Alkerdeel - Morinde Les bas-fonds de l'underground anversois baignant dans des eaux stagnantes, ces mares putrides infestées de rats dévorant des restes de chair en décomposition..., c'est dans cet univers particulièrement glauque et inhospitalier qu'ont infusé des mois durant les quatre pièces composant Morinde, le premier album d'Alkerdeel, entité belge du genre extrême qui pousse ses déviances musicales assez loin. Une première immersion dans un "Winterteens" qui s'étend à deux secondes près sur quelques treize minutes trente : l'atmosphère est d'entrée de jeu particulièrement sombre et oppressive, le magma sonore qui enveloppe le morceau, terriblement âpre, insidieusement menaçant. Noir et abyssal.

La suite ne sera pas réellement plus bienveillante avec nous. Une montée en pression très progressive mais inexorable, puis quelques deux minutes et cinquante secondes plus tard d'une brume sonore qui gagnait progressivement en densité, ces hurlements déchirés qui lézardent les murs et viennent éventrer les enceintes. Terrifiant. Plus de doute sur la teneur de cet abum, on traverse ici des territoires sur lesquels la violence aussi abrupte soit-elle reste régulièrement tapie dans l'ombre pour surgir avec une brutalité innommable au moment précis où on l'attend le moins, quelque part entre Wolves in the Throne Room, Rorcal, Burning Witch ou encore Darkthrone pour citer la référence extrême du groupe et le voyage au bout de l'enfer qu'il suppose. On l'aura compris, Alkerdeel n'est pas vraiment de ces groupes à mettre entre n'importe quels tympans (sensibles ou pas).

La production sonne très "crue", rêche, les variations de rythme sont légions et se succèdent à n'en plus finir, les changements de registre aussi, passant d'un black metal cathartique aux relents sludge à un "rock" frondeur résolument doomy, tout en ménageant quelques passages post-hardcore de fin des temps. Une apocalypse sonore que le groupe fait suivre d'un deuxième titre aussi bestial que ramassé sur lui-même. "Horsesaw", ou moins de deux minutes trente d'un assaut punk/hardcore/black qui poignarde l'auditeur sans prévenir avant de s'amuser avec ses viscères. Extrême. Tant sur ses travaux les plus étendus que sur les plus lapidaires, Alkerdeel fait preuve d'une réelle maîtrise dans sa manière de frayer avec le malin tout en développant une musique aussi cadenassée qu'immersive. "Hessepikn" alourdi le propos, définitivement plus pesant et tortueux encore que sur les deux précédentes pistes de l'album. Plus de hurlements mais de textes psalmodiés entre les murailles sludge metal que le groupe érige tout autours de nous, pour finalement nous enfermer dans une prison mentale dont on ne ressortira pas indemne.

Parce qu'en plus de nous avoir soumis à un traitement de choc jusqu'à ce que l'on parvienne à l'ultime étape de l'album, les belges nous ont réservé une petite surprise "maison". Lorsqu'ils relâchent la bestiole, prénommée "Du levande", on se prend une montagne doom/sludge/black de plus de vingt minutes (soit la moitié de l'album en fait) sur le coin de la figure et ça, autant dire que ça ne s'oublie pas facilement.. comme du reste l'ensemble de ce Morinde : résolument misanthrope, définitivement sans concession. (Très) hard et accessoirement une réussite de plus à mettre au crédit du décidément toujours excellent label ConSouling Sounds. Et avec mention s'il vous plaît.