On n'a jamais assez de temps pour se plaindre de l'absence de Zenzile. En effet, deux ans et quelques mois après la sortie de la BO instrumentale de son ciné-concert Berlin, le groupe angevin resurgit avec un nouveau projet nommée Elements, soit un spectacle audiovisuel vivant proposé à l'origine par le directeur du Quai d'Angers, Frédéric Bélier-Garcia, au claviériste du groupe, Vincent Erdeven. Mis en images par Julien Brevet (membre d'Idem) et construit pas à pas par le sextet en résidence au Quai, ce show qui a voyagé et qui continue de le faire dans toute la France à l'heure où j'écris ces lignes, perpétue l'habitude qu'a pris Zenzile de se frotter à l'image et de nous pondre des titres qui en évoquent une multitude grâce à un habile équilibre entre des plages planantes et d'autres entraînantes, agrémentées de quelques ballades alanguies absolument savoureuses.
Ceci étant dit, la grande différence entre Elements et ses prédécesseurs (Berlin et Le cabinet du docteur Caligari) réside dans le fait que le groupe n'a pas dû cette fois-ci se farcir un film existant et bosser dessus pour parfaire une bonne synchronisation du son sur l'image. Ici, c'est totalement l'inverse, il s'agit de partir de zéro sur une thématique précise (en l'occurrence, les quatre éléments), soumettre la musique et des idées au chargé de la création des visuels afin qu'il puisse retranscrire cet aspect cinématographique sur scène. Au travers d'instrumentations immersives tâtonnant tantôt le post-rock, la pop, le rock voire la soul-funk, vient naître une nouvelle voix chez la formation : celle de Zakia Gallard, une jeune angevine de 23 ans, fille du premier batteur de Lo'Jo au timbre soyeux parfaitement typé pour la soul et le jazz. Son apport vient considérablement casser cette routine faite de titres purement instrumentaux qu'on a pu découvrir à l'époque avec ces fameux projets ciné-concert précédemment cités.
Avec ce dixième album au compteur, le combo qui a fêté ses vingt ans cette année, n'a pas foncièrement perdu son aura, il confirme juste qu'il est toujours au taquet dans sa ligne droite rock/pop amorcée après son virage forcément remarqué sur Living in monochrome sorti il y a dix ans (déjà !). Certains ont depuis perdu le groupe à la trace, se sont fait fourvoyer par son évolution post-dub, et pourtant il prouve encore aujourd'hui qu'il est capable de se renouveler, pas de manière brutale certes, mais par petites touches qui font souvent la différence. Au moins, on ne pourra pas reprocher à Zenzile ne pas être une nouvelle fois dans son élément.
Publié dans le Mag #30