Yerban Kuru : Yerban kuru Vu de loin, le club des groupes de "dub frenchie" (un dub s'exprimant avec une certaine latitude), déjà très fourni, peut passer pour verrouillé et rendant difficile l'accès d'une nouvelle formation en son sein. Semblant se maintenir en forme olympienne, notamment avec les récentes sorties de Battlefield (Ez3kiel), Sound asylum (JMPZ) ou Short cuts (Brain Damage) et ne laissant qu'un faible intervalle entre Kaly Live Dub, Junior Cony, High Tone, Improvisators Dub, Idem et Löbe Radiant Dub System, pour ne citer qu'eux, cette scène a vu un nouveau nom circuler depuis quelques temps déjà : celui de Yerban Kuru. Les Franc-Comtois, encadrés par la locomotive Belfortaine Troll's Prod (Les Berthes, The Washing Machine Cie, Sleazy View, Groovy Baby Funky Boost, ...) débarquent en ce début d'année avec ce premier album (éponyme), concrétisation d'années d'efforts soutenus.
Là où des groupes, parfois menés par un seul homme, n'hésitent pas à passer à la moulinette drum'n' bass ou "électroniser" world-music, jazz, pop ou encore une fois le dub (je pense à Filastine, Fedayi Pacha, Sayag Jazz Machine, Yosh, Dôei, Undergang et même à UHT° ou Sporto Kantes), Yerban Kuru métallise son dub, ou à l'inverse, "dubbifie" l'atmosphère pesante, métallique. A la façon d'un Monsieur Z accouplant métal puis rock au ragga, Yerban Kuru associe brillement métal et dub tout en introduisant bribes noises ("D. Vincent", "Simili nimbus") et déluges hardcoreux ("No respect for poetry"), inventant le "post-dub'n'roll" lorsque les paroles s'absentent ou deviennent chimériques ("Mysticisme") et sachant introduire modération et sagesse avec une rare habileté ("Vapeurs martiales", "Dernier arrêt avant Reykjavik"). Véritable chaînon manquant entre une scène dub classique et les penchants rock des derniers crûs de Lab° et Zenzile, Yerban Kuru réussit le tour de force d'avoisiner les Guns Of Brixton ou la dernière mouture énervée de JMPZ tout en concédant ce qui ne peut être qu'un clin d'oeil à Ez3kiel ("Die puppe").
Yerban Kuru, doté de sa technologie hybride, frappe très fort et démontre qu'il est capable d'emmagasiner des tas d'influences (électro, dub, rock, métal, world-music, ...) et de les réconcilier au creux de morceaux variés mais liés d'une même marque de fabrique, reconnaissable immédiatement : bravo !