supportent et apprécient, plus que pour être sûrs de faire rentrer des dollars en vente de disques, à proprement parlé. Ce n'est ni plus ni moins qu'un label indépendant, passionné. Ils ont une visibilité très importante vu qu'ils sont là depuis un moment et ont développé un catalogue impressionnant, mais ça n'en reste pas moins de l'indépendant.
Birds in Row debout
D'où une deuxième question qui évoque le côté un peu anticonformiste de l'album, cette impression de mix de tout ce qui était dans vos tripes et peu importe si cela peut (ou doit d'ailleurs, ça peut être l'idée) surprendre les amateurs de hardcore/punk plus « classieux » si j'ose dire. C'était ça l'objectif premier, de faire l'album personnel par excellence, le truc qui était au plus profond de vous ? Genre, rien à foutre de ce qui plaît, on fait ce qu'on peut et basta. Ou baston en fait ?
On ne cherche rien de précis. Juste exprimer ce qu'on a à exprimer, de la façon dont on le peut. Ce serait très arrogant de la part de n'importe quel groupe que de dire que son prochain album est une révolution. On n'a rien inventé, on joue sur les mêmes instruments que les autres, on a sans doute les mêmes influences que les autres, on est juste humainement différent, comme toi tu l'es de nous, et comme ton voisin l'est de toi... Ça fait qu'avec trois instruments similaires, toi et deux de tes potes ne feraient pas la même musique que nous trois. Après les délires de "c'est vraiment à part votre musique", on y croit pas trop. Juste peut être que le monde du hardcore tourne un peu en rond ces temps-ci et cherche n'importe quelle échappatoire. On n'est pas sûr d'en être un mais ce genre de considération fait plaisir...
Tout le monde pleure à propos du massacre des ventes de CDs et tout ce qui s'ensuit mais là, vous concernant, je me demandais si en fait, vous, vous ne vous en foutiez pas royalement. Evidemment pas vis-à-vis du label mais plutôt au niveau du fait que votre musique, tout ce que vous faites, s'adresse à un public d'initiés. Et que ceux-ci ont toujours "consommé", qu'ils sont toujours venus au concert et qu'ils continueront de le faire.
On ne fait pas d'argent personnel avec notre musique, ça nous enlève déjà une belle poutre du pied. Ensuite, on vient d'un milieu où tu achètes le disque d'un groupe parce que tu aimes sa musique, sa démarche, que tu veux le soutenir ou juste avoir un support original, avec une sorte de fétichisme. Pourquoi ? Parce qu'on ne vomit pas nos chansons toute la journée à la radio, en essayant de nous faire passer en force dans une culture musicale déjà forcée maintes et maintes fois. On a pas de plan promo autre que de courir jouer sur la route un peu partout. Ils sont où les géants du disque quand des gamins comme nous et les autres groupes tournent dans des bars que personne ne fréquente ? Ils attendent leur salaire estampillé SACEM. Alors ouais nous on est bien content que des mecs à la dech' télécharge nos albums gratuitement sur notre site ou des blogs de passionnés, parce que c'est ça la culture: avoir accès libre à tout ce qui peut être fait. Le marchandage autour ne devrait être que du soutien aux artistes et labels, pas une industrie se plaignant de ne pas pouvoir plus arnaquer les gens, qu'elle ne le fait déjà. Jean Jacques Goldman et consorts ne font ni plus ni moins que le compte des branches qu'ils ont déjà sciées. Vivement que tombent celles sur lesquelles ils sont assis.
Tourner avec Converge, a priori, c'est méga la classe mais c'est pas chiant parfois de devoir ouvrir pour un public de fans qui n'en a carrément rien à foutre de vous ? Ou en fait c'est le job et faut de toutes les façons en passer par là et ça ne sert à rien de se plaindre ?
"Punkrock is not a job" pour citer le philosophe Till Lemoine (Guerilla Poubelle). On a pas ressenti de dédain de la part du public sur toute la tournée, au contraire, on s'attendait à se faire lyncher. Mais il semblerait qu'on ait survécu. Et tous les soirs on voyait l'un de nos groupes préférés jouer ... Ainsi que Rise And Fall, qui en fait également partie.
Les projets immédiats de BIR ? Tourner, tourner, tourner, flinguer le moteur d'un van et explorer la Mongolie intérieure. Donner des séquelles à ce premier album ? OK une déjà. Arrêtez de répondre à des interviews chiantes ? Allez-y, faites vous plaisir.
On doit tourner au Royaume-Uni début décembre, puis dans le reste de l'Europe en février ... histoire de bien avoir froid ! On planifie un autre aller-retour pour les USA et un ou deux nouveau morceaux. On essaie d'arrêter de casser des camions, même si c'est une sorte de passion.
Qu'est-ce qui tournent en ce moment dans l'Ipod ou la platine ? Je suis à peu près sûr que vous allez me répondre Code Orange Kids mais bon. (Je comprendrais cela dit, ça bute).
Alors non, on a pas le dernier Code Orange Kids. Par contre, Converge, The Chariot, Burial, Portishead, Cold Cave, Tigers Jaw, Gaza...
Merci aux Birds in Row, à Stéphanie Marlow et Tre McCarthy de Deathwish Inc..