Try Future d'Antigua Y Barbuda a été l'une des grosses découvertes de ces derniers mois en matière de bizarreries musicales : pas totalement sludge, pas totalement métal extrême, pas totalement electro non plus mais un peu tout ça à la fois... Une bête énigmatique à la la lisière de plusieurs genres qu'il était d'autant plus intéressant de décrypter avec les instigateurs qui animent le projet...
Pouvez-vous nous présenter Antigua Y Barbuda ?
On s'occupe tous des claviers et des samples. Alberto tient la basse, Guillermo s'occupe de la batterie, Germán du chant et de la guitare, Asier de la guitare et des choeurs.
Nommer son groupe Antigua Y Barbuda alors que l'on fait pas vraiment de musique exotique, c'est pour l'effet de surprise ? Vous avez envie d'emmener un nouveau public aux concerts de métal ?
C'est assez difficile à expliquer en fait mais il est assez juste de dire que notre musique possède quelque chose qui nous différencie de la plupart des groupes dits de metal, notamment concernant le chant.
On est fatigué d'entendre des groupes gueuler, on préfère penser qu'il est important de travailler la mélodie même si c'est difficile pour un groupe de métal (le néo métal a bien essayé mais au final c'était de la merde). Une de nos grandes satisfactions, c'est de voir que notre public est très varié : on peut plaire aussi bien à des fans de métal extrême, que des fans de hardcore ou à des rockers fans de prog' !!!
Le défi est difficile tant le progressif qui se fait aujourd'hui ou le métal chanté avec des mélodies (beaucoup trop proche du heavy) n'est pas toujours bien fait. Sans parler de la surprise que nous a causé l'écoute du dernier album de Mastodon, surtout qu'on a sorti le notre juste avant... Ils parient sur un progressif qui nous paraît en de nombreux aspects différents du notre. Il semblerait que nous ne sommes pas les seuls à vouloir faire avancer le métal.
Votre musique est très originale, on vous soupçonne d'être influencé par la scène Stoner/sludge made in USA (Mastodon, Baroness, Kylesa) mais finalement, tout ça reste assez flou et dilué. Qu'en est-il vraiment ?
G. : On pense que le principal attrait de Antigua Y Barbuda, c'est la variété des styles qu'aiment les membres du groupe. On ne veut pas faire un style en particulier ou imiter un groupe. Bien sûr qu'on est influencé, comme tout dans la vie d'aujourd'hui. Je viens d'un groupe de métal, Germán du HxC melodique, Alberto d'un groupe de rock et Asier de Grind Core (entre autres). On adore des groupes actuels comme Converge, Kylesa, Baroness, Zombie, JR Ewing ou Cult of Luna qui est certainement le groupe qui est le plus simple à cataloguer, mais si tu écoutes bien, tu verras qu'il y un nombre incalculable d'influences de vieux groupes : de Black Sabbath à Vangelis. Et on aime aussi bien le black métal que l'électro comme tu peux l'entendre dans Try Future.
A : Au moment de composer, on peut vérifier cette variété d'influences. Germán peut amener un riff de guitare avec un rythme de batterie en tête, mais en arrivant au local, Guille l'interprète de manière complètement différente mettant ses propres influences, transformant un titre qui pourrait être un morceau de rock comme "Try future".
G : C'était assez agréable d'ailleurs de voir que certaines personnes avaient une assez bonne oreille pour trouver parfaitement tous les styles qu'il y a sur l'album. Quand on a écrit La pirámide invertida, on a, en quelque sorte, rompu avec le monde de l'indé et les trucs qu'on écoutait sans savoir que depuis toujours on les mélangeait à notre sauce. Je veux dire que je suis surpris de voir la capacité des gens, surtout les chroniqueurs rock et les musiciens, à comprendre ce qu'on veut faire notre musique. On nous taxe pas de moderniste ou de rare, ça se passe tout simplement. Try future, le titre, y est aussi pour quelque chose. J'ai été surpris que les gens en tiennent compte : il ne s'agit pas de changer mais de soutenir les groupes qui s'adaptent à notre époque. On a appris de grandes choses de tout ça : utiliser internet, les MySpace tout ça... Pour moi, ce monde où tout est lié, c'est la clé du marché du disque.
Comment s'est passée votre signature chez le petit label français qui monte, The Flying Elephant Records ? Quels sont les facteurs qui vous ont décidé à opter pour ce label ?
Damien est un mec différent de ceux qu'on a rencontré avant : il a une bonne ouverture d'esprit, il travaille vite et bien et surtout il croit en la musique qu'on fait. Quand les critiques de l'album sont bonnes, il est le premier à nous dire "j'aime beaucoup ça !". De plus, sa philosophie sur l'univers du disque me semble très intéressante : réunir des groupes de différents pays pour les connecter d'une manière ou d'une autre. Je crois que cet univers manque de ça et il faut que les groupes se connectent avec d'autres formations hors de leurs pays, qu'ils soient écoutés par d'autres sinon, on n'écouterait que les grands groupes américains et ceux de son pays. Avec plus d'échanges, on aura tous plus de bons groupes à écouter. En Espagne, on est trop bête pour tisser plus de relations avec la France ou le Portugal. Il y a des milliers de groupes qui devraient faire des échanges de plans pour les concerts ou autres plutôt que de rester enfermés.
Antigua Y Barbuda en live, ça donne quoi ? On imagine quelque chose d'assez embrumé et possédé.
C'est un grand bordel ! La vérité, c'est que c'est la partie la plus difficile pour tous les groupes. Je crois qu'on offre un live différent à chaque fois, déjà que la musique qu'on propose n'est pas très "classique", et peut-être que le public n'est toujours pas préparé pour ce mélange. Il faut aussi prendre en compte que ce sont nos premiers concerts et notre premier album, on sera forcément meilleurs avec le temps. Personne ne s'est encore plaint de mourir d'ennui et pas mal de gens nous disent qu'ils veulent nous revoir pour tout bien comprendre...
La pochette de Try future est assez énigmatique, qui en est responsable ? Comment l'interprétez-vous ? Pour ma part, elle m'a vraiment fait penser à une affiche de propagande sectaire avec le Try future un peu plus en évidence que votre nom.
C'est Germán qui en est le responsable. Comme l'album, l'image représente un peu de notre amour pour les années 70. Le logo peut sembler un peu sectaire mais on le voit plus comme un symbole magique, obscure, un signe occulte (rires). Toutes les images, comme tu peux le lire dans le livret, appartiennent à la NASA : ce sont des projets de colonies dans l'espace. On aime bien cette idée du futur et on est assez fasciné par les avancées de l'humanité. C'est aussi le reflet de notre musique : une nouvelle manière de réfléchir la vieille musique qu'on apprécie mais sans mettre de côté qu'on est un groupe actuel... On n'est pas fan de vintage ou des groupes revival. Les seventies traitaient pas mal du futur, de l'espoir, du progrès... Aujourd'hui, tout semble perdu même si on est toujours plus près de l'espace et de la science. Maintenant, nos rêves d'espace sont vraiment très proches de la réalité. On consomme énormément de modernité et beaucoup trop de technologie... On a une chanson, "Science parade" qui parle un peu de ça : c'est une grande cérémonie, les scientifiques sont reçus comme des héros, c'est le fer de lance de ce siècle, pour le meilleur ou pour le pire...
En France, la question sur le téléchargement, Internet est devenu incontournable et sujet à beaucoup de polémiques, comment la problématique est-elle gérée en Espagne ? Vous sentez-vous concernés ?
Le truc c'est qu'on est tous coupables ! Personnellement, je n'achète que des vinyles ou alors directement les albums aux groupes quand je vais en concert. Tout le monde peut connaître plein de groupes grâce à l'échange de musique. Je crois que ça ne lèse aucun groupe. En Espagne, ce sujet est encore en discussion, il n'y a pas de loi : on peut donc tout télécharger facilement. Notre album est disponible à plusieurs endroits, il a même été téléchargé plus de 800 fois...et alors ? On n'aurait de toute façon jamais vendu ces 800 albums !
Malgré la proximité géographique avec la France, très peu de groupes espagnols de votre genre s'exportent chez nous, avez-vous des groupes à nous conseiller ? En France, il y a une sorte d'engouement pour les musiques atypiques comme la votre, est-ce aussi le cas en Espagne ?
Oui, ici aussi ! Généralement, les groupes espagnols et européens regardent beaucoup trop en direction des Etats-Unis. Je pense que ça pourrait être une bonne chose pour essayer de proposer quelque chose de nouveau : essayons de leur prendre les meilleurs trucs et ajoutons-y des éléments de chaque pays pour les améliorer. Ici en Espagne, les groupes qui marchent même si aucun ne s'exporte finalement, sont les groupes qui s'enferment le plus dans un style. On a donc les Franz Ferdinand espagnols, les Neurosis espagnols, les Cult of Luna espagnols...Je pourrais le comprendre pour les Ramones ou les Cramps... mais pas dans la musique d'aujourd'hui.
Vos derniers coups de cœur (musicaux, cinéma, littéraire) ?
En musique Zombi ! Ecoute-le si tu ne connais pas ! Et pas mal de black metal ! Je viens d'acheter en vinyles la discographie complète de Jean-Michel Jarre ! Vive la France ! Également le dernier de Kylesa, Danava... Côté littérature, German travaille dans une maison d'éditions de livres et lit beaucoup trop ! Pour le cinéma, Guillermo est fan de vieux films pas toujours terribles de science-fiction.
Les projets pour Antigua Y Barbuda dans les mois à venir ?
On est en pleine tournée. Cet été, on prendra surement un peu de repos avant de jouer dans quelques festivals nationaux. En septembre, on devrait aller en Europe, en tout cas Damien de The Flying Elephant Records bosse dur là-dessus. On prévoit aussi de commencer à composer de nouveaux titres cet été car il est possible qu'on sorte un autre album assez vite. Tout ça n'est pour le moment qu'au stade du projet...
On vous laisse le mot de la fin en vous souhaitant une excellente continuation...
Je vais essayer en français : " Merci à vous ! c'est très important pour nous de pouvoir parler de nous en France et plus important de rapprocher les musiques (rock/metal) francaises et espagnoles ! Merci beaucoup !
L'interview en VO (612 hits)
Distribution de mercis : Oli pour sa traduction de choc, d. de The Flying Elephant Records pour sa coopération et enfin aux Antigua Y Barbuda pour leurs réponses.
Photos et illustrations : Myspace