AqME, l'album éponyme est souvent le premier album, la carte de visite limpide où le message est clair, pas brouillé par un titre d'album qui parfois peut prêter à confusion avec le nom du groupe. Le premier titre de ce nouvel opus, c'est "Ensemble", ses premiers mots sont A l'aube puis ensuite vient Sur le fil nous marchons, brûle entre nous cette passion, phrase mise en avant dans le digipak. La vie d'un groupe n'est pas simple, le ton de ce titre inaugural est particulièrement lourd, la guitare est triste, la grosse caisse sombre, comme sur la photo de l'artwork, les membres apparaissent déchirés, partagés entre leur vie et celle d'un groupe qui n'a cessé d'évoluer. Serait-ce la fin des temps ? AqME fêtera-t-il ses 20 ans en 1999 ? Cette introduction laisse dubitatif.
La suite de l'opus redonne de l'espoir et une explication possible... Mon interprétation, c'est que Dévisager Dieu n'était effectivement, encore une fois, qu'un album de transition, un album de mue qui a permis à Vincent à la fois de prendre en charge l'héritage de Thomas pour mieux faire sienne la voix d'AqME. Affranchie du poids du passé, libérée de la tension et rassérénée par son public, l'entité recommence une nouvelle vie et se présente à nous comme au premier jour. Enfin presque un premier jour, car si le groupe a su parer aux départs de deux de ses figures (désolé Sophie mais tu ne fais pas le poids face à Ben et Thomas), c'est aussi grâce à des permanences fortes : Charlotte bien sûr mais aussi "leur" label At(h)ome avec qui ils travaillent depuis 15 ans, la qualité nordique du son (Bergstrand puis Lindberg, désolé Prestage) et l'indéboulonnable Étienne dont les frappes sont pour beaucoup aux couleurs d'AqME, c'est aussi certainement celui qui s'implique le plus dans le son depuis les débuts (et fatalement aujourd'hui puisqu'il enregistre et mixe) mais également dans la "pensée" du combo car toujours présent quand il faut prendre la parole. Des forces qui permettent à l'AqME nouveau de se lancer sans crainte et de se découvrir, se mettre à nu, s'offrir au public qui les suit depuis plus ou moins longtemps... Très personnel, AqME met en avant le "je", le "toi", le "nous" et touche plus à l'intime, au leur comme au nôtre que sur ces dernières productions. On renoue également avec les mélodies puissantes qui sont dans l'ADN d'AqME, certains refrains vont enflammer les salles ("Encore, fais-moi mentir, encore ! Après tant d'années !", "Saurions-nous vivre sans influence ? Refuser le silence !", les deux titres placés en début de track list sont là pour t'accrocher direct et ça fonctionne) alors que d'autres servent le propos sans chercher à fédérer outre mesure (le sublime "Si loin"). Le AqME des origines était ouvert à d'autres, il y avait 3 invités sur University of nowhere où 2 des 5 titres étaient partagés, depuis les guests ont été rares et discrets, ici et maintenant, la voix Reuno ne passe pas inaperçue et marque le rageur "Rien ne nous arrêtera". Enfin, une vieille habitude veut que l'album se termine par un titre particulièrement écorché, distordu et qui monte en saturation toute instrumentale pour nous laisser exsangue de toute énergie, "M.E.S.S." remplit parfaitement son office. Le replay automatique renvoie le silence et les écorchures d'"Ensemble", on rempile...
AqME représente donc un nouvel AqME mais c'est pourtant l'album qui ressemble le plus à l'idée qu'on se fait d'AqME, sa représentation mentale, son aura. Le plus proche de la description qu'on peut faire du groupe depuis 1999, en tout cas, dans les sorties les plus récentes du groupe, c'est celui qui sonne le plus proche de ce qu'ils sont réellement.
Publié dans le Mag #31