Après avoir oeuvré comme musicien au service d'un collectif au sein de СОЛЯРИС, Godot & the Parasites ou encore Haunted Candy Shop, Maxime V décide un beau de faire de la musique tout seul avec un projet baptisé Witxes, évoluant dans des sphères résolument expérimentales, entre ambient/drone et (doom)jazz en passant par des éléments acoustiques voire post-classiques. Quelques titres épars plus tard, il rassemble ses premiers travaux sur une premier opus intitulé Scrawls #01, compilation de 13 pièces courtes témoignant des premiers mois d'écriture sous ce patronyme qu'est Wixtes, avant de livrer Winter light burns un EP constitué d'un seul morceau s'étendant sur 26 minutes paru confidentiellement par le biais du label de Leonardo Rosado, FeedbackLoop.
Ce premier opus discographique "officiel" sert de préambule à un album long-format intitulé Sorcery/geography qui voit le jour au printemps 2012 par le biais du très pointu label lyonnais Humanist Records (Chelsea Wolfe, Gunfire in a Juke Joint, Zero Absolu), avant que Maxime ne soit repéré par le toujours irréprochable (ou quasiment) Denovali Records, incontournable chef de file européen en termes de musiques plus ou moins expérimentales. Laquelle maison de disques allemande se charge de rééditer Sorcery/geography un an plus tard alors même qu'elle sort également le deuxième album de Witxes : A fabric of beliefs.
Witxes
Biographie > Witches avec un X
Witxes / Chronique LP > A fabric of beliefs
En parallèle à la réédition de Sorcery/geography, Witxes profite de cet appel d'air médiatique que lui offre la remise en avant de son premier album pour sortir le second, également chez Denovali Records (le label aux sorties mensuelles par - presque - pack de douze) et confirmer un peu plus les excellentes prédispositions créatives entrevues (voire un peu plus...) sur ses travaux sonores inauguraux. Album au titre à la modernité éloquente, A fabric of beliefs est la compilation de douze nouvelles pistes sur lesquelles viennent se mêler ambient atmosphérique, tentations électroniques bruitistes et abstractions drone dans un véritable maelström viral aux circonvolutions sonores labyrinthiques et tempétueuses (l'imposant triptyque "Through the abraxas" qui ouvre cet opus). Une oeuvre assez longue et pour le moins dense confirmant tout le bien que l'on pensait déjà de ce projet un peu hors-normes et du commun.
Toujours "seul" à la conception, Maxime V. ne s'en est pas moins entouré d'une pléiade de musiciens assurant les interventions acoustiques, arrangements plus ou moins percussifs et autres petites friandises à l'étrangeté troublante. Car à l'instar de ce que l'on pouvait trouver sur son premier album, Witxes développe ici une musique à l'exigence soutenue, frôlant parfois un léger hermétisme nécessitant un certain d'effort pour l'appréhender et le surmonter (l'interlude "The breach"), d'autre fois beaucoup moins lorsqu'elle se laisse "apprivoiser", non sans toutefois exhaler un magnétisme acoustique du plus bel effet ("The strands"). Expérimentale au sens le plus pur du terme, elle sait aussi aller au-delà de sa nature profonde pour proposer quelque chose de quasi inédit : une sorte d'énigme émotionnelle dont on ne ressort pas sans quelques interrogations malgré une profonde remise en question intérieure ("The apparel" et son doomjazz à la profondeur de champ sidérante).
Par opposition à ses compositions les plus "extrêmes" dira-t-on, Witxes délivre également quelques pistes plus accessibles (toutes proportions gardées) mais à l'intensité viscérale saisissante ("The visited", "The weavers"), un cocktail de musiques (au pluriel oui...) sensorielles qui se plaisent à se laisser aller à leurs pérégrinations viscérales au travers des paysages sonores que leur auteur crée sous nos yeux, quitte à faire des choix artistiques pour le moins osés. Pour un périple musical très personnel et sophistiqué dont on ne ressort pas sans ressentir quelque chose d'extrêmement particulier ("The words", "The moonlit passage"). Pour peu que l'on fasse le choix, voire l'effort, de s'immerger dans cet univers profondément complexe et organique. Mais presque parfaitement maîtrisé.
Witxes / Chronique LP > Sorcery/geography (Réédition)
Réédition par le biais du toujours aussi incontournable Denovali Records (Aun, Greg Haines, Talvihorros, TKDE...) du premier album de Witxes paru un an plus tôt chez Humanist Records, le petit label lyonnais remarqué pour avoir notamment sorti des disques de Chelsea Wolfe ou Zero Absolu, Sorcery/geography est surtout l'occasion idéale pour plonger la tête la première au sein de l'univers très personnel et affirmé de son auteur/architecte, Maxime V. Un véritable voyage sans retour à travers des panoramas ambient (parfois) drone et expérimentaux aux schémas narratifs et paysages sonores littéralement obsédant. En témoigne notamment ce fabuleux "Unlocation" qui ouvre le tracklisting de l'album en s'offrant un tourbillon free-jazz en guise de climax aliénant, avant un final d'une classe étourdissante.
Une piste et une seule, c'est au travers d'une première composition presque "idéale" que Witxes parvient à conquérir l'auditeur et le faire succomber aux charmes étranges, presque vénéneux de son album, avant d'en explorer les tréfonds sur un "After the horsefight" aussi âpre que tourmenté, sombre que nébuleux. Car, Sorcery/geography sait aussi se faire d'une noirceur oppressante avant de s'offrir à nouveau une sortie de scène tout en élégance bluffante. Un clavier obsédant, des nappes ambient organiques qui flottent dans la stratosphère, une menace sonore qui vient insidieusement assombrir l'ensemble, rompre avec la dynamique légèrement cotonneuse, narcotique dans laquelle le Français se plait à plonger son auditeur, pour faire voler en éclats cette fausse impression de quiétude illusoire ("Thirteen emeralds", "The reason"), on est happé par l'intensité de ses travaux.
Toujours ce rituel quasi immuable, de pièces en pièces, tantôt ambient, tantôt plus dronisantes et régulièrement parsemées de textures jazz post-moderne : une propension étourdissante à savoir conclure ces créations comme personne et à immerger l'auditeur dans un océan de réverb' magnétique ("Canyon improbable", "Somewhere"). Une ode à l'abandon sensoriel qui se traduit par une descente en rappel au plus profond de l'expérimentation ambient minimaliste ("Dunes of steel") avant le retour vers la surface d'une densité sonore palpable, puissante. Alternant les climats sonores et de fait les types d'émotions ici générées (le superbe "Dead reckoning"), Witxes maîtrise assurément son sujet à la perfection, même quand il s'offre un petit épisode troublant d'ascétisme musical ("Misscience"), avant une dernière offrande ("No sorcerer of mine") ponctuant de fait un album aussi riche que tourmenté, oscillant constamment entre violence latente saturée et spleen contemplatif de grande classe.
[NB] : la réédition signée Denovali Records comporte en sus de l'album originel, le one-track EP Winter light burns sorti par Witxes en février 2012.