Indus Indus > The Young Gods

Biographie > Interview à la Maroquinerie (mars 2019)

The Young Gods - Maroquinerie 2019 Lors de notre dernier entretien fin 2013 à l'époque de la mini tournée de la réédition du premier album, tu me disais que tu ne savais pas trop ce que les Young Gods deviendraient. Plus de cinq ans après, sort un nouvel album. Que s'est-il passé entre les deux périodes ?
Franz (chant, guitare) : Écoute, fin 2013 correspondait à la période où on a réembauché Cesare aux machines pour faire la tournée des deux premiers albums. On a un peu continué cette tournée en 2014 en y incluant des morceaux qui sont sortis après le départ de Cesare, des titres incontournables parus dans les années 90, pour voir s'il était à l'aise avec. À un moment donné, il a décidé qu'il voulait s'y remettre pour de bon, donc on a su qu'il nous fallait du neuf à ce moment-là. On s'est remis à la composition en 2015, année durant laquelle on nous a proposé une résidence dans un festival de jazz, ce qui est assez inhabituel pour nous. C'est un festival off avec plein de caveaux dans lesquels il se passe pas mal de choses expérimentales. Le caveau dans lequel on a pris part est le Hundred Blue Bottle Club, et chaque année ils invitent des artistes plutôt orientés rock, mais des fois jazz un peu barré, à rester pendant deux semaines et se produire sur cinq soirées, trois sets par soir. On s'est dit qu'on allait ramener chacun plein de nouvelles idées, les préparer un peu sans trop que ce soit finalisé, les expérimenter et les enregistrer sur scène chaque soir. On a réécouté ça, on les a analysés à la sortie de cette résidence et c'est donc de ces sessions qu'on a tiré ce qui nous semblait être les meilleures idées que tu retrouves sur le nouvel album. Tout ce processus nous a pris deux ans et demi, car pendant cette période, on a fait une petite aventure brésilienne avec Naçao Zumbi.
Cesare (machines-sampler) : C'était pas une petite aventure, ça nous a quand même pris six mois, si ce n'est plus.
Franz : Voilà, donc en gros, on a mis trois ans pour écrire et réaliser Data mirage tangram.
Bernard (batterie) : Ce qui est très particulier avec cet album, c'est qu'il est né d'improvisations en public. Autant précédemment, ça nous était déjà arrivé de sortir des idées d'improvisations mais là c'était sur scène, donc il fallait que ça donne quelque chose même si rien n'était vraiment arrangé. Cela nous a mis dans une situation inédite, c'était un pari type "ça passe ou ça casse" mais on a essayé, comme ça, quelque chose qu'on avait jamais fait. Le résultat a été suffisamment riche pour qu'on décide d'en faire un album au final, en le retravaillant par la suite.

Data mirage tangram marque le retour de Cesare sur un album. Est-ce que recomposer ensemble n'a pas été difficile ? Cesare, tu as sûrement dû apporter des sons et des idées inhabituelles pour les Youngs Gods ?
Cesare : Je ne sais pas trop. On a fait ces 15 concerts durant cette résidence, et j'ai amené ce que je suis capable de faire, c'est à dire maîtriser un ordinateur et savoir comment l'utiliser dans une jam session en faisant autre chose que de mettre le plugin rhodes et jouer. Je pense avoir su exploiter toutes les possibilités de façon très naturelle, j'ai préparé une idée de comment arriver à cela et nous avons tous improvisé ensemble. Désolé, ma réponse est un peu bateau...
Franz : Bon, ça faisait vingt ans qu'on n'avait pas fait de musique ensemble avec Cesare. En vingt ans, tu évolues, tes goûts musicaux aussi, les styles et la technologie aussi, des fois tu vas aller chercher un peu plus de groove, des choses plus basées sur l'électronique. Bernard aussi, tu as amené beaucoup d'idées.
Bernard : Tout le monde a apporté quelque chose, on a vraiment tous bien bossé !
Franz : Exactement, c'était un gros laboratoire. J'ai repris la guitare, toi t'avais toutes les percussions à gérer, on avait le sampler, etc... Des fois, on avait juste une boucle ou deux, d'autres moments c'était un morceau à moitié fait, et puis on essayait de voir comment arranger tout ça.
Bernard : Ce qui est marrant, c'est qu'avec Cesare il y a eu un saut quantique, entre les deux premiers albums auxquels il a pris part et maintenant. Il n'a pas vécu toute l'évolution du groupe. La dernière fois qu'il était avec les Gods, il avait juste un petit sampler monophonique et aujourd'hui les possibilités sont quasiment infinies. Puis ses goûts ont aussi évolué, ses connaissances ont été approfondies, il avait d'autres envies, et on est partis de là, plutôt que de là où on en était en 1988.

Ce qui est à noter sur ce nouvel album, c'est qu'il est assez downtempo et atmosphérique, voire trip-hop ambient par moments. On a plus ce côté rock-indus avec ces ruptures, mais les guitares sont pas mal mises en avant. Il y avait une ligne artistique définie pour ce disque ?
Franz : La guitare était un choix personnel puisque je trouvais ça difficile d'improviser uniquement avec un micro et son pied pendant plusieurs jours pendant notre résidence. J'avais vraiment envie de parties instrumentales, d'avoir plusieurs possibilités. C'est vrai que sur cet album il y a plus de guitares mais ce sont des guitares jouées, ce qui n'était pas autant le cas dans les albums précédents. On en avait déjà sur Everybody knows, et sur ceux encore d'avant, c'était plus des incursions. Mais là oui, il y a beaucoup de guitare, d'ailleurs je l'ai en main pendant les deux-tiers du nouveau show, ce qui est très inhabituel chez nous. Pour te dire, on a même changé la configuration scénique, je ne suis plus au centre et devant comme avant, on forme désormais un triangle avec Cesare et moi de chaque côté de Bernard, c'est plus logique je trouve.

The Youngs Gods - La Maroquinerie (2019) The Youngs Gods - La Maroquinerie (2019) Il y a pas mal d'années, vous étiez même quatre sur scène avec un guitariste, non ?
Franz : Oui, c'était lors de la tournée d'Everybody knows.
Bernard : Mais Vincent jouait aussi beaucoup de basse, et il faisait des samplers. C'était un multi-instrumentiste.
Franz : Sa présence était logique puisqu'il avait participé à l'enregistrement d' Everybody knows avec nous. D'ailleurs, c'est pour ça qu'on ne joue aucun morceau de cet album parce qu'à trois, on n'y arrive pas.
Bernard : Si, on joue "Tenter le grillage".
Franz : Ah oui, c'est le seul.

Tu me disais il y a quelques années, que ton envie était de mélanger des sources très acoustiques avec des rythmiques électroniques abstraites ? C'est ce qui s'est passé pour Data mirage tangram ?
Franz : Non, ce n'est pas la définition de Data mirage tangram. Disons que c'était ce que j'avais en tête à l'époque au cas où l'aventure Young Gods s'arrête. J'ai fait ça pour des musiques de documentaires, mais quand le groupe a repris, je me suis dit que je garderai ça pour plus tard.

Data mirage tangram fait partie de ces albums pour lesquels les premières écoutes sont étranges, on ne sait pas vraiment si on aime ou pas. Et puis au bout de 5 à 10 écoutes, tout fait sens, ça prend incroyablement bien.
Franz : Alors, tu vois, ça c'est marrant parce que c'est souvent ce que disaient les gens à propos du premier album puis sur le deuxième. Il faut toujours un moment avant de bien le cerner. En tout cas, en ce qui me concerne, les albums qui m'ont le plus accompagné sur la durée étaient ceux qui, à première vue, ne sont pas directs, tu vois ? Tu ne sais pas si c'est bon ou pas au début, puis il y a des choses qui s'ouvrent au fur et à mesure. Tant mieux si notre nouvel album te fait cette impression, c'est cool.

Il y a même une chanson totalement déstructurée un peu jazz qui s'appelle "Moon above", ça vient d'une expérimentation réussie ?
Franz : Ouais, alors là, c'est vrai que ça part dans tous les sens, mais en même temps il y a une certaine cohésion. C'est le titre le plus perché, c'est évident, tu n'as plus aucune rythmique à laquelle te raccorder, tu es dans une espèce d'espace qui est terriblement déconstruit, la voix typée blues essaie de remettre les choses en place, ensuite, t'as l'harmonica qui débarque là au milieu, c'est clairement expérimental. C'est vraiment le titre qui soit, a le plus de difficulté à passer, ou au contraire, celui que les gens préfèrent.
En live, ça se passe comment avec celle là ? C'est "On verra ce qu'il se passe" ?
Franz : C'est exactement ça ! (rires) Tu te feras ton avis, on va la jouer ce soir.
Bernard : Cette chanson est un mélange d'électronique, de blues et de free-jazz. La sauce a pris avec des ingrédients improbables, mais c'est grâce à cette résidence dont on parlait avant qu'on a pu se permettre ce genre de chose aussi. On n'était pas obligé de la sélectionner pour le disque, mais c'est justement parce que ça prenait tellement qu'on l'a choisie. En plus, la jouer chaque soir sur scène est quelque chose d'extraordinaire. Je précise qu'on joue la version du disque, on ne l'improvise pas.
Cesare : "Moon above" est le morceau qu'on répète le moins parce qu'il faut qu'il reste frais. Je crois que je n'ai toujours pas compris ce que je dois jouer sur ce titre (rires).

J'imagine que vous allez jouer le disque en entier ou presque ce soir. Comment on prépare le live d'un disque comme celui-là ? A-t-il une spécificité que les autres albums n'ont pas ?
Franz : Oui, il est spécial sur ce point. On a joué toute l'année passée "Entre en matière" et "Figure sans nom" en ouverture de nos sets, après on repartait en terrain un peu plus connu, "Moon above" a aussi été joué quelques fois dans les rappels ou au milieu du set, ça dépendait. Quand tu fais une suite de morceaux pour un répertoire, t'as une ligne qui se dessine au fur et à mesure, tu sais où tu veux amener le public, mais tu tâtonnes au départ, tu ne veux pas trop le brusquer dès les premières minutes mais en même temps par moments c'est mieux de commencer énergiquement. On savait déjà que ces deux morceaux en ouverture, c'était parfait. Quand il a fallu inclure l'album entier - ou presque - dans le set pour cette tournée-là, car notre volonté était clairement de lui faire honneur et que le public ne voit pas les Young Gods sur un terrain connu, on s'est rendu compte que c'était délicat de mélanger les morceaux plus "bombastic" avec ceux plus downtempo qui demandent un certain moment d'adaptation. L'idée, c'était plus de raconter une histoire à travers ces morceaux, d'être cohérent, de les jouer pendant une heure et puis d'offrir au public 3-4 classiques, histoire que la fête soit belle et que ça soit un peu païen on va dire (rires). On termine le show avec un morceau du dernier album, mais c'est vrai que c'est toujours interdépendant parce qu'on a des morceaux de toutes les époques à proposer, avec des sons, des ambiances et des énergies différents, donc on essaie de faire en sorte que ça soit pas trop en dents de scie pour emmener les gens dans un voyage le plus unique possible.
Bernard : Mais cette volonté est là depuis le début en réalité. Avant de monter ce set, on voulait assumer totalement cet album en live, pas se cantonner à deux morceaux et éparpiller les plus connues ci et là. Le but c'était vraiment de raconter cette nouvelle histoire des Young Gods car elle nous botte bien.

Vous avez lancé deux clips ("Entre en matière" et "Tear up the red sky") avec le même réalisateur, Augustin Rebetez, et la même technique en stop-motion, en noir et blanc. Vous lui avez commandé une série ?
Franz : Non, du tout, cela ne concerne que ces deux chansons. En vérité, cela s'est tellement bien passé avec Augustin qu'on a décidé d'en faire deux. C'est un gars qui travaille de manière assez spontanée, et puis j'avais pas mal parlé avant avec lui, il me disait qu'on pouvait faire des plans mais que c'était sur le moment qu'on déciderait comment les exploiter car ça dépendait de plein de choses. On voulait une ambiance nocturne avec un travail sur les flous. Et puis, il s'est avéré que Cesare a eu un accident la veille du tournage, donc tout ce qui était prévu s'est retrouvé condensé en une seule journée ce qui fait qu'on a commencé le matin avec un soleil tapant, bref c'était pas prévu comme ça, on s'est débrouillé, on est allé dans des champs à côté de chez Cesare, on a fait des essais. Augustin avait vraiment une idée vague dans la tête, comme je te disais, il est très spontané, il décide sur le tas ce qu'on doit faire concrètement. Mais par contre, question technique, il ne tâtonne pas du tout, j'ai découvert son travail dans une biennale de l'image. Il y avait tout un sous-sol représentant son univers, ses sculptures, ses vidéos, ses photos, ses textes, il fait même une espèce de rap surréaliste aussi, c'est un artiste pluridisciplinaire, bref, j'avais vu une série de films qu'il avait fait qui s'appelait "Skeleton" avec un comédien qui avait ce truc saccadé un peu burlesque. Je me suis dit que cet univers cinématographique irait bien avec notre titre "Figure sans nom", que ça lui donnerait une autre approche, surtout que le sens du titre n'est absolument pas clair. Par le biais de ce clip, il a donné à la chanson ce truc un peu dadaïste qui fait référence au vieux rock psychédélique, je pense à Pink Floyd notamment. Sur le moment du tournage, on n'y avait même pas pensé et une fois le tout produit, on se rend compte que c'est parfait. C'est à partir de là qu'on lui a demandé de faire le clip de "Tear up the red sky". Parce qu'avant de commencer le premier clip, on lui avait soumis ces deux morceaux pour qu'il choisisse lequel lui branchait le plus, il nous a dit qu'il pouvait faire les deux. Il bosse super vite, on a fait une journée de tournage par clip, le deuxième on l'a fait de 5 heures du matin à minuit, c'était super agréable comme moment, on a pas beaucoup d'expérience en matière de clip et beaucoup ne nous ont pas convenus. Je crois que parmi tous nos clips, seuls "Lucidogen" et "Envoyé" nous plaisent. D'ailleurs, je pense qu'Augustin s'est inspiré du clip d'"Envoyé" pour celui de "Tear up the red sky" parce que tu nous retrouves dans une usine, dans la même configuration, sauf que c'est 30 ans plus tard. Cesare t'as de nouveau un bureau, ouais, je crois qu'il y a un clin d'œil.

Est-ce qu'après 12 albums studios, et hormis vos collaborations, vous pensez que les Gods ont encore des pistes à explorer musicalement, peuvent encore prendre de nouvelles directions ?
Franz : Oui, je pense qu'on a encore beaucoup de choses à explorer. On a encore pas mal de matériel sonore de cette résidence qu'on n'a pas encore exploité, on verra. Pour l'instant, on va être pas mal occupé à défendre cet album sur scène, donc je ne sais pas comment ça va se passer après cette période. Si tu veux, on écoute les trois beaucoup de choses communes ou pas, on évolue toujours comme les artistes qu'on aime d'ailleurs. Quand t'écoutes Everybody knows sorti il y a 9 ans maintenant, tu sens déjà qu'il y a une volonté d'aller vers une direction proche de Data mirage tangram. On avait cette envie d'improviser déjà mais on ne savait pas comment le faire, là on a eu cette occasion immanquable en plus de le faire en public. Mais je me souviens qu'on en parlait déjà à l'époque avec Alain (Al Comet), il voulait improviser en studio mais c'était délicat car avec les machines et les percus, c'était tout un binz, ça commençait à baver de partout sur les pistes et tout, et puis d'un point de vue technique aussi c'était compliqué.
Bernard : C'est clair, mais concernant le dernier album, c'était un mélange d'envies et d'opportunités, et probablement que dans le futur on réitérera peut-être cette expérience. Il y a toujours une différence entre ce qu'on a envie de faire et ce qu'on fait au final. On n'est pas un groupe qui compose en tournée, on se concentre uniquement sur les dates à faire, et puis nous n'avons pas de guitare dans le tour-bus, ni même de petit enregistreur. Les Gods, c'est plus une question de recherches sonores qu'une recherche de suites d'accords ou de mélodies. Quand on compose, on a le besoin de se retrouver dans une situation de liberté avec du temps pour accoucher de quelque chose. En tout cas, et je parle pour moi, l'expérience de ces dernières années me pousse à poursuivre dans cette voie.

The Young Gods - Maroquinerie 2019 Quelle explication faites-vous au titre de ce nouvel album ?
Franz : Data mirage, ça fait référence au big data. Beaucoup de décisions qu'on prend, nos actes et nos désirs sont gérés par des algorithmes. Tout ça commence sérieusement à régir nos vies, j'ai l'impression que ça ne dérange personne mais dans la communauté scientifique, on constate que des voix s'élèvent. Il y a tellement de données archivées dans le cyber espace que les algorithmes se percutent ensemble avec des infos qui sont fausses qu'à un moment donné, statistiquement, on perd en fiabilité et en justesse. Cesare, tu as bossé dans le big data de la finance, tu pourrais mieux en parler que moi.
Cesare : Oui, bon, après ça devient une autre discussion, on va s'éloigner de la question initiale. La chose est très simple à expliquer : plus tu as de données à exploiter, plus tu as des possibilités d'erreurs, c'est purement statistique. J'ai travaillé 8 ans dans le big data et j'ai vécu toutes ces erreurs que personne n'imaginait vraiment au départ. Il y en avait tellement que les algorithmes faisaient tout simplement de la fausse prédiction. Lorsque tu as un algorithme qui fait de la fausse prédiction et qui se base sur la data mondialisée qui elle aussi est fausse, il en résulte un chaos total. Et ce chaos est réel dans la finance, parce que c'est dans ce secteur que j'ai travaillé. L'objectif de tout ça à la base, c'est pour qu'une société puisse prendre des décisions plus rapidement qu'un humain et de la prendre avant ses concurrents, et donc de fait diminuer au final le nombre de ses employés. Chaque concurrent va aussi établir des algorithmes de son côté avec l'aide de mathématiciens et de machines différents, et ceux-là vont s'entrechoquer, sauf que tout est faux, et pourtant l'algorithme financier était le truc hype des systèmes bancaires. C'était la Bérézina totale.
Franz : Et le tangram, c'est un jeu chinois antique composé de 7 pièces qui forment un carré et tu formes des figures avec. C'est un outil créatif mais en même temps un vrai casse-tête car tu dois les remettre dans leur forme initiale en carré après. Il y a 7 titres, donc il y a un clin d'œil à ce jeu surtout par rapport à la discussion qu'on a eue sur l'ordre cohérent des morceaux dans la setlist. Au final, ces trois mots assemblés, "data", "mirage" et "tangram", c'est pour dire que tout ça n'est qu'un jeu au bout du compte, c'est un peu l'idée qui s'en dégage.

Dernière question : c'est complet ce soir, n'avez-vous pas ce regret de ne pas avoir pu jouer dans une plus grande salle ? En parallèle, n'avez-vous pas également ce regret de ne pas avoir pu sortir l'album plus tôt ?
Franz : Écoute, je sais plus que tout que c'est frustrant pour les personnes qui n'ont pas pu avoir de billets pour ce soir. Les organisateurs de cette date ne savaient pas au moment de la préparer comment l'album allait être pris, ils n'ont donc pas pris de risques. On préfère jouer devant une Maroquinerie pleine qu'un Trabendo à moitié rempli, mais la bonne nouvelle c'est qu'on va jouer le 24 novembre à la Machine du Moulin Rouge qui est une plus grande salle. On espère pouvoir la remplir. Après, sur ta question du regret de ne pas avoir sorti d'album plus tôt, tu ne peux pas en faire si rien ne se passe, il nous a fallu du temps pour avoir cette cohésion qui a abouti à une sortie dans laquelle justement on la ressent. Il est vrai qu'on aurait pu trouver le remplaçant d'Alain plus rapidement, ça aurait donné autre chose, mais on attendait le bon moment pour trouver une bonne relation musicale. Faut quand même pas oublier qu'un groupe, c'est avant tout une bonne bande de potes qui jouent ensemble pour se faire plaisir. Le délire de prendre un bon musicien professionnel pour boucher un trou, on le sentait pas du tout. Au final, ce fut un sacré joyeux hasard que Cesare nous rejoigne pour faire la tournée des deux premiers albums, honorer nos années 80, c'était presque une commande, pas de notre part mais d'une autre personne. Cesare a par la suite décidé de poursuivre avec nous, donc on continue sur cette belle lancée.

Biographie > Youngodologie

Young Gods : Eurock 2001 1984, Suisse, Franz Treichler (samples, guitares, chant) fonde les Young Gods avec Césare Pizzi (samples) et Franck Bagnoud (batterie). A eux trois et avec différents compagnons de route (le line-up du groupe étant instable), ils vont révolutionner le monde du rock par les machines. En Europe, ils sont LA référence quand on parle d'industriel, aux USA, ils sont cités par les connaisseurs, admirés par MJK (Tool) ou Mike Patton (Faith No More), leur musique a changé beaucoup de choses et continue de le faire. Véritable pierre (tri)angulaire du monde des sons, ils méritent bien leur nom. Leurs albums sont nombreux, riches, je laisse place aux commentaires du dernier en date, Second Nature, qui nous fait décourvir la deuxième nature des Gods, celle plus pop que métal...

Review Concert : The Young Gods, Young Gods aux Antipodes (avril 2006)

The Young Gods / Magazine > Mag #37

Mag 32 : The Young Gods Le mag de printemps est arrivé ! Et un groupe qu'on adore revient en couv' (c'est assez rare mais après une trentaine de mags, c'est un peu normal...), ce sont les Young Gods, d'autres Suisses ont répondu à nos questions puisque Nostromo est aussi de la partie. On met un peu de belge avec Namdose et les Français de Rescue Rangers, Projet KO, Shaarghot ainsi que le boss du Motocultor Fest et tu as la liste de toutes les interviews. Côté articles, il y en a un paquet avec les chroniques des dernières productions de Oh Sees, Dirty Shirt, Senbei, Within Temptation, Birdstone, Mono, Membrane, Pamplemousse, Sick Sad World, Aqme, Vesperine, Puppy, Lane, Ultra Vomit, Amon Amarth, nos traditionnelles rubriques (top news, il y a 10 ans, qui a dit ?...) et une série de "en bref" pour pouvoir partager un maximum de sensations auditives (Beartooth, Here Lies Man, At The Mercy, Brain Damage, Gran Mono, Off Models, Tendinite, Saint Sadrill, Owls Are Not, Millencolin, The One Armed Man, The Algorithm, Step In Fluid, Louis Jucker, Puts Marie, Poste 942, The Rebel Assholes, La Poison, Nervenbeisser...).

[fr] Mag #37: pdf (3167 hits)  External  ]

Interview : The Young Gods, L'interview d'un jeune Dieu (Nov. 2013)

Interview : The Young Gods, Interview 2001

The Young Gods / Chronique LP > Data mirage tangram

young gods - data mirage tangram Rares sont les groupes à faire des albums toujours différents malgré un style reconnaissable en une fraction de seconde, The Young Gods est de ceux-là. Et si neuf années nous séparent de Everybody knows, on a l'impression que ce son et ces ambiances ne nous ont jamais quittés, comme si les Suisses étaient perpétuellement présents dans nos esprits même si on ne les écoute pas quotidiennement. Excellent par moments, ce nouvel album qu'est Data mirage tangram a également amené quelques déceptions. Pas sur l'artwork et le titre, très fidèles à l'image des Jeunes Dieux puisque la cover est aussi colorée qu'éclatée et puisque le titre peut servir de mots-clés pour définir leur musique : "data" pour les données et le côté ultra numérique de leur travail, "mirage" pour les illusions qu'ils sont capables de créer et "tangram" pour cette facilité avec laquelle ils agencent des pièces identiques de multiples manières pour créer quelque chose de toujours différent.

Si je suis un tout petit peu déçu par cet opus, c'est que deux morceaux sont à la fois très lents et très électroniques, le quasi instrumental final "Everythem" et le torturé et allongé "All my skin standing". "Everythem" clôt l'album, c'est un retour à la vie normale, une porte de sortie comme "Entre en matière" permet de s'introduire dans le monde de Data mirage tangram, à cette différence près que le titre inaugural va quelque part, une mélodie nous prend par la main et nous guide jusqu'à quelques mots doux qui captent notre attention, là où la dernière piste cherche plutôt à nous perdre faute de repères. Quant à "All my skin standing", je lui reproche un aspect "non terminé", le jeu sur les percussions, les textes, la gratte qui déchire le truc, jusqu'à mi-parcours, c'est le kiffe mais ensuite la guitare s'égare dans un solo distordu durant trop longtemps. Alors que "Moon above", construit sur la même base mais avec un saxo sur la fin, réussit à éviter cette sensation en s'achevant avant l'ennui.

En revanche, "Tear up the red sky" peut devenir un marqueur important pour The Young Gods, rythme enlevé, sons lumineux, chant en anglais très mélodieux, basse envoûtante, le titre est excellent de bout en bout. On est loin de l'univers métal-indus du "TV sky" qui était trop bleu avec ce ciel rouge qu'il faut déchirer mais les chaudes saturations apportent un beau contrepoids aux bidouillages froids. L'ambiance du morceau m'a donné envie de réécouter "Cancer" qui est mon titre préféré de Filter (et pendant qu'on y est tout l'album Title of record), le mélange d'organique et de mécanique, de douceur et de rugosité étant juste parfait. "Figure sans nom" se défend pas mal lui aussi bien que les guitares ne s'énervent pas, là, c'est le tempo qui procure le plaisir. Beaucoup plus électro, "You gave me a name" propose un voyage qui fait monter l'excitation progressivement. Tout l'inverse de "Moon above" qui semble ne pas pouvoir tenir la mesure et tituber alors que tout y est maîtrisé.

Comme d'habitude The Young Gods a pris son temps, comme d'habitude, ils ont fait les choses sérieusement (au mixage, tu trouves le boss Alan Moulder pour lequel je réduis les travaux à 10 noms pour ne pas être trop long : Foals, Depeche Mode, U2, Placebo, Nine Inch Nails, A Perfect Circle, The Smashing Pumpkins, Death Cab for Cutie, Puscifer, Foo Fighters...) et comme d'habitude, ils ne laissent pas indifférents. Si tu apprécies, tu écouteras forcément, si tu hésites, écoute au moins "Tear up the red sky".

The Young Gods / Chronique LP > The Young Gods [Deluxe]

The Young Gods Deluxe En 1987, deux ans après leur formation, The Young Gods sort son premier album éponyme et pose les bases de ce que deviendra l'indus. C'était il y a déjà 25 ans et pour fêter ça, le groupe nous propose une réédition retravaillée de son opus agrémenté d'un live enregistré au Fri-Son la même année. Pour celui qui découvrirait le talent des Jeunes Dieux aujourd'hui, il faut s'accrocher avant l'écoute des albums (le studio et sa quasi version live car les titres joués sur scène sont ceux de l'album à l'exception de "Sing sing" la reprise de Nougaro), la musique des Suisses étant encore très expérimentale et se refusant à entrer dans les codes du musicalement correct ("Fais la mouette" c'est peut-être moins con que "Fais la poule" cela mais réclame tout de même une sacrée ouverture d'esprit).

Pour comprendre l'importance de cet album et son impact, il faut le replacer dans son contexte : en 1987, Ministry n'a pas encore écrit The land of rape and honey (et forcément encore moins The mind is a terrible thing to taste) qui marqueront durablement eux aussi la musique industrielle, en 1987, Trent Reznor participe discrètement aux combos Exotic Brids ou Slam Bamboo (et à part les die hard fans de NIN, personne ne connaît ces groupes). The Young Gods va donc puiser ses références chez les Swans, Einstürzende Neubauten, Skinny Puppy, Merzbow ou Death in June et se développe en même temps que Laibach ou Front Line Assembly. Et si aujourd'hui le groupe est mondialement reconnu pour sa finesse et le traitement particulier de ses sons, ses membres sont partis de compositions très brutes et le travail du vénérable Howie Weinberg (Faith No More, Garbage, Pantera, Helmet, Red Hot Chili Peppers, Dream Theater, Smashing Pumpkins, Skunk Anansie, Rammstein, ...) qui a remasterisé l'album n'a pas altéré cette touche assez emblématique de la fin des années 80.

Pour se lancer dans le monde de la musique, The Young Gods n'avait pas choisi la facilité. Ils ne la choisiront d'ailleurs jamais, la preuve avec l'inaugural "Nous de la lune" et son rythme d'estropié, ses cloches inquiétantes et ce train qui fait résonner les rails. Entre tripatouillages ("Soul idiot"), rock ("Feu") et métal ("Envoyé"), les Suisses touchent à tout et s'imposent comme une nouvelle référence que bon nombre d'artistes citeront et citent encore. Pour la version live, Franz et ses comparses savaient déjà étirer les titres, tendre les atmosphères et transfigurer leurs titres comme ceux des autres (la reprise de Claude Nougaro mais aussi celle de "Hello, hello, I'm back again" de Gary Glitter déjà retravaillée en studio sous le nom de "Did you miss me"). En 1987, The Young Gods ne s'étaient pas trompés au moment de choisir leur patronyme. Et s'ils sont aujourd'hui un peu plus vieux, ils restent des Dieux.

The Young Gods / Chronique LP > Everybody knows

The Young Gods - Everybody knows En revenant aux bases du rock avec Knock on wood, The Young Gods nous donnaient plusieurs choix pour leur retour en studio. Soit ils pouvaient rester dans cet esprit rock et continuer de taper sur du bois et de propager une chaleur simple, soit ils replongeaient avec envie dans les machines qu'ils avaient délaissées. Ces dernières étant quasi toute leur vie musicale, elles ont été le centre d'attention et de composition du quatuor suisse (Vincent Hänni, bassiste et guitariste est désormais membre à parti entière du groupe). Le résultat est, comme d'habitude, absolument fantastique. Distribuez des sons, des samples, des boucles à qui vous voulez, personne n'arrivera à en faire d'aussi jolies compositions que les Young Gods ! Chaque titre d'Everybody knows bénéficie d'une finition extraordinaire, chaque seconde est réfléchie. Quand on obtient de telles mélodies envoutantes et rock avec autant d'électronique, on peut parler de maîtrise totale de son art, de perfection, de moments de grâce. L'univers électronico-pop-rock-indus est toujours aussi doux malgré le peu d'instruments "basiques" (la guitare est absente de certains titres, complètement remplacée par des sons samplo-bidouillés). L'aspect froid et clinique des machines est envoyé aux oubliettes par la voix et les mélodies de Franz, charmeur et ensorceleur sur la plupart des titres. Seuls "No land's man" et "Tenter le grillage" sont plus agressifs, torturés et chargés d'effets distordants. L'album est plutôt lent, ce qui donne davantage de relief et de mordant aux petites accélérations telle celle du magnifique "Miles away", dont la transition entre l'acoustique et l'électronique se fait tout en douceur, un véritable travail d'orfèvre... Tout est parfait jusque l'artwork renversant de cette vue sur Central Park, oasis de nature dans un océan de béton. C'est le poumon de Manhattan, le bois au milieu des machines, analogie non numérique à la musique des Young Gods ? Assurément.

The Young Gods / Chronique LP > Knock on wood

The Young Gods : Knock On Wood Les Suisses n'ont peur de rien, après Nostromo et avant Underschool Element, The Young Gods délaissent eux aussi les saturations électriques pour s'offrir des sessions acoustiques et un Knock on wood dénué de machines et revenant jusqu'à 20 ans en arrière ! Et comme ce best of sans bricolage est accompagné d'une tournée, revenir aux bases du rock n'est pas simplement une passade pour le trio. Et bien qu'ils soient connus pour leur apport, phénoménal, au monde de la musique industrielle, leurs titres et l'ambiance qu'ils délivrent ici ne surprennent pas, les Young Gods sont à l'aise avec l'acoustique et ça fonctionne, une preuve de plus, s'il en fallait, que des bons morceaux peuvent être joués de plusieurs façons sans perdre de leurs qualités. Les notes claires des guitares remplacent quelques bidouillages samplés ce qui donne beaucoup de chaleur à des compositions qui pouvaient être considérées comme froides voire abruptes (pour certaines) lors de leur sortie électrico-électronique. Les mouvements et les mélodies sont imparables, les rythmes semblent doux, même quand ils sont rapides et l'ensemble est d'une incroyable limpidité, y compris là où les Helvètes aimaient mettre plusieurs couches de sons pour brouiller les pistes...
Aux titres personnels, les Gods ont ajouté 3 reprises dont une qu'ils connaissent bien, "Speak low" qui était déjà présente sur Play Kurt Weill, les deux autres sont tout à fait dans l'esprit du reste de Knock on wood : le tube "Ghost rider" de Suicide parce que c'est un des groupes qui les a influencé (à noter que le Rollins Band ou R.E.M. ont aussi payé leur tribut au duo américain avec ce morceau) et "Freedom" de Richie Havens qui est fait pour être joué sans trop d'électricité (et qui pour le coup mériterait peut-être une reprise électronique...). Pour le reste du track-listing, c'est leur cultissime T.V. sky qui s'octroie la part du roi avec 4 extraits ("Our house", "Gasoline man", "She rains" et "Skinflowers") devant le récent Super ready / Fragmenté ("I'm the drug" et "Everythere") et le pionnier L'Eau rouge ("Charlotte", "Longue route"). Aucun titre du tout premier album (même pas "Toi du monde"), ni de Only heaven ("Donnez les esprits"), pas plus de Second Nature ("Lucidogen" ou "Supersonic" sont-ils trop chargés en électricité ?) mais il ne faudrait pas abuser non plus... ou alors réclamer une suite ?

The Young Gods / Chronique LP > Second nature

Young Gods : Second Nature Enfin de retour ! Les Young Gods s'étaient dispersés entre incessantes tournées, projets parallèles, changement de batteur et les voilà de retour avec un album studio : Second Nature. Le titre à lui seul explique le ton de l'album, la seconde nature des "jeunes dieux", alors qu'ils nous avaient laissés, bouche bée, avec de l'industriel très métal, très pesant, ils dévoilent leur autre face, celle des bidouilleurs de folie. Ici, les guitares triturées sont en retrait, l'heure est à l'électronique. Toujours en avance, le trio helvète ne se contente pas de faire de la "pop indus", ils font réellement une musique futuriste, personne en Europe n'est encore allé aussi loin dans l'utilisation des machines. Entre anglais ("Supersonic", "In the otherland", "The sound in your eyes"...) et français ("Astronomic", "Attends", "Toi du monde"...) les 10 titres sont cohérents et forment la bande son d'une vie éclairée par des néons blancs-verts, où le carrelage fait résonner le son des blasters et la faune ne semble qu'être une illusion de plastique. Les échantillons de sons de la vie pas courante rythment un album lent et tonique, reposant et excitant, mental et machinal. Nulle doute que les Front Line Assembly, Sin, Collapse, Hint, Big Yoga Muffin ou autres disciples peuvent remercier les Young Gods pour précher de telle manière leur religion. Même s'ils sont de moins en moins jeunes, les Gods restent les Gods.

1