Indus Indus > The Young Gods

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Young Gods : Eurock 2001 1984, Suisse, Franz Treichler (samples, guitares, chant) fonde les Young Gods avec Césare Pizzi (samples) et Franck Bagnoud (batterie). A eux trois et avec différents compagnons de route (le line-up du groupe étant instable), ils vont révolutionner le monde du rock par les machines. En Europe, ils sont LA référence quand on parle d'industriel, aux USA, ils sont cités par les connaisseurs, admirés par MJK (Tool) ou Mike Patton (Faith No More), leur musique a changé beaucoup de choses et continue de le faire. Véritable pierre (tri)angulaire du monde des sons, ils méritent bien leur nom. Leurs albums sont nombreux, riches, je laisse place aux commentaires du dernier en date, Second Nature, qui nous fait décourvir la deuxième nature des Gods, celle plus pop que métal...

Review Concert : The Young Gods, Young Gods aux Antipodes (avril 2006)

Interview : The Young Gods, Interview à la Maroquinerie (mars 2019)

Interview : The Young Gods, L'interview d'un jeune Dieu (Nov. 2013)

Interview : The Young Gods, Interview 2001

The Young Gods / Chronique LP > Data mirage tangram

young gods - data mirage tangram Rares sont les groupes à faire des albums toujours différents malgré un style reconnaissable en une fraction de seconde, The Young Gods est de ceux-là. Et si neuf années nous séparent de Everybody knows, on a l'impression que ce son et ces ambiances ne nous ont jamais quittés, comme si les Suisses étaient perpétuellement présents dans nos esprits même si on ne les écoute pas quotidiennement. Excellent par moments, ce nouvel album qu'est Data mirage tangram a également amené quelques déceptions. Pas sur l'artwork et le titre, très fidèles à l'image des Jeunes Dieux puisque la cover est aussi colorée qu'éclatée et puisque le titre peut servir de mots-clés pour définir leur musique : "data" pour les données et le côté ultra numérique de leur travail, "mirage" pour les illusions qu'ils sont capables de créer et "tangram" pour cette facilité avec laquelle ils agencent des pièces identiques de multiples manières pour créer quelque chose de toujours différent.

Si je suis un tout petit peu déçu par cet opus, c'est que deux morceaux sont à la fois très lents et très électroniques, le quasi instrumental final "Everythem" et le torturé et allongé "All my skin standing". "Everythem" clôt l'album, c'est un retour à la vie normale, une porte de sortie comme "Entre en matière" permet de s'introduire dans le monde de Data mirage tangram, à cette différence près que le titre inaugural va quelque part, une mélodie nous prend par la main et nous guide jusqu'à quelques mots doux qui captent notre attention, là où la dernière piste cherche plutôt à nous perdre faute de repères. Quant à "All my skin standing", je lui reproche un aspect "non terminé", le jeu sur les percussions, les textes, la gratte qui déchire le truc, jusqu'à mi-parcours, c'est le kiffe mais ensuite la guitare s'égare dans un solo distordu durant trop longtemps. Alors que "Moon above", construit sur la même base mais avec un saxo sur la fin, réussit à éviter cette sensation en s'achevant avant l'ennui.

En revanche, "Tear up the red sky" peut devenir un marqueur important pour The Young Gods, rythme enlevé, sons lumineux, chant en anglais très mélodieux, basse envoûtante, le titre est excellent de bout en bout. On est loin de l'univers métal-indus du "TV sky" qui était trop bleu avec ce ciel rouge qu'il faut déchirer mais les chaudes saturations apportent un beau contrepoids aux bidouillages froids. L'ambiance du morceau m'a donné envie de réécouter "Cancer" qui est mon titre préféré de Filter (et pendant qu'on y est tout l'album Title of record), le mélange d'organique et de mécanique, de douceur et de rugosité étant juste parfait. "Figure sans nom" se défend pas mal lui aussi bien que les guitares ne s'énervent pas, là, c'est le tempo qui procure le plaisir. Beaucoup plus électro, "You gave me a name" propose un voyage qui fait monter l'excitation progressivement. Tout l'inverse de "Moon above" qui semble ne pas pouvoir tenir la mesure et tituber alors que tout y est maîtrisé.

Comme d'habitude The Young Gods a pris son temps, comme d'habitude, ils ont fait les choses sérieusement (au mixage, tu trouves le boss Alan Moulder pour lequel je réduis les travaux à 10 noms pour ne pas être trop long : Foals, Depeche Mode, U2, Placebo, Nine Inch Nails, A Perfect Circle, The Smashing Pumpkins, Death Cab for Cutie, Puscifer, Foo Fighters...) et comme d'habitude, ils ne laissent pas indifférents. Si tu apprécies, tu écouteras forcément, si tu hésites, écoute au moins "Tear up the red sky".

Publié dans le Mag #36

The Young Gods / Chronique LP > The Young Gods [Deluxe]

The Young Gods Deluxe En 1987, deux ans après leur formation, The Young Gods sort son premier album éponyme et pose les bases de ce que deviendra l'indus. C'était il y a déjà 25 ans et pour fêter ça, le groupe nous propose une réédition retravaillée de son opus agrémenté d'un live enregistré au Fri-Son la même année. Pour celui qui découvrirait le talent des Jeunes Dieux aujourd'hui, il faut s'accrocher avant l'écoute des albums (le studio et sa quasi version live car les titres joués sur scène sont ceux de l'album à l'exception de "Sing sing" la reprise de Nougaro), la musique des Suisses étant encore très expérimentale et se refusant à entrer dans les codes du musicalement correct ("Fais la mouette" c'est peut-être moins con que "Fais la poule" cela mais réclame tout de même une sacrée ouverture d'esprit).

Pour comprendre l'importance de cet album et son impact, il faut le replacer dans son contexte : en 1987, Ministry n'a pas encore écrit The land of rape and honey (et forcément encore moins The mind is a terrible thing to taste) qui marqueront durablement eux aussi la musique industrielle, en 1987, Trent Reznor participe discrètement aux combos Exotic Brids ou Slam Bamboo (et à part les die hard fans de NIN, personne ne connaît ces groupes). The Young Gods va donc puiser ses références chez les Swans, Einstürzende Neubauten, Skinny Puppy, Merzbow ou Death in June et se développe en même temps que Laibach ou Front Line Assembly. Et si aujourd'hui le groupe est mondialement reconnu pour sa finesse et le traitement particulier de ses sons, ses membres sont partis de compositions très brutes et le travail du vénérable Howie Weinberg (Faith No More, Garbage, Pantera, Helmet, Red Hot Chili Peppers, Dream Theater, Smashing Pumpkins, Skunk Anansie, Rammstein, ...) qui a remasterisé l'album n'a pas altéré cette touche assez emblématique de la fin des années 80.

Pour se lancer dans le monde de la musique, The Young Gods n'avait pas choisi la facilité. Ils ne la choisiront d'ailleurs jamais, la preuve avec l'inaugural "Nous de la lune" et son rythme d'estropié, ses cloches inquiétantes et ce train qui fait résonner les rails. Entre tripatouillages ("Soul idiot"), rock ("Feu") et métal ("Envoyé"), les Suisses touchent à tout et s'imposent comme une nouvelle référence que bon nombre d'artistes citeront et citent encore. Pour la version live, Franz et ses comparses savaient déjà étirer les titres, tendre les atmosphères et transfigurer leurs titres comme ceux des autres (la reprise de Claude Nougaro mais aussi celle de "Hello, hello, I'm back again" de Gary Glitter déjà retravaillée en studio sous le nom de "Did you miss me"). En 1987, The Young Gods ne s'étaient pas trompés au moment de choisir leur patronyme. Et s'ils sont aujourd'hui un peu plus vieux, ils restent des Dieux.

The Young Gods / Chronique LP > Everybody knows

The Young Gods - Everybody knows En revenant aux bases du rock avec Knock on wood, The Young Gods nous donnaient plusieurs choix pour leur retour en studio. Soit ils pouvaient rester dans cet esprit rock et continuer de taper sur du bois et de propager une chaleur simple, soit ils replongeaient avec envie dans les machines qu'ils avaient délaissées. Ces dernières étant quasi toute leur vie musicale, elles ont été le centre d'attention et de composition du quatuor suisse (Vincent Hänni, bassiste et guitariste est désormais membre à parti entière du groupe). Le résultat est, comme d'habitude, absolument fantastique. Distribuez des sons, des samples, des boucles à qui vous voulez, personne n'arrivera à en faire d'aussi jolies compositions que les Young Gods ! Chaque titre d'Everybody knows bénéficie d'une finition extraordinaire, chaque seconde est réfléchie. Quand on obtient de telles mélodies envoutantes et rock avec autant d'électronique, on peut parler de maîtrise totale de son art, de perfection, de moments de grâce. L'univers électronico-pop-rock-indus est toujours aussi doux malgré le peu d'instruments "basiques" (la guitare est absente de certains titres, complètement remplacée par des sons samplo-bidouillés). L'aspect froid et clinique des machines est envoyé aux oubliettes par la voix et les mélodies de Franz, charmeur et ensorceleur sur la plupart des titres. Seuls "No land's man" et "Tenter le grillage" sont plus agressifs, torturés et chargés d'effets distordants. L'album est plutôt lent, ce qui donne davantage de relief et de mordant aux petites accélérations telle celle du magnifique "Miles away", dont la transition entre l'acoustique et l'électronique se fait tout en douceur, un véritable travail d'orfèvre... Tout est parfait jusque l'artwork renversant de cette vue sur Central Park, oasis de nature dans un océan de béton. C'est le poumon de Manhattan, le bois au milieu des machines, analogie non numérique à la musique des Young Gods ? Assurément.

The Young Gods / Chronique LP > Knock on wood

The Young Gods : Knock On Wood Les Suisses n'ont peur de rien, après Nostromo et avant Underschool Element, The Young Gods délaissent eux aussi les saturations électriques pour s'offrir des sessions acoustiques et un Knock on wood dénué de machines et revenant jusqu'à 20 ans en arrière ! Et comme ce best of sans bricolage est accompagné d'une tournée, revenir aux bases du rock n'est pas simplement une passade pour le trio. Et bien qu'ils soient connus pour leur apport, phénoménal, au monde de la musique industrielle, leurs titres et l'ambiance qu'ils délivrent ici ne surprennent pas, les Young Gods sont à l'aise avec l'acoustique et ça fonctionne, une preuve de plus, s'il en fallait, que des bons morceaux peuvent être joués de plusieurs façons sans perdre de leurs qualités. Les notes claires des guitares remplacent quelques bidouillages samplés ce qui donne beaucoup de chaleur à des compositions qui pouvaient être considérées comme froides voire abruptes (pour certaines) lors de leur sortie électrico-électronique. Les mouvements et les mélodies sont imparables, les rythmes semblent doux, même quand ils sont rapides et l'ensemble est d'une incroyable limpidité, y compris là où les Helvètes aimaient mettre plusieurs couches de sons pour brouiller les pistes...
Aux titres personnels, les Gods ont ajouté 3 reprises dont une qu'ils connaissent bien, "Speak low" qui était déjà présente sur Play Kurt Weill, les deux autres sont tout à fait dans l'esprit du reste de Knock on wood : le tube "Ghost rider" de Suicide parce que c'est un des groupes qui les a influencé (à noter que le Rollins Band ou R.E.M. ont aussi payé leur tribut au duo américain avec ce morceau) et "Freedom" de Richie Havens qui est fait pour être joué sans trop d'électricité (et qui pour le coup mériterait peut-être une reprise électronique...). Pour le reste du track-listing, c'est leur cultissime T.V. sky qui s'octroie la part du roi avec 4 extraits ("Our house", "Gasoline man", "She rains" et "Skinflowers") devant le récent Super ready / Fragmenté ("I'm the drug" et "Everythere") et le pionnier L'Eau rouge ("Charlotte", "Longue route"). Aucun titre du tout premier album (même pas "Toi du monde"), ni de Only heaven ("Donnez les esprits"), pas plus de Second Nature ("Lucidogen" ou "Supersonic" sont-ils trop chargés en électricité ?) mais il ne faudrait pas abuser non plus... ou alors réclamer une suite ?

The Young Gods / Chronique LP > Second nature

Young Gods : Second Nature Enfin de retour ! Les Young Gods s'étaient dispersés entre incessantes tournées, projets parallèles, changement de batteur et les voilà de retour avec un album studio : Second Nature. Le titre à lui seul explique le ton de l'album, la seconde nature des "jeunes dieux", alors qu'ils nous avaient laissés, bouche bée, avec de l'industriel très métal, très pesant, ils dévoilent leur autre face, celle des bidouilleurs de folie. Ici, les guitares triturées sont en retrait, l'heure est à l'électronique. Toujours en avance, le trio helvète ne se contente pas de faire de la "pop indus", ils font réellement une musique futuriste, personne en Europe n'est encore allé aussi loin dans l'utilisation des machines. Entre anglais ("Supersonic", "In the otherland", "The sound in your eyes"...) et français ("Astronomic", "Attends", "Toi du monde"...) les 10 titres sont cohérents et forment la bande son d'une vie éclairée par des néons blancs-verts, où le carrelage fait résonner le son des blasters et la faune ne semble qu'être une illusion de plastique. Les échantillons de sons de la vie pas courante rythment un album lent et tonique, reposant et excitant, mental et machinal. Nulle doute que les Front Line Assembly, Sin, Collapse, Hint, Big Yoga Muffin ou autres disciples peuvent remercier les Young Gods pour précher de telle manière leur religion. Même s'ils sont de moins en moins jeunes, les Gods restent les Gods.