Les bons groupes post-hardcore ne manquent pas, même en France, on a quelques jolis specimen, on connaissait Aleska tant pour sa qualité d'écriture que pour le soin accordé à ses artworks (Alexandre Goulet remet ça ici et c'est toujours méga classe, ce ne sont pas All Out War, DopeThrone ou Thy Art Is Murder qui diront le contraire), on était juste sur la réserve au moment de les encenser faute d'une production irréprochable. Le groupe ne manquait pourtant pas d'expérience mais voilà, il leur fallait encore passer un palier pour hurler avec les loups de sa meute (Vesperine avec qui ils partagent le goût du français mais aussi Tang, Sick Sad World, Aussitôt Mort, Ssanahtes...). La mâchoire est désormais assez puissante et on peut distinguer chacune des dents acérées de l'animal. Il me faut donc commencer par féliciter Nico, guitariste et chanteur, qui a passé de nombreuses heures à capter soigneusement toute l'énergie et la précision du groupe avant d'envoyer les bandes chez maître Lindberg (Cult of Luna et tout ce qui se fait bien dans le genre) pour un mastering aux petits oignons et un résultat final éclatant.
L'opposition entre deux mondes est un thème récurrent mais pas encore usé, le calme face à la tempête, l'obscurité contre la clarté, la destruction ou la construction, comme toujours on a besoin des deux et la boucle est infinie : "Construire", "Détruire", "Un éternel recommencement". C'est encore plus vrai dans le post-HxC ou les moments de pure beauté côtoient les déflagrations les plus violentes. Aleska joue avec ses architectures, édifie des structures, s'arrange pour tout démolir afin de mieux pouvoir bâtir de nouveau quelque chose qu'il sera bon de ruiner. Et tout cela sans perdre de temps ! Les Messins savent exécuter leurs plans (et leurs auditeurs) en quelques minutes, réussissant à concentrer leurs idées sans laisser de temps morts, ainsi le très beau mais percutant "Un éternel recommencement" ne dépasse pas les trois minutes mais n'est certainement pas à considérer comme une simple transition placée entre trois plages qui, elles, dépassent les 7 minutes. De plus longues expériences sonores qui mettent en avant de bons choix de distorsions (les sons plus clairs s'accordent superbement avec la basse) et permettent une immersion totale dans le monde d'Aleska. Avec une mention spéciale pour "Détruire" qui n'est ni plus ni moins qu'un petit chef-d'œuvre post rock qui s'intègre particulièrement bien dans un ensemble très métal.
Et si tu hésites quant au format pour écouter cet album, prends au moins l'un de ceux qui proposent "Quand la lumière disparaît" en bonus, le morceau vaut le détour car il synthétise toutes les qualités du combo en 200 secondes.
Publié dans le Mag #38