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Biographie > La révolution de Yasmine

Yasmine Hamdan - Portrait Yasmine Hamdan naît au milieu des années 70 dans le sud du Liban, pays dans lequel débutait à ce moment précis une guerre civile qui allait durer une quinzaine d'années. Peu après sa naissance, elle fuit le Liban avec ses parents pour bon nombre de pays dont la France et le Koweït pour le retrouver totalement dévasté au début des années 90. Bien avant que Yasmine prenne son envol en solo, elle fonde en 1997 avec Zeid Hamdan - un DJ fan de heavy métal et de rock psyché qui n'a aucun lien de parenté avec elle - un groupe qui a eu son petit moment de gloire dans la première moitié des années 2000 : Soapkills, soit un subtil mélange d'électronique, de trip-hop et de musique arabe. Elle devient alors une digne représentante de la pop underground libanaise et arabe, même si le monde culturel du Proche-Orient boude son groupe qui préfère la voir chanter en anglais plutôt qu'en arabe. Un comble !

En 2002, Yasmine quitte Beyrouth pour s'exiler à Paris afin de poursuivre ses rêves d'artiste. Cette trilingue (arabe, français, anglais) est remarquée par le monde occidental grâce à son incroyable voix ainsi que son talent pour se réapproprier à sa manière une culture musicale arabe trop souvent liée à Oum Kalthoum et Asmahan. À ce titre, le célèbre réalisateur palestinien Elia Suleiman, qui deviendra son mari, la contacte pour utiliser des titres de Soapkills dans son film "Intervention divine". Malheureusement, entre temps, le duo prend progressivement la voie de la séparation qui sera définitivement actée en 2005 après un album avorté suite à la faillite de leur maison de disque française. Ce qui n'empêchera pas ce final nommé Enta fen de sortir en total DIY, comme ses prédécesseurs.

En 2009, sa carrière solo débute par le biais d'une collaboration avec l'ancien producteur de Madonna et ex-Taxi Girl, Mirwais. Le fruit de cette association se nomme Arabology, une sorte d'électro-pop festive rétro-futuriste aux antipodes de Soapkills signée chez Universal. Yasmine supporte alors difficilement le monde des majors qui la vendent sans détour comme la "Madonna arabe". Par la suite, sa rencontre avec les Cocorosie, avec qui elle compose une chanson, puis avec Marc Collin de Nouvelle Vague qui produit en 2012 son premier album solo éponyme, la relance dans un chemin plus en adéquation avec ses envies. En 2013, sort Ya nass, une version "améliorée" de son éponyme inspirée par l'héritage de la musique populaire arabe et parsemée de touches pop-folk et d'électronique. Durant la même période, elle participe à une scène du film "Only lovers left alive" de Jim Jarmusch en jouant en live son titre "Hal", puis compose la musique pour la pièce de théâtre "Rituel pour une métamorphose" écrite par le syrien Saad-Allah Wannous et montée pour la Comédie Française, ce qui accroit d'une certaine manière sa popularité.

En 2014, la Beyrouthine entame une tournée à travers le monde, et profite de cette dernière pour écrire onze nouveaux titres qui seront enregistrés en cinq jours en partie dans le studio de Sonic Youth à Hoboken grâce à son ami Steve Shelly, le batteur du groupe, puis terminés à Londres avec les Britanniques Luke Smith (ex-membre de Clor ayant travaillé avec Foals et Depeche Mode) et Leo Abrahams (connu pour avoir collaboré avec plein de beau monde dont Brian Eno, Jon Hopkins et Seun Kuti). Cette production sort le 17 mars 2017 chez Crammed Discs et Ipecac Recordings (pour le marché US) sous le nom d'Al jamilat (les magnifiques, au féminin).

Yasmine Hamdan / Chronique LP > Al jamilat

Yasmine Hamdan - Al jamilat Al jamilat est le titre d'un poème du Palestinien Mahmoud Darwich rendant hommage aux femmes et servant de manifeste pour la défense de leurs droits. Des droits qui tendent à reculer dans certains pays que connaît bien Yasmine Hamdan pour y avoir vécu. Une ode à la féminité qui caractérise bien cette artiste avide d'expériences et de rencontres qui lui ont plutôt bien servi à en croire l'écoute de ce nouvel album qu'elle a dirigé de A à Z. À commencer par choisir ses musiciens et non des moindres quand on constate leur pedigree : Steve Shelley (Sonic Youth, Disappears) à la batterie, le multi-instrumentiste Shahzad Ismaily (Lou Reed, John Zorn), la violoniste canadienne Magali Charron, le compositeur mexicain Cesar Urbani, plus connu sous le nom de Cubenx, et son ex-partenaire de Soapkills, Zeid Hamdan. Et ne parlons même pas des techniciens qui ont été chargés de soigner les harmonies et le mixage de son disque (voir sa biographie sur notre site).

S'occupant de sa production aux quatre coins du monde (New-York, Londres, Beyrouth, Paris), cet album a subi musicalement son déracinement, soit un florilège de titres aux personnalités totalement multiples. Quand l'inaugurale "Douss" et "La chay" nous baladent agréablement par une folk inoffensive, "La ba'den" et "K2" envoûtent tout sur leur passage et mettent en valeur ce qui a de plus beau chez Yasmine Hamdan : sa voix. Un chant arabe utilisant plusieurs langage/dialecte (libanais, koweïtien, palestinien, égyptien, bédouin...), qui comme sa musique, ne se soucie guère des règles établies. Quand "Choubi" hypnotise par sa boucle électronique, "Café" se veut plus sombre et dévoile le côté mystérieux de la belle avec quelques relents noise qu'on imagine orchestrés par Steve Shelley. Autre titre marquant, "Al jamilat" invoque les esprits du Moyen-Orient, voire de plus loin encore, avec une classe incroyable. Seule "Balad" se présente peut-être inconsciemment comme une sorte de réminiscence de Soapkills par ses sonorités trip-hop version 2.0. Tandis que "Ta3ala" vient clore de façon majestueuse le disque avec son ambiance froide et son rythme complètement saccadé, on ne peut rester qu'admiratif devant cette imagination ardente et ce souci du détail perpétuel.

L'icône Libanaise a réussi avec Al jamilat à nous procurer cette étrange sensation de toucher la grâce à chaque plage sans véritablement la comprendre. Même après de multiples écoutes, sa musique composite qui passerait au premier abord comme quelque chose de simple à saisir, arrive à nous stimuler tout en nous égarant. Un sentiment trop rare de nos jours qui porte souvent la marque des grands. On pourrait encore vous en parler des heures mais le mieux serait de cultiver votre curiosité en vous précipitant sur votre site de streaming favori ou chez votre disquaire pour écouter cette œuvre (pop/folk/électronique/mets ce que tu veux) magistrale.

Publié dans le Mag #30