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Amenra est un groupe belge (côté flamand) qui tourne depuis 1999 et a sorti une collection impressionnate de démos avant ce troisième épisode (les précédents étaient plus courts et autoproduits) : Mass III. C'est donc leur premier album "signé" (chez Hypertension Records) et distribué comme il se doit (dans certains pays, c'est la branche distro de Conspiracy Records qui s'en charge). Les Amenra sont cinq : Colin (chant), Vincent et Matthieu (guitares), Kristof (basse) et Bjorn (batterie), ils ont tourné avec Red Sparowes, The Locust, Pelican, Knut ou encore The Dillinger Escape Plan et fatalement, ça sonne grave, lourd, bas et destructeur.
En 2008, l'entreprise de démolition poursuit son oeuvre avec Mass IIII...

AmenRa / Chronique LP > Mass VI

Amenra - Mass VI Amenra avait touché au sublime de la noirceur avec Mass V, ils n'ont presque rien changé pour ce nouvel opus qui se sera fait attendre (la faute au talent de Oathbreaker ?) mais putain quel pied de plonger dedans. L'artwork n'est plus strictement en noir et blanc, en effet le cadavre du cygne a des reflets bleutés, c'est un signe que la musique va gagner encore quelque peu en nuances, pour autant, ça reste un cadavre et tu te doutes bien que les Belges nous emmènent plus aisément sous terre que dans les cieux (encore que pour certains croyants, c'est la même chose).

En vérité, les quatre gros morceaux de cet album nous partagent entre les deux, l'introduction de "Children of the eye" est un classique de progression (copyrighté par Cult of Luna ?) qui nous laisse penser à une élévation avant de se faire plaquer au sol, face contre terre, façon All Black, c'est brutal, tu as le goût de la boue et du sang, tu reprends tes esprits avec quelques douceurs de guitare mais c'est juste le temps qu'il faut pour percevoir la douleur, Colin remettant une couche d'agressivité alors que la rythmique, doom et lourde, pèse chacune de ses frappes, le riff de guitare tourne en rond, creuse, nettoie les plaies, installe le calme pour laisser la place à des harmonies vocales claires, les soigneurs font leur office. La machine se remet en route, en roue libre, le terrain est de nouveau labouré, nous avec. Le message "Edelkroone" sert d'interlude mais ces quelques secondes ne préparent pas franchement à "Plus près de toi (Closer to you)" qui débute plus que violemment. Subtil mélange de saturations sombres et de pesanteur, le titre devient génial quand il s'illumine, ne laissant que quelques notes limpides occuper l'espace, préparant les oreilles à de petits mots en français, c'est pour le moins aussi poétique que perturbant. La basse fracasse les espérances qui résonnent, la gratte reprend du service et Amenra repasse en mode post-doom-core pour un final déchirant et envoûtant. Les deux minutes de l'intermède "Spijt" ne permettent pas vraiment de nous remettre vu l'abrasivité de ces secondes instrumentales mais on souffle un peu avant deux autres morceaux grandioses. Tout en délicatesse, "A solitary reign" attaque par un passage très clair, touchant presque larmoyant, Colin garde cette ligne pure alors les instruments se drapent de noir et qu'un double chant écorche l'arrière-plan. L'orage qui menaçait éclate pour ce qui devient le passage le plus massif et le plus lourd de l'opus, un passage attendu qui se permet des déclinaisons au moment de relâcher la pression, la descente se fait presque en douceur avec un Colin qui rejoue de sa voix claire, en anglais, pour achever de nous charmer. Exceptionnel ? Non, car le "Diaken" qui referme l'album est encore meilleur. Ce titre est plus marqué par les rythmes, plus dynamique, plus organique, tiraillé par la volonté d'aller encore plus loin, plus profond et celle d'un lâcher prise total où la douceur l'emporte. Amenra ne choisit pas de vainqueur et préfère garder vivant ce grand déchirement.

Ainsi soit-il.

Publié dans le Mag #31

AmenRa / Chronique LP > Mass V

AmenRa - Mass V Douleur pénétrante, abrasion émotionnelle, déchirement intime : les émotions brutales qui surgissent à l'écoute des premiers secondes de "Dearborn and buried", une fois passée une intro ambient sentencieuse toute en progressions insidieusement menaçantes, étouffent l'auditeur en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. La production, très sèche, le son, à la limite du sous-mixage, semblent volontairement enlever de l'intensité à un album qui en aurait sinon presque trop. Parce que c'est de cela dont il s'agit : la magnitude sensorielle d'un groupe à la violence profondément bouleversante. Une virulence acerbe qui arrache les larmes du corps de l'auditeur avant de l'abandonner à son sort, pris à son propre piège, l'âme définitivement ensanglantée, les chairs en lambeaux, l'esprit ravagé par ses démons intérieurs.

Le calme avant la tempête : "Boden", son introduction languissante et apaisée, mais au loin déjà, l'inexorable tsunami post-hardcore-sludge downtempo qui ne va pas tarder à s'abattre sur la platine. Pour le moment, c'est le son de l'inéluctabilité qui l'enveloppe, avant que le magma sonore des belges ne l'ensevelisse sous des kilotonnes de riffs charbonneux, porté par une mécanique rythmique tribale et surtout une répétitivité littéralement obsédante. Parfois "trop" osera-t-on tant ce deuxième titre se révèle finalement moins puissant que son prédécesseur (sans doute le moins réussi des quatre), faut dire aussi que la barre était haute. Alors Amenra laisse entrevoir les premières lumières d'une après-Apocalypse, parle "A mon âme", segmentant ainsi les différents moments clefs d'une majestueuse messe en noir & blanc, emmenant avec lui l'auditeur dans sa chapelle, au coeur de la fameuse "Church of Ra", berceau de l'oeuvre belge.

Mass V, cinquième acte long-format d'une discographie jusque là irréprochable, est un monstre de noirceur tapie dans l'ombre. Une créature se libérant de ses chaînes en invitant son altesse Scott Kelly, véritable pape du genre, échappé quelques heures de Neurosis ou de ses nombreuses activités musicales, pour introduire puis hanter tout du long "Nowena I 9.10", ultime chapitre de cet album en forme de quête spirituelle postcore. Un disque lent, à la lourdeur palpable et au final, admirablement produit par un autre patron de sa catégorie, en l'occurrence Billy Anderson (Neurosis, Om, Swans...), lequel a su capter l'essence même de ce qui faisait la force d'Amenra. Ne pas en faire trop et laisser parler les tripes, ce qu'il y a sous la surface de plus pur et inaltérable.

AmenRa / Chronique LP > Live

AmenRa - Live Comme pourra forcément le confirmer toute personne ayant déjà assistée de son vivant à une messe noire orchestrée par le quintet belge, Amenra est avant tout une expérience viscérale à vivre en live. Mais comme tout le monde n'a pas forcément eu la chance de voir le groupe passer à proximité de son terrier, les flandriens profitent d'un petit moment entre deux tournées et enregistrements aussi divers que variés pour leur groupe principal comme leurs nombreux projets parallèles (Hessian, Kingdom, Sembler Deah, Syndrome, The Black Heart Rebellion...) pour livrer un album live sobrement intitulé... Live, par le biais du toujours très pointu ConSouling Sounds (Alkerdeel, Nadja, Syndrome, Thisquietarmy...). Ou comment faire les choses bien, même quand on est également signé chez Neurot Recordings et que l'on n'a plus grand chose à prouver.

Une compilation de captation audio de concerts réalisée à Coutrai (le groupe est contrairement à l'adage prophète en son pays) ou Namur (idem, on reste en plat-pays qui est le leur), laquelle renvoie en pleine face de son auditeur ce qu'est Amenra en live. Soit, n'ayons pas peur des mots : un monstre. Ou la réponse européenne et dépressive à Neurosis (d'où la filiation somme toute très logique avec le label des américains). Une hydre postcore sludge à la noirceur abyssale emmenant avec elle son public dans les abîmes de sa pensée créative décharnée. Une plongée irréfléchie dans l'antre de la bête, invitant à l'abandon de soi au coeur des profondeurs d'un hard prégnant et immersif. Entre lourdeur obsédante et décadence sensorielle, un chant renvoyant à une douleur indicible, véritable climax d'une messe noir orchestrée par les prêtres du genre.

Parce qu'à l'image de son artwork évoquant en filigrane la fameuse "Church of Ra", sorte de congrégation artistique autour de laquelle gravite les nombreux projets parallèles et artistes affiliés à Amenra, ce Live met en relief l'architecture... live d'un groupe qui a su se construire une identité artistique forte, au fil des années, des albums et notamment de performances scéniques plus que marquantes...

AmenRa / Chronique LP > Mass IIII

AmenRa : Mass IIII Qu'est-ce que tu croyais ? Qu'Amen Ra allait éclaircir sa musique pour faire comme beaucoup (Isis, Cult of Luna) ? Qu'ils allaient raccourcir les titres et leur donner des noms qui sonnent pour obtenir des passages en radio ? Qu'ils allaient mettre des couleurs pastel et jouer la surexposition pour nous éblouir ? Sérieusement, t'y croyais ? Non bien sûr, avec le quatrième épisode massif de leurs aventures sonores, Amen Ra s'enfonce encore plus loin dans le côté obscur du post-hard-core, va remuer les vases les plus turbides et continue de nous labourer les tripes sans ménagement. Certes on trouve toujours un peu de chant clair de temps à autres (quelques passages de "Silver needle, golden nail" ou "Razoreater") et tous les morceaux ne commencent pas avec les potards à fond mais ce Mass IIII est suffisament lourd, puissant et incisif pour être le nouvel étalon de l'armée américaine dans les prisons cubano-irakiennes pour ce qui est de la torture mentale à l'aide de musiques diaboliques. Sauf que pour le coup, MetallicA va passer pour un groupe de baltringues auprès des talibans. Avec son rythme infernal même s'il n'est pas franchement rapide, Amen Ra plaque des sols et nous plaque au sol, les riffs se suivent, se ressemblent, s'affrontent pour s'élever et trouver un peu d'air mais bien souvent retombent lourdement sur nos nuques.
Si les Flamands se jouent des chiffres romains, ils se servent du latin pour donner un titre à une de leurs compositions, "Thurifer et clamor ad te veniat", incisif puis envahi par les larsens, le morceau s'abandonne finalement au calme le plus complet, se meurt et la machine à riffs dévastateurs se remet en route, rugit une dernière fois et termine l'opus comme il recommence, par quelques mesures de tranquillité sourde et inquiétante. Et si les titres sont parfois donnés en anglais, néerlandais et français, les textes sont tous quasi impossibles à déchiffrer, braillé dans un anglais qui décape le gosier et qui est la marque de fabrique d'Amen Ra moins identifiable quand le chant s'évapore ("Terziele").
Dans la descente aux enfers, Mass IIII est la marche qui suit fort logiquement Mass III, attention à ne pas la rater...

AmenRa / Chronique LP > Mass III


amenra : mass III Alors qu'on pouvait penser que le post-hardcore prennait des directions plus aériennes (écouter pour cela les derniers opus de Cult of Luna, Isis ou Knut), Amenra nous ramène (ahah) sur terre et voire même sous terre avec des riffs rampants, creusant de profonds sillons dans la chaire de nos oreilles. Le chant éraillé est enfermé derrière des murs de guitares, et même quantd les rythmiques s'éclaircissent, comme sur "Am kreuz" et qu'une ange vienne apporter de l'air frais, il reste tendu, agressif, monolithique (et ce ne sont pas les quelques hésitants murmures du début de "Ritual" qui viendront me contredire). C'est d'ailleurs ce qui donne cette impression (trompeuse) d'un Mass III ultra massif : certes le chant est peu varié et n'offre pas les ouvertures célestes saisies par d'autres combos du genre mais les guitares s'emploient à rendre l'album très vivant, multipliant les plans et les sonorités ("Le fils des faux", "Ritual") au coeur de titres longs (6 titres en prés de 47 minutes) mais jamais ennuyeux.
Curieusement, c'est sur son titre le plus court, "From birth to grave, from shadow to light" (tout un programme), qu'Amenra laisse s'installer une ambiance pesante pour bien évidemment faire exploser toute l'installation sous les coups de butoir du duo basse/batterie auquel emboîte le pas des guitares incandescentes, sur ce coup-là, j'en suis presque à regretter le chant qui vient se poser uniquement pour quelques secondes, pourquoi n'ont-ils pas laissé ce morceau totalement instrumental ?
Avec son post-hardcore crade, rouillé, terreux, Amenra pourra compter sur les fans déçus des envolées éthérées des groupes du genre qui ont voulu évolué vers des horizons moins sombres, avec la richesse de ses grattes et sa science du tempo, Amenra peut aussi compter sur ses propres fans qui devraient rapidement augmenter leur nombre à mesure que ce Mass III arrive dans les distros les plus indé et actives de la planète...