Publié le 01/09/2013 à 08:54
Édité le 01/09/2013 à 11:33

Sugar Man

C'est l'histoire d'un mec, Sixto Rodriguez, qui compose et interprète de fantastiques "folksongs", dans la lignée des Dylan et autres Simon & Garfunkel, au tout début des années 1970 à Detroit (Etats-Unis) et qui, malgré deux excellents 33-tours, ne perce absolument pas, ne trouve pas son public, se plante complètement et finit par sombrer corps et âme. La loose, quoi. Ni succès ni estime, que ce soit aux Etats-Unis, en Europe ou sur n'importe quel autre territoire où la "pop-culture" ait pris pied.
L'histoire pourrait s'arrêter là et ressembler à tellement d'autres qu'elle ne mériterait pas obligatoirement d'y prêter attention. Sauf que voilà, le même Sixto Rodriguez et ses même albums auront bien involontairement rendez-vous avec l'Histoire en provoquant un effet cataclysmique sur la (jeune) population (blanche) impliquée dans la lutte anti-Apartheid en Afrique du Sud durant une vingtaine d'années (et même au delà). Avant que d'inimaginables retrouvailles ne puissent se produire.
Désolé d'avoir ainsi défloré le sujet mais n'importe quel autre synopsis dépeindra, grosso-modo, la même situation. Car telle est l'étonnante trajectoire mise en lumière par Malik Bendjelloul à travers un documentaire ayant la forme de l'enquête journalistique. Si on peut trouver que "Sugar Man" a été gratifié un peu trop facilement d'un "Oscar du meilleur film documentaire", peut-être plus grâce à l'originalité du sujet traité qu'à sa mise en forme parfois convenue, il ne démérite absolument pas, outre de nous faire goûter aux joyaux musicaux de Rodriguez, de nous interroger. De nous interroger et de nous faire réfléchir sur les conditions d'une réussite ou d'un échec, sur les facteurs qui conduisent telle ou tel à mener cette vie et pas une autre ou encore sur la construction du vedettariat.
A la croisée du rock et de la sociologie, de la chanson et de l'anthropologie, du documentaire et de la musique, du cinéma et de la politique, "Sugar Man" permet de se demander comment il se fait qu'un peintre accompli ou qu'un numismate des plus pointu dans son domaine fassent bouillir la marmite en allant à l'usine, qu'une légende du rock'n'roll aurait certainement dû vivre dans la rue (et y mourir quelques mois plus tard) si il n'avait rencontré X ou Y à un certain moment ou, comme il est démontré avec Sixto Rodriguez, qu'il soit possible de passer sa vie à démolir des immeubles alors qu'on est adulé à quelques milliers de kilomètres de là.
Certains appellent ça fort paresseusement "le destin". D'autres préfèrent chercher d'autres explications...



"Sugar Man" de Malik Bendjelloul. Sorti en salles le 26/12/2012. 86 minutes. Couleur.


Discographie de Sixto Rodriguez :
- Cold fact - 1970 - Sussex
- Coming from reality - 1971 - Sussex
Ces deux albums studio ayant bénéficié de multiples rééditions en LP et, plus récemment, en CD.


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Publié le 30/10/2005 à 01:50
Édité le 30/10/2005 à 01:50

Pyrotechnie et sex-appeal

The Island
(Michael Bay)

Après une série de blockbusters d'action bourrins et sévèrement dopés aux hormones de croissance (Rock, Bad Boys I& II, Armageddon...), des films où il a pu en mettre plein les mirettes et affirmer son goût prononcé pour la pyrotechnie, les filles en bikinis et les plans de caméras ultra léchés ; Michael Bay débarque avec sous le bras l'un des films les plus attendus de l'été cinéma : The Island. Affranchi de l'influence parfois (ok, souvent) encombrante de celui qui lui a mis le pied à l'étrier : l'incontournable Jerry Bruckheimer (producteur entre autres de Top Gun, Le Flic de Berverly Hills ou la série TV Les Experts), le réalisateur qui a depuis fondé sa propre société de production (Platinum Dunes, spécialisée dans les remakes de classiques d'horreur) a rejoint l'écurie DreamWorks SKG. Qui dit DreamWorks dit bien souvent, Steven Spielberg, celui-là même qui a confié à Michael Bay la charge de trousser The Island. Un film où, changement majeur pour le nouveau protégé du père d'E.T, le scénario se veut aussi important que les scènes d'action pure. Enfin, en principe...

The IslandFilm d'anticipation centré sur un sujet d'actualité : le clonage et donc (forcément pour y trouver un quelconque intérêt dramatique...), ses dérives ; The Island a le mérite de réunir à l'écran, deux acteurs qui ne sont pas uniquement des gravures de mode, Scarlett Johansson (Lost in Translation, La Jeune fille à la perle) et Ewan McGregor (Trainspotting, Star Wars). Interprétant respectivement les rôles de Jordan Deux Delta et Lincoln Six Echo, les deux acteurs sont plongés au coeur d'une société futuriste dans laquelle la quasi-totalité de l'humanité à disparu suite à une sorte de contamination globale qui aurait exterminé l'espèce humaine. Enfin presque, puisqu'un certain nombre d'individus ont mystérieusement survécu à cette extinction et on bâti un centre ultra-moderne dans lequel quelques centaines de personnes vivent selon des règles très strictes. La vie entière de ces « survivants » étant tournée vers un unique objectif, être choisi pour aller sur « l'île », d'où le titre du film. Un havre de paix paradisiaque, qui serait la dernière contrée sur Terre épargnée par la contamination.
Peu à peu, il semble de plus en plus certain que le contrôle absolu (Big Brother dans toute sa splendeur) pratiqué sur l'ensemble de cette communauté ne fonctionne pas complètement puisqu'un certain Lincoln Six Echo (Ewan McGregor donc, pour les deux du fond qui n'auraient pas tout suivi) commence à se poser les questions qu'il ne devrait, normalement pas, se poser. Et découvre qu'il y a peut-être quelque chose qui cloche avec cette histoire d'île. C'est à partir de là que les ennuis commencent. Depuis ses débuts avec Bad Boys, Michael Bay a une recette qu'il s'est appliqué à perfectionner au cours de ses films suivant : un plan de caméra ne doit jamais excéder la dizaine de secondes, ses films doivent être avant tout spectaculaires (et il faut avouer qu'ils le sont.) et il n'a rien de mieux qu'une scène d'action ultra léchée pour masquer une petite faiblesse scénaristique. A l'occasion de The Island, le réalisateur a laissé parler la maturité et a décidé de ne plus se concentrer uniquement sur les plans spectaculaires et de soigner également les scènes intimistes ; et ça marche. assez souvent. Quelques séquences sont ainsi particulièrement réussies, notamment celles mettant en scène personnage de Michael Clarke Duncan (impressionnant comme à son habitude), nombre de scènes entre les deux personnages principaux, ou la poursuite en voiture où le réalisateur s'est un peu auto inspiré de son travail sur Bad Boys II. Le petit plus dans tout ça, c'est la présence de l'excellent Steve Buscemi qui interprète une fois encore un personnage décalé et qui apporte une touche de légèreté bienvenue à l'ensemble.

Au final, en dirigeant The Island, Michael Bay offre au spectateur un énorme pop-corn movie de luxe basé sur un sujet d'actualité. Propre, soigné, superbement mis en images et bien interprété, le film est une réussite partielle, le réalisateur maîtrisant à la perfection les trois premiers quarts du film et ratant magnifiquement son final. Divertissant, moins bourrin que la plupart des blockbusters de l'été, The Island mérite largement le coup d'oeil, comme d'ailleurs la plastique de ses deux acteurs principaux. Alors pourquoi le film s'est-il complètement vautré au box-office US? Voilà sans doute la glorieuse incertitude qui accompagne tout projet de ce genre. Et si l'on pouvait deviner avec exactitude la réussite ou l'échec d'un long-métrage, on ne serait sans doute pas assis en train d'écrire une critique de film, mais plutôt en train d'en réaliser un.


AureliO
Octobre 2005

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