Petite piqûre de rappel pour celles et ceux qui ont dû entendre parler d'Underhill sans en connaître les tenants et les aboutissants : ce "supergroupe" cosmopolite comprend dans ses membres probablement ce qui se fait de mieux à l'heure actuelle en matière de musique électronique hybride et relativement expérimentale et recherchée, soit Dean Rodell (qui sévit aussi dans Machine Code, mais pas que, lorsqu'il n'est pas en solo), Ivan Shopov (le type qui est derrière Cooh et Balkansky) et Tim Elliot a.k.a Current Value, qui joue également dans Machine Code. A l'inverse de Silent siren, premier disque sensoriel sorti en 2012 et salué par la critique, dans lequel se sont engouffrés les voix de Martina Astner et MC Coppa, Prologue est exclusivement un duo, une communication instrumentale entre Dean et Ivan. Un challenge pour ces deux artistes habitués à faire sauter les foules avec leur dubstep et leur drum & bass survitaminés.
L'intimisme est le premier mot qui traverse l'esprit après avoir avalé consciencieusement chaque note et onde de la première écoute du disque. On pourra se le passer et se le repasser mille fois de suite, il règne un esprit très introverti dans la musique d'Underhill, qui évoque même l'occulte par moments. C'est un disque qu'on ne partage qu'avec soi-même et qui dévoile son penchant presque cathartique. C'est l'anti-dancefloor par excellence, en somme. Le dialogue entre les deux artistes est tentaculaire par le télescopage sonore entre d'un côté, des rythmes nourris aux stéroïdes (comme sur l'excellente "Thousand yard stare") et de l'autre, des instrus qui tantôt mêlent glitch torturé ("All that glitters") et electronica contemplative ("The land of grey"). Un voyage auditif en quête du son parfait qui se développe et progresse naturellement avec ses atmosphères tendues et orageuses qui deviennent dans l'instant d'après doucereuse (la suite "Folded" - "The land of grey"). Et pour jouer entre les deux, Underhill fait même appel sur le titre éponyme à un spécialiste du dark-ambient, en l'occurrence le bulgare Mytrip, concitoyen d'Ivan.
Œuvre électronique magistrale avec des moments de toute beauté, Prologue est saisissant en tout point et bénéficie d'une production à la mécanique bien huilée (voir le CV de ses membres) quand il s'agit de marquer les esprits par le son. On connaissait le potentiel incroyable de la scène berlinoise et du travail de défrichage du label Ad Noiseam qui abrite une pléthore d'artistes electro chaudement recommandables (Oyaarss, Ben Lukas Boysen, DJ Hidden), mais là, force est de constater que l'on atteint les sommets.
Encore faut-il le vouloir pour le croire.
Underhill
Underhill / Chronique LP > Prologue
Underhill / Chronique LP > Silent siren
"Silent siren", l'album du projet Underhill est un disque que l'on qualifiera d'hybride. Une oeuvre mixant adroitement dubstep, trip-hop, electronica et hip-hop dans un même tube à essais pour un résultat placé dans la centrifugeuse de l'incontournable Ad Noiseam (Broken Note, Enduser, Oyaarss). Un pseudonyme pour une entité derrière laquelle on retrouve notamment Dean Rodell, notamment connu des initiés pour ses travaux avec Broken Note, Current Value, Senser ou King Cannibal, Ivan Shopov aka Balkansky, le prolifique MC Coppa (une cinquantaine de productions au compteur) ainsi que Martina Astner, entre autres vocalistes du groupe death/symphonique suédois Therion.
L'association d'idées et de talents est pour le moins curieuse, sinon osée mais "garantie constructeur" signée Ad Noiseam oblige, on sait que ça ne peut pas être mauvais. Donc pas de surprise de ce côté-là, les premiers morceaux défilent et effectivement, le mélange des genres ici proposé fait clairement ses preuves, entre un "Night lines" immersif, un "Blind" à la torpeur trip-hop aussi cotonneuse que lascive ou un "Hiding the light" dub porté par le timbre suave de Martina Astner. On attendait du hip-hop crossover aussi ? Que l'on se rassure, ça arrive dès la quatrième piste avec un "Trippin" aux bizarreries vocales passées sous le filtre digital, pour un résultat parfois déroutant, qui se prolonge du reste sur le titre suivant : "My shadow".
Elargissant toujours plus son spectre sonore en fonction de son concept initial, Underhill se disperse tout en maîtrisant sa ligne directrice, s'offrant au passage un petit "tube" avec le langoureux "The miss", avant de reprendre ce qui a fonctionné sur ce morceau pour lui adjoindre sur la suite immédiate ("Civil lies", "Back sun butterfly") des éléments dubstep conférant à ces deux nouvelles créations un impact sonore inédit jusqu'alors. L'autre intérêt de ce Silent siren étant l'évidente capacité des membres du projet à écrire de concert des morceaux qui tiennent plus que la route et à renouveler l'expérience à quatorze reprises sans jamais céder à la facilité (les trois dernières pistes étant des remixes signés Bong-Ra, Balkansky himself ou The Sect). Et que ce soit sur le robotique "Law enforcement" ou l'éponyme "Silent siren" et son groove/flow pénétrant, sans oublier le clinquant "Podgorna" et le ravageur "Rivers of hade", le résultat est imparable.
Une collection de tueries et pépites remarquablement composées et produites, l'ultime preuve étant apportée par le terminal "Solace", véritable agglomérat de tout ce que l'on a pu trouver à un moment ou à un autre sur cet album, Underhill vient de s'offrir un joli hold-up discographique... mais mérité. Encore une bonne affaire signée par un Ad Noiseam décidément coutumier du fait.