The Arrs - Khrónos Si Soleil noir était un album de transition et de renouveau, Khronos est celui qui enfonce le clou du retour "aux sources", à savoir un album de métal hardcore sans concession où les mélodies et les moments de calme se comptent sur les cordes d'une guitare (à part l'interlude "Les rives du temps", il y a toujours de la vitesse, de la tension ou de la hargne). Certes, avec cette nouvelle galette, The ARRS ne fait pas que dans le bourrinage intensif mais ce n'est pas loin d'y ressembler quand même car les parties qu'on repère le plus facilement lors des premières écoutes sont celles les plus violentes et notamment l'apport de Ju (Benighted) sur le titre éponyme placé au coeur de l'opus. Ca (sur)growle sur des grattes stridentes et une rythmique ultra puissante et ça défonce les tympans. Ca tombe plutôt bien car si tu t'es procuré cet album, ce n'est pas non plus pour te bercer avant de dormir.

Alors, oui, ça blaste et ça hurle quasiment tout le temps et l'étiquette "metalcore" oubliée mais ce n'est pas pour autant que The ARRS a perdu en qualité, en écriture et en intelligence (s'il suffisait de passer en chant clair pour être moins con, ça se saurait). La preuve en un seul titre, "Prophétie", où le groupe incorpore des samples de discours historiques, avant de reprendre les mots les plus forts de Badinter lors d'un discours sur le Vel d'Hiv (Je ne demande rien, aucun applaudissement, je ne demande que le silence, que les morts appellent : «Taisez-vous !» Ou quittez à l'instant ce lieu de recueillement, vous déshonorez la cause que vous croyez servir) enchaînant sur la "marche funèbre" de Moulin par Malraux devant le Panthéon qui explose dans nos oreilles avec le final haut perché de Poun (Black Bomb A), et tout ça en 3'30". Et tout est mesuré, amalgamé, ciselé pour que ça sonne "Juste". Rarement un travail de mémoire d'une telle qualité n'aura été mené aussi loin par un groupe de métal en France, j'apporte donc les félicitations du jury. Difficile de mettre un autre morceau derrière cette superbe "Prophétie" mais "Le journal de ma haine" tente le coup et le réussit grâce, entre autre, à l'intervention de la voix de Kubi échappé un instant des Hangman's Chair pour donner, lui aussi, un coup de main et du relief à un titre de ses potes. D'ailleurs, avec l'éviction du chant clair, les différents guest sont les bienvenus (il y a également Alex d'Obey the Brave) pour sortir un peu du bloc monolithique qu'est devenu un album de The ARRS.

Retour aux sources musicales, brutales, violentes pour les Parisiens qui traitent de leurs thèmes favoris (Condition humaine était déjà un clin d'oeil à Malraux, je te conseille d'ailleurs fortement la lecture de tout ce qu'il a écrit...) avec l'aide de leurs amis et de leur producteur fétiche Francis Caste (Heros assassin, Trinité...). Alors certes, c'est pas franchement "nouveau" mais putain qu'est-ce que c'est bien branlé.