AqME - Requiem En ce jour d'automne 2018 où AqME a annoncé sa séparation après une ultime tournée, j'ai senti qu'une page se tournait bien davantage qu'en apprenant d'autres séparations, inéluctables. Il faut dire que la vie du webzine (et donc ma vie personnelle) et celle du groupe se sont souvent croisés, le W-Fenec et AqME ont grandi ensemble, on a vieilli ensemble, on a eu des enfants ensemble... Euh, non, enfin presque, puisque certains membres du groupe ont des enfants du même âge que ma fille et si nous n'étions pas séparés par plusieurs centaines de kilomètres, je pense que, partageant beaucoup de choses en commun, on pourrait se voir pour autre chose que parler musique... Bref, la fin d'AqME, c'est la fin d'une époque et même l'occasion de se poser la question "je continue ?". Oui puisque tu lis ces mots, car mon lien avec la musique me sépare bien moins des miens qu'un musicien. Et alors que je pensais les voir en live une dernière fois "pour le plaisir", voilà qu'en février, on apprend qu'un nouvel album a été enregistré en cet honneur et débarque en avril, une dernière cérémonie avant la mise en bière, un Requiem... Une dernière obole qu'on ne peut qu'écouter en pensant que leur temps en est à sa fin... au moment de l'épitaphe.

Même si l'attaque de ce dernier album est grave et distordue, les sons clairs (quelle basse limpide !) et un chant posé viennent rapidement apaiser "Entre les mains" et donner le ton, cet opus est certainement le plus harmonieux et mélodique d'AqME avec un Vincent qui va chercher des lignes pures et fortes en émotions comme jamais il ne l'avait fait. Est-il totalement libéré du poids qui pesait sur ses épaules ? Les Franciliens étaient connus pour alterner les ambiances mais aussi pour montrer une certaine fragilité sur les voix les plus douces, là, ils assument pleinement ces parties soyeuses, dénuées de filtres et qui nous touchent au cœur ("Enfer", "Paradis", "Requiem", "Sans oublier"...). AqME n'est pas devenu Vegastar pour autant, gardant son inégalable sens du groove et quelques distorsions dont la qualité abrasive est aussi exceptionnelle que les élans de finesse de la guitare qui varie les tonalités avec brio pour accompagner les textes. Des titres comme "Illusion" ou "Sous d'autres cieux" amalgament ainsi tout le potentiel du quatuor et offrent un sanctuaire à toutes leurs capacités, le lourd côtoyant le léger sans l'affronter, le posé se mariant à l'énervé sur l'autel d'un rock métallisé décomplexé. Quelques pièces gardent l'aspect de l'ancien ("Un autre signe") et font le lien avec le passé alors que les mots choisis par Vincent font surtout référence au futur... ou à l'absence de futur. Au-delà de la comparaison évidente avec la mort annoncée du groupe, les paroles abordent le sujet de la fin, de l'après, de la souffrance, des souvenirs, des thèmes tout aussi universels que personnels, là encore, c'est une des marques de fabrique d'AqME et cela permet d'inscrire l'opus dans la continuité et pour une durée bien plus grande que ces quelques mois qui vont les voir quitter la scène.

Quel plus beau cadeau qu'un album testament où toutes les richesses accumulées depuis vingt ans sont offertes tel un héritage à partager entre tous, où chacun puise ce qu'il a envie pour sécher ses larmes, la bande son idéale pour penser à tous ces bons moments passés en leur compagnie et retrouver le sourire.