Animal As Leaders - Weightless Animals As Leaders, c'est assurément le bon coup flairé par Prosthetic Records qui démontre au passage que l'on n'est pas obligé de jouer la ligne éditoriale "easy as fuck" pour exister (n'est-ce pas Solid State Records, Razor & Tie ou Vagrant ?). L'écurie basée au coeur de la Cité des Anges a le nez creux et n'hésite pas développer un roster où se croisent ainsi Clinging to the Trees of a Forest Fire et Junius, Kylesa et Scale the Summit, Gojira, feu-Hollow Corp. ou encore Trap Them. Du lourd, pas que du metal hardcore à technicité de pointe, mais une dominante hard qui castagne et un désir de qualité technique plus qu'affirmé : pas étonnant d'y retrouver un AAL qui depuis son premier effort "long-play" éponyme (déjà chez Prosthetic CQFD), a su se faire remarquer sans passer par la case "démo/EP/album inaugural confidentiel" habituelle.

"An infinite regression" et son intro toute en circonvolutions indie à tendance(s) électro est une première prise de contact en forme de trompe-l'oeil : rapidement les éléments de la machinerie Animal As Leaders s'assemblent et la mécanique se met en branle pour ressembler à un mélange de Dream Theater vs Textures avec des textures électroniques au milieu, une approche de composition résolument moderne et surtout une ligne directrice qui incite à l'hyper-inventivité. Un premier titre littéralement funambule, un groupe qui s'autorise quelques soli purement démonstratifs mais un songwriting débordant d'efficacité, on n'a qu'une envie, se plonger dans la suite sans plus attendre. "Odessa" poursuit l'exploration de cet univers à part, un peu plus électro, mais pas moins technique dans ses enchevêtrements instrumentaux tous plus denses les uns que les autres. Guitares volubiles, cadencement rythmique au cordeau, un séquençage des ADN de mille influences réassemblées ("Somnarium", "Earth departure") ensuite de manière à ne plus former qu'un tout, à la fois indivisible et insaisissable mais porteur d'une logique d'écriture juste ahurissante.

Les morceaux se suivent, ne se ressemblent qu'assez peu même si l'approche est toujours la même ("Isolated incidents", "Do not go gently"), aussi riche en possibilités et autres variables qu'aisément reconnaissable de part son côté atypique, les AAL propulsent des compositions toujours aussi aventureuses et furtivement jazzy (l'espace de quelques fulgurances) dans les enceintes, pourtant la cohérence globale de l'ensemble ne se dément jamais. Ou si peu, quand le groupe pousse un peu loin le délire dans tous les sens ("Espera") quitte à en faire limite trop sur le côté parfois marshmallow du metal progressif ("New Eden"), avant de retomber sur ses riffs en quelques deux ou trois twists instrumentaux dont il a le secret (sur "Cylindrical sea" et l'éponyme "Weightless" notamment). Une alchimie musicale étourdissante doublée d'une maîtrise formelle de tous les instants rappelant un peu les travaux d'un Between the Buried and Me, une plongée sans filin dans un espace d'expression métallique virtuose, ces Animals As Leaders viennent l'air de rien de frapper un très gros coup sur la scène dite "rock/metal progressive", sans sommation et tout ça, sans non plus avoir l'air de tellement forcer leur talent. Reste à savoir combien de temps (et d'albums) cette petite formule miracle fonctionnera... parce qu'en l'état, c'est juste énorme.