C'est juste avant le début du concert que je retrouve les quatre AqME, détendus, dans leur petite loge du Splendid, le micro est placée au milieu et aprés quelques minutes de discussions, on passe aux choses sérieuses...
AqME live à Lille (2002)
Entre l'enregistrement de l'album (été 2001) et sa sortie (septembre 2002), il y a eu plus d'un an, ça nous a semblé très long, vous aussi ?
Toma : Pas si long que ça, oui on a du attendre mais si on compare à d'autres groupes comme Noisy Fate ou Enhancer, ils ont du attendre plus longtemps que ça, nous on est bien loti et on a du bol.
Ben : On a attendu longtemps mais on a su rapidement qu'il allait sortir donc ça allait.
Etienne : Et dans cette période-là, on a fait plein de choses dans l'ombre et on a aussi tourné avec Mass Hysteria et Unfold, ça nous maintenait une actualité. Ensuite, en 3 mois on a trouvé une maison de disques, on a signé début 2002, on a trouvé un éditeur, on a trouvé un tourneur avec Sriracha... Tout ça s'est fait à quelques mois d'intervalle...
B : Et on allait pas sortir le disque sans avoir de dates, il fallait tout mettre en place, on partait de rien.
Cheepo : On a aussi bossé l'album pour pouvoir bien le jouer.
B : On a continué à répéter pour être au niveau de l'album, ça aussi c'est important.
Est-ce que vous l'auriez sorti vous-mêmes s'il n'y avait pas eu de signature ?
E : Pour nous, c'était pas possible de ne pas signer.
B : Sans être présomptueux, on savait qu'on signerait.
T : On le voulait tellement que pas un instant on s'est dit "d'ici 3 mois, si ça marche pas, on le fait nous-mêmes". On s'est accroché et on a lutté, y'avait pas moyen de faire autrement.
E : Et on savait qu'en étant produit par le producteur qu'on voulait, il n'y aurait pas de problème. On a déjà bossé les compos pour que ce soient de bonnes chansons, en tout cas à nos yeux, et quand tu as l'appui d'un gars comme Bergstrand, ça te met du plomb dans la tête, ça te met une grande confiance en toi.
B : Quand un type comme ça, qui a autant de bagage te dit que ton album sonne mortel, tu n'as pas d'inquiétude, il y avait une pression mais vraiment minime. Dés les premiers rendez-vous ça a été assez encourageant.
E : Et on a signé très rapidement...
Les titres ont été composé il y a longtemps, prés de 3 ans, ça vous dérange de jouer des "vieux titres" ?
E : Je pense qu'on va les jouer encore pendant 10 ans !
T : C'est marrant parce que j'en discutais tout à l'heure avec Chloé qui s'occupe de l'organisation, en fait, quand tu les joues en live, tu les revis, à chaque fois, c'est nouveau, c'est pas dérangeant...
B : Et tes chansons n'existent pas vraiment tant que tu ne les as pas confrontées à un public qui les connaît. Avant, c'est un truc un peu fantôme, confidentiel, les gens ne peuvent pas les intégrer avant un ou deux concerts, avant de les avoir défendues sur scène, tes chansons n'existent pas vraiment...
T : Même des compos comme "Tout à un détail prés", qui est assez vieille, elle devait être sur
E : Une chanson qui va te faire chier, elle te fait chier au bout de 6 mois, pas au bout d'un an et demi, si tu passes le cap d'un an avec la chanson, tu sais que la chanson est bonne. Maintenant on est encore plus rapide si les titres nous plaisent ou pas, y'a des titres qui ont été composé deux ans avant l'enregistrement et d'autres 1 mois avant, "In memoriam" a été composé 1 mois et demi avant à peine, on l'avait composé une semaine avant de jouer à la fête de la musique au Réservoir à Paris et on l'a enregistré aussi, si on avait senti que ce titre ne suivait pas avec les vieux, l'album n'aurait pas eu de continuité. Là, on était sûr que ces titres-là ne nous feraient pas chier.
B : On a fait tellement de chansons avant avec AqME ou Neurosyndrom que là, on savait qu'on tenait un truc. On pensait que c'était les premières chansons qui étaient abouties, qui avaient une personnalité propre.
Là, vous êtes à la fin de la première partie de la tournée, c'est la première fois que vous enchainiez beaucoup de dates avec ce set, vous sentez une progression sur les titres ?
C : A chaque date, on sent une progression, déjà on est de plus en plus "professionnels" parce qu'on apprend avec chaque groupe avec qui on joue, comme Watcha...
T : On prend de l'assurance, on est plus à l'aise, on se prend moins la tête.
E : Et c'est surtout au niveau du travail sur scène, pouvoir se sentir bien, établir un contact avec le public, c'est pas forcément facile, surtout quand on fait une musique assez intimiste. Arriver à avoir un bon contact avec le public, ça ne s'apprend pas vraiment parce que personne ne te dit "tu devrais faire ci, tu devrais faire ça", ça se vit au fil des dates. Pour le moment tout se passe bien, on est super contents, on n'a pas eu un seul mauvais accueil.
B : Et c'est cool de voir des gens qui connaissent l'album, qui chantent les chansons, c'est encourageant, ça te motive à les jouer...
Sur scène, vous reprennez "Heart-shaped box" de Nirvana, vous l'avez aussi enregistrer et mis sur le web, c'est une reprise assez risquée...
E : Officiellement, c'est pas nous !
B : C'est un groupe qui s'appelle EMqA ! (rires)
T : Assez risqué ? Nous on ne voit pas ça comme un challenge, on la fait comme un hommâge à notre niveau modeste, on kiffe Nirvana, on va faire une reprise, on l'a joué en répète et on s'est dit "tiens on va l'enregistrer" et on l'a foutu sur le web, on s'est pas pris la tête à se demander est-ce que ça va passer auprés des fans de Nirvana ? On le fait et on verra.
B : C'est une adaptation...
E : C'est un hommâge...
AqME live à Lille (2002)
L'album se vend plutôt bien...
B : Tu en sais plus que nous ! (rires)
E : On verra dans 3 mois quand on devra être payé !
Vous devez être content de cet accueil alors que vous êtiez assez peu connu...
T : On est super content de l'accueil du public, des radios, des journaux... Quand on a enregistré, on ne savait pas trop ce que les gens allaient en penser, aujourd'hui on est super fier, tout le monde dit que c'est bien !
E : Pour nous, la différence se fait en concert, passer en radio c'est virtuel, on n'écoute pas énormément la radio, on n'est pas en train d'écouter en permanence pour savoir si on passe, la maison de disque nous dit ça, très bien on passe à la radio, mais en concert quand il y a de plus en plus de gens, qu'ils chantent les paroles, qu'ils bougent plus sur ce titre là, quand y'a l'intro de "Le rouge et le noir" qui démarre, les gens se mettent à applaudir... tout ça c'est des trucs qu'on ne connaissait pas avant.
Et vous vous imaginiez jouer live à France Inter ?
T : Non ! Quand on a enregistré l'album, on s'est dit que c'était une bonne chanson "c'est le single, ça passera à 23h sur Oui FM"... et résultat on va le jouer sur France Inter à midi en direct chez Stephane Bern et accompagné au piano ! On le voit comme un nouvel exercice, comment on va faire, comment on va s'y prendre, c'est un nouveau truc intéressant, on va le jouer en acoustique avec un mec qu'on connaît pas au piano... On ne le voit pas comme un passage radio mais un nouveau truc à apprendre.
E : Et comment les gens qui à la base ne sont pas touchés par AqME pourraient se dire "finalement, c'est pas de la merde..." C'est assez subitl, on verra, si ça se trouve on va recevoir des tomates !
L'album est assez sombre, les textes sont assez poétiques, quelles sont vos sources d'inspirations ?
T : La vie de tous les jours... Je ne lis pas beaucoup, enfin je ne lis plus beaucoup, je n'ai pas d'inspiration littéraire spécifique, on me cite Baudelaire et Rimbaud, merci beaucoup mais je ne sais pas qui c'est ! (éclats de rire) Je grossis un peu, j'ai déjà lu des trucs mais je me suis pas dit "je vais écrire comme ça", j'essaye d'être le plus simple possible, de faire avec ce qui nous arrive tous les jours, j'utilise des métaphores, des paradoxes mais c'est jamais des trucs supers compliqués, il faut que ce soit un sentiment qui passe.
Et au niveau des projets ? Vous allez tourner jusque l'été pour les festivals mais le nouvel album devrait arriver très vite...
C : Oui, on le prépare...
B : On bosse les préprods, on travaille sur 12 titres. On ne sait pas si elles seront sur l'album mais la plupart oui.
T : Il est déjà bien entâmé, tous les textes sont déjà écrits.
B : Encore une dizaine et on pourra faire un double !
E : Pour le premier, on a bossé 11 morceaux à fond, là, on a un peu plus pour en mettre de côté et garder les 12 meilleurs.
T : Avant, on ne savait pas comment ça allait se passer avec Daniel en studio, là, on sait comment travailler, ça coule plus facilement, on est en pleine inspiration en plus alors tout est plus facile.
E : On compte sur lui aussi pour avoir du recul et dire "ce titre là est moins bien..." Si on s'accroche à un titre et que lui nous dit qu'il ne va pas par rapport au reste...
B : On va travailler de manière assez rapprochée avec lui pour le deuxième album, on lui enverra les préprods, il nous donnera son avis, c'est nécessaire. Quand quelqu'un réussit à entrer dans ton univers, comme c'est le cas avec Daniel, c'est important de travailler avec lui.
AqME live à Lille (2002)
Pourquoi lui d'ailleurs ?
B : Avec Etienne, on a toujours voulu faire ça avec lui, ça fait des années et ça c'est passé encore mieux que l'on imaginait, on ne pensait pas qu'il montrerait autant de motivations vu le nombre de groupes qu'il a enregistré. Il a adoré travaillé avec nous, nous aussi, il s'est beaucoup impliqué... Quand tu fais quelque chose pour la première fois, là c'était la première fois qu'on enregistrait en Suède avec lui, tu penses que tu peux faire mieux le deuxième coup. C'est comme ton premier rapport sexuel et le deuxième, le deuxième t'assures mieux... pour faire une comparaison à la con ! Maintenant on sait comment travailler avec lui, en bossant avec lui, on sait qu'on pourra aller vachement plus loin alors que si on repartait de zéro avec quelqu'un, on perdrait peut-être un peu de temps...
E : Et lui, il va faire du meilleur travail avec nous, et nous on pourra mieux travailler avec lui.
Si vous allez directement enregistrer après la tournée, c'est que le développement à l'étrnager n'est pas dans vos options...
E : Si, si, pourquoi pas ?
C : Par la suite...
E : Les mecs de Pleymo nous disaient qu'en Allemagne, plein de gars venaient les voir pour leur dire "pourquoi vous ne chantez pas en français, ça fait parti de votre personnalité, de votre particularité", c'est vrai après tout... Et dans le même temps, on n'a rien contre le fait de faire un album en anglais pour s'exporter mais il y a bien des groupes qui chantent dans leur langue natale qui est une langue difficile à la base, comme ##Rammstein qui avait enregistré son album en anglais et les médias aux Etats-Unis ont passé les morceaux en allemand... Est-ce que finalement c'est pas lorqu'on fait de la bonne musique que ça marche ? Que ce soit en anglais, en espagnol ou en japonais, tout le monde s'en fout aujourd'hui. Surtout en Europe, on est un continent où il y a plein de langues et les gens s'écoutent entre eux, aujourd'hui on peut chanter en français et vendre ailleurs.
B : On est à une période où la nouveauté vient d'Europe et pas forcément des Etats-Unis où les groupes s'auto-parodient, en Europe, il y a plein de trucs qui se passent que ce soit en Angleterre ou en Suède.
E : Mais y'a quand même beaucoup de boulot à faire en France, c'est un pays beaucoup plus grand que ce qu'on aime bien dire, y'a un gros public même pour le rock et le temps à passer sur la route pour rencontrer tout ce public là est vraiment long. Quand on voit le public qu'arrive à brasser un groupe comme Noir Désir après quelques années, c'est que ce n'est jamais fini !
B : Pour l'instant, on ne brûle pas les étapes, on va attaquer la Belgique, peut-être le Canada, d'abord les pays francophones... mais aprés deux ou trois albums on ne sait pas, ça fait parti du développement, on monte et on verra jusqu'où on ira
E : On prend ça étapes après étapes, on n'a pas de plans de carrière "dans deux ans il faut qu'on soit là-bas...", on ne se prend pas la tête. Dans la musique, tout se passe avec les rencontres, ça s'est toujours passé comme ça pour AqME, on verra bien. Ce sera la surprise, on ne peut pas prévoir.
(rires)
T : Ca c'est la phrase fétiche ! C'est le slogan...
E : Merde, il était bien placé, c'était parfait !!! (rires)
Noisy Fate vient de splitter, c'était peut-être le groupe de la Nowhere dont vous étiez les plus proches...
T : Plus Wunjo.
Maintenant oui, mais avant, ils étaient plus hard core et moins mélodiques...
T : Oui, mais ils ont ce côté sombre qu'on a aussi non.
C : Noisy Fate était plus pop.
E : Et on ne cherche pas à se ressembler dans Nowhere, c'est vrai qu'il y a deux groupes phares qui se ressemblent, Enhancer et Pleymo, mais ce n'est pas un courant musical la Nowhere. On n'est pas enfermé dans Nowhere, les gens se disent "y'a Pleymo qui marche, y'a Enhancer qui a marché et qui va revenir, donc Nowhere c'est rapmétal", mais non. Je pense que la plupart des gens qui écoutent AqME ont l'album de Pleymo et d'Enhancer et ne se posent pas la question. Si on faisait tous la même chose, ce serait horrible, ce serait d'un chiant...
AqME live à Lille (2002)
Parlons un peu de web, il y a AqME.com...
T : Il a été piraté aujourd'hui... à ce qu'on nous a dit !
Vous êtes actif sur le web depuis le début ou presque...
T : Depuis les tout débuts, dés que je suis arrivé dans AqME, on est sur le web, c'est tout con mais pour la promo du groupe au début, y'avait pas 15.000 moyens, on n'avait pas toute la structure de maintenant, alors c'était les forums, les guestbooks, y'a que comme ça qu'on pouvait se faire de la pub. Et encore maintenant, on va sur caramail pour chatter, on est tout le temps sur le site, on mate le guestbook, on répond aux gens, on échange des mails, on envoie assez souvent la mailing list... Ca bouge assez souvent, par exemple on prend des photos presqu'à chaque date, notre ingé son prend des photos depuis la console et on les balance sur le site pour qu'il y ait des tophes de chaque concert.
E : Et on essaye de garder le contact avec les gens...
B : On prend exemple sur le site de Marilyn Manson qui fait ça, date par date, il met des infos.
E : On veut un truc qui vive, où il se passe des trucs même si c'est pas un site fait par des pros avec du flash, de la 3D et tout ça, on veut un site où il se passe tout le temps des trucs et qui soit convivial.
B : On veut aussi que n'importe qui avec n'importe quel ordinateur puisse y aller.
E : C'est un peu notre côté famille.
T : Notre côté "France d'en bas" ! (rires)
Quelque chose à dire ?
E : C'est toujours sympa de s'associer à ce genre d'évènements, un concert pour des bonnes oeuvres et non politique, parce que la politique ça nous fait franchement chier !
T : Des jouets pour les enfants !
E : C'est une oeuvre humanitaire, humaine, c'est bien. Autant servir à quelque chose !
T : Se dire qu'il y a des gamins qui auront des jouets à Noël grâce à ça, c'est cool...
AqME sur scène semble meilleur que sur CD ! Alors que l'album est déjà très bon... Plus d'un an après leur enregistrement, les compos sont parfaitement exécutées, denses, lourdes, tranchantes pour certaines, bien plus aériennes pour les autres... Le son d'ensemble est très bon même si la basse de Cheepo est un peu trop saturée par moment... Tout Sombres efforts y passe, et pour en donner plus au public, AqME reprend (assez bien) "Heart-shaped box" de Nirvana, voilà déjà le temps du rappel et c'est avec une chanson inédite (qui devrait être sur le prochain album) que le groupe parisien termine son concert. Ce soir-là, AqME a impressioné pas mal de monde mais ils n'étaient pas là pour ça, l'essentiel étant que des gamins passent un Noël avec un jouet... Respect.
Coucou et Merci à tous les bénévoles qui ont géré magistralement cette semaine de concerts au Splendid, à Carving, aux AqME et à leur staff ainsi qu'aux At(h)ome Bros', Dave, Out, Unswabbed, Kass....