Arcade Eyes A l'heure de la globalisation des échanges (web notamment), on peut habiter en France, en Suède ou en Allemagne et pourtant monter un trio. La preuve avec toute une myriade de projets plus ou moins luxueux ayant vu le jour ces dernières années dans les sphères rock ou hard et dont Arcade Eyes en est la dernière des démonstrations. Implacable. Un side-project initié début 2012 par Jan Oberg, maître à penser d'Earthship (entité parallèle de The Ocean) et propriétaire des studios Hidden Planet du côté de Berlin (Allemagne) qui se met à imaginer une nouvelle entité sludge/doom/metal psychédélique en compagnie du batteur du groupe The Smokin 44's André Klein, dans un cadre exclusivement instrumental au départ. Plus d'un an plus tard, un troisième membre vient se greffer à Arcade Eyes en la personne de Stéphane Azam, moitié de CROWN.

Confectionné dans son coin dans le confort des Hidden Planet Studios, un premier effort voit le jour quelques mois plus tard par le biais du très indé Raddatz Records (Earthship tiens, tiens), sans titre mais avec une sacrée envie de marteler son propos, aussi ésotérique que sauvage. Un crossover entre Crowbar et d'Earthless passé à la sauce EyeHateGod mais baignant dans les volutes enfumées d'un Electric Wizard comme toujours sous psychotropes. Le résultat, dès le premier titre "Circle of black shadows" (tout un programme) annonce une couleur assez noire, plutôt bien lourde en termes d'arrangements instrumentaux mais pas que. Une certaine férocité vocale qui prend tout son sens lors de "Tales of greed". Tantôt bestial, tantôt spatial, Arcade Eyes conjugue le psychédélisme sludge avec les déclinaisons d'un doom-metal aussi obsédant que narcotique. Et en apporte la plus éclatante des illustrations avec "Waves of flesh". Magistral.

On aurait pu redouter que le concept trouve assez rapidement ses limites. Sauf que non. Pas ici. Sans doute parce que le trio a l'intelligence de modifier régulièrement sa recette (sans jamais la dénaturer mais en faisant juste ce qu'il faut pour la rendre constamment savoureuse). Que ce soit en insufflant une bonne dose feeling hardcore-punk à "Iron tongue" raccourcissant de fait ses formats (on tourne sur des morceaux de deux minutes à peine, sinon moins) ou en assommant littéralement l'auditeur à coup de masses sonores des cavernes ("Into the veil"). Question dilatation des membranes auditives, Arcade Eyes y va gaiement, assénant ses coups de boutoir alors que l'atmosphère ambiante se fait de plus asphyxiante, méphitique et que le mastodonte Arcade Eyes érige son édifice musical, sans concession ni retenue ("Fragments"). Rugueux, adepte de l'abrasion émotionnelle comme de la rupture de cervicales consciencieuse, le trio mêle jusqu'à son terme avec toute l'habileté dont il sait faire preuve, rock lourd, sludge prégnant et doom-psychédélique lancinant pour un résultat à la fois très solide, massif même et hypnotique ("Soundtrack for salvation", "Embrace the fire").