C'est à l'occasion d'une première partie pour ses copains de Sidilarsen au Divan du Monde à Paris que nous avons pu discuter près de 3/4 d'heure avec le toulousain Undergang. Homme aimable et passionné par son métier, il s'est livré sur son aventure de musicien, est revenu sur son passage dans La Phaze et nous a parlé de son dernier album, Hang out.
Pourrais-tu me rappeler les grandes lignes de ton parcours musical et dans quel univers artistique tu as grandi ?
J'ai commencé à écouter de la musique vers 7 ou 8 ans, le jour où j'ai flashé sur un morceau d'AC/DC à la radio. J'ai demandé à mon père ce que c'était et puis mon oncle par la suite m'a filé des K7 du groupe. J'écoutais aussi les 33 tours de Jimi Hendrix qui trainaient chez mes parents et puis Léo Ferré beaucoup. Voilà, c'est un peu les trois gros trucs qui ont fait que gamin, je me suis intéressé à la musique.
Je n'avais pas du tout l'intention de faire de la musique au début, il n'y a pas de musicien dans ma famille. Pour moi, c'était quelque chose qui appartenait aux autres. Et puis un jour, un super ami en classe de 4ème voulait être chanteur, il avait un pote batteur avec lui et m'a demandé de venir jouer de la guitare avec eux. Le problème, c'est que non seulement je n'avais pas de guitare mais en plus je ne savais pas en jouer. Il me fait "T'écoutes AC/DC, tu joues de la guitare". Du coup, je me suis retrouvé avec une basse à deux cordes branchée sur une chaîne Hi-Fi ! Je me suis rendu compte que le truc venait super vite. On écoutait pas de punk mais on jouait tellement comme des merdes que ça y ressemblait fort, ça dépassait pas deux accords et ça jouait en vrac. On a commencé à faire des concerts au bout de 2 ou 3 mois pour des premières parties de groupes de blues, de soul, de funk dans des bars. Ca faisait marrer les gens de voir des mioches de 13-14 ans jouer de la musique comme des quiches mais avec énergie.
A partir de ce moment-là, je n'ai jamais arrêté de jouer de la musique. J'ai eu 4 ou 5 groupes avec ce pote dont je te parlais. Ensuite, j'ai monté un groupe électro avec un autre pote et quand il est parti, je me suis retrouvé seul à gérer ce projet. C'est là que j'ai monté Undergang, c'était il y a 10 ans à peu près.
Tu savais qu'il y a un groupe de death metal danois qui s'appelle Undergang ?
Oui, oui, carrément !
Ca ne t'a pas posé de problème de confusion dans ta communication ?
Non, j'ai eu de la chance que ce groupe ne soit pas hyper en vue et joue une musique un peu death-grind. En plus, ils sont Danois. Ca pose juste un problème quand les gens essayent de t'identifier sur Facebook, eux leur nom est en minuscule et moi c'est en majuscule, mais c'est pas préjudiciable. Il y a aussi un groupe de bar rock à Syracuse aux Etats-Unis qui porte ce nom avec un chanteur de 55 balais avec des grand bras et une tête super bizarre. La blague des potes c'est de dire que ce sera moi à 50 balais (rires).
Undergang, c'est un hobby ou ton gagne-pain ?
J'en vis depuis 8 ans maintenant, je ne fais que ça. C'est vrai que c'est plus facile d'en vivre quand tu es seul.
Tu ne fais donc rien en dehors d'Undergang ?
Si, je compose énormément de musique pour un éditeur, c'est ma manageuse qui est tombée sur ce gars. Je lui fais de la musique illustrative pour des jeux vidéo, pour des applications, des trucs comme ça. Ca fait à peine un an ou deux que je fais ça, je lui envoie des sons régulièrement. Quand je passe une journée en studio, je compose plein de choses qui ne rentrent pas dans le cadre d'Undergang, ca va de la guitare sèche à de la hardtek en passant par du piano. Je me suis également mis pas mal à la vidéo depuis un an, j'ai réalisé les clips de mon dernier album et je bosse pour des groupes depuis 6 mois maintenant car j'ai pas mal de demandes. Je kiffe vraiment ça parce qu'après les tournages, tu restes chez toi, tu te déplaces moins, c'est plus agréable. Je conçois des sites Internet, je fais l'infographie pour Undergang et pour des potes des fois. Qu'est-ce que je fais d'autres. Ca m'arrive de taper des bœufs avec les copains de temps en temps, j'ai monté le projet Wattdafox en 2007 avec deux gars de Sidilarsen, on n'a pas pu le faire tourner à cause de nos emplois du temps. En gros, je n'arrête pas, je suis un peu hyperactif en fait.
Tu es multi-instrumentiste, tu joues de combien d'instruments ?
De la guitare ; de la basse parce que logiquement quand tu joues de la guitare tu sais être bassiste ; de la batterie parce que je trouve cet instrument très attractif et physique sur lequel tu peux te défouler ; du piano, à trois doigts comme ça, je ne suis pas virtuose ; idem pour le scratch, je sais juste faire des phrasés efficaces ; du chant ; des machines. Je pense que dès que tu touches un instrument, tu peux arriver à le faire sonner si tu as le sens du rythme et des idées. C'est comme ça que j'ai commencé la zik avec cette fameuse basse à deux cordes. Dernièrement j'ai joué à ma manière de la balalaïka, un instru d'origine russe à huit cordes accordé à l'arrache. Je ne suis pas un musicien virtuose mais j'arrive tout de même à m'exprimer avec plein d'instruments.
Lequel tu penses maîtriser le mieux et celui que tu préfères ?
Celui que je maîtrise le mieux c'est assurément la guitare. Concernant celui que je préfère, là c'est plus dur, chaque instrument a son truc. Et puis ça dépend aussi des conditions dans lesquelles je me retrouve. Pour un bœuf blues avec les potes, ce sera clairement la guitare, pour du funk ou hip-hop, ce sera la batterie, pour l'électro, ce sera les machines.
Tu touches à pas mal de styles, du dubstep au post-rock en passant par le hip-hop. Tu n'as pas cette crainte, en proposant une musique sans frontière, de faire perdre le fil à ceux qui te découvrent ?
C'est une conséquence possible, c'est sûr. Quand je me retrouve avec mes 40 morceaux pour le prochain album, je dois faire pas mal le tri, ce sont des choix pas évidents, il faut une cohérence. Je me pose souvent la question. C'est clair qu'il y a un fossé énorme entre un morceau indus-hardcore et un morceau de trip-hop planant. J'essaye avec mon oreille de créer un liant qui se fait par la couleur du son. Au niveau du style, je ne peux pas ralentir le tempo d'un morceau de drum and bass pour qu'il colle avec le morceau de hip-hop qui le suit. Il y a un espèce de parti pris. Si je devais sortir 11 morceaux de pop-rock, je le ferais au sein d'un groupe qui serait dédié uniquement a ça. Le fait que je sois seul au sein d'Undergang me procure un espace de liberté, un espace de travail à la maison reporté sur scène, c'est un produit complet. La démarche à adopter c'est d'écouter l'album en entier pour se faire une idée parce que le mec qui va venir au concert avec sa bière à la main et qui va écouter un morceau qui lui plaît pas, il va repartir chez lui, alors que quelques morceaux plus tard il aura une vibration qui lui parle plus.
Ouais, donc ton public est forcément comme toi, il est assez large au final.
Ma plus grande fierté c'est d'attirer des mecs à mes concerts qui, par exemple, aiment le rock n' roll et se font une idée de l'électro souvent fausse et pleine de préjugés et qui viennent à la fin te dire que ton concert déchirait. Du coup, je les conseille sur ce qu'ils doivent découvrir en matière d'électro parce qu'avant ils pensaient que c'était de la house de boîte de nuit. Et parallèlement à ça, tu as les petits teuffeurs à casquette et piercing qui n'écoutent que de la grosse drum avec des subs et qui trouvent cool que je pose de la guitare dessus. C'est complètement le but : rapprocher les gens qui sont dans des cases. Après, je suis bien conscient que mon style est casse-gueule. C'est indépendant de moi mais il y a un côté volontaire dans le sens ou je force les gens à s'ouvrir les oreilles. Moi, j'ai des potes qui n'aiment pas trop tel ou tel style musical que je pratique mais le fait que je le fasse avec ma patte les amène à être curieux, d'aller plus loin. Ca m'arrive de découvrir des albums assez variés ou inégaux, même si je n'aime que 2 ou 3 morceaux, je fais l'effort de comprendre les morceaux qui me plaisent moins. Même s'ils sont moins bons, il y a toujours un truc qui me parle. Selon moi, un album s'écoute toujours dans son ensemble.
Tu es un homme orchestre sur scène mais en studio tu gères tout de A à Z ?
Ouais, j'ai mon petit studio à la maison. Sur le dernier album, j'ai tout fait jusqu'au mastering, c'est la première fois d'ailleurs que je fais toute la conception de A à Z.
J'ai l'impression que c'est l'album le mieux produit de ta discographie.
C'est pour ça que j'ai tiré le truc jusqu'au bout. J'ai fait écouter à des potes qui bossent dans le son dont certains masterisent, à des musiciens, à des non musiciens également mais qui ont une bonne oreille. Ils ont trouvé ça réussi donc à quoi bon le faire par un autre ? Le mastering c'est une science particulière qui fait que quand tu sors du studio, c'est fini. Si tu veux modifier une chose, tu dois reprendre des journées, ça coûte cher, les musiciens ne roulent pas sur l'or car le fait que les disques ne se vendent plus n'aide pas. Je fais de la production pour des gens que je connais donc je me sens capable de faire sonner un truc.
En 2011, tu rejoins La Phaze, pourrais-tu m'expliquer pourquoi ils sont venus te chercher alors qu'ils ont toujours tourné à 3 ?
Ils ont tourné à 4 pendant un an je crois à l'époque où il y avait Nevrax et Rouzman. Le premier concert que j'ai fait avec La Phaze c'était en 2003 ou 2004, on s'est connu à cette époque et on a vraiment accroché humainement et artistiquement. On était un peu dans la même famille musicale. On s'est croisé et j'ai fait leur première partie pas mal de fois. On est devenus des potes de tournée. Damny m'avait fait le mixage de Rue du Maroc en 2007. Ils m'ont demandé si je voulais intégrer le groupe pour faire la tournée Psalms and revolution car ils avaient besoin d'une deuxième guitare, de gérer les machines et d'un back en voix.
C'était un CDD ou un CDI ?
Après Psalms and revolution, La Phaze voulait intégrer quelqu'un de nouveau pour avoir du sang neuf. Le groupe savait que j'étais prolifique et que j'avais pleins d'idées. Il voulait quelqu'un de dynamique pour apporter un renouvellement, relancer un peu la machine après 15 ans d'aventures. Au final, ça ne se fait pas, les mecs étaient fatigués de la tournée et voulaient passer à autre chose pour X raisons donc le groupe s'arrête fin 2012. Du coup, ça tombait plutôt bien parce que j'avais mis Undergang en stand-by pendant 2 ans et ça commençait à me peser. J'avais des idées qui bouillonnaient, j'en avais plein le disque dur, je voulais sortir un album et quand t'es en tournée avec un groupe qui joue beaucoup, ce n'est pas évident de s'ouvrir une fenêtre pour 6 mois, un an avec album, tournée, promo et tout le merdier. Au début, je pensais jongler avec les deux, me prendre un break de temps à autres pour bosser, mais c'était chaud. Je comptais faire les premières parties de La Phaze tout en jouant dedans, ce que j'ai fait mais que sur quelques dates. J'avais vraiment besoin de remettre la tête dans le guidon.
T'as jamais pensé à former un groupe après ton expérience avec La Phaze ?
Ah si carrément, c'est un truc que j'ai en tête depuis des années. Il faut juste trouver des musiciens disponibles qui correspondent au projet, pouvoir payer une équipe technique qui nous suit. Ce n'est pas évident mais j'y pense de plus en plus. Ca peut être soit une version Undergang en groupe, soit une nouvelle formation où je pose ma patte. Toutes les portes sont ouvertes à ce sujet.
Sur le dernier disque, il y a ces deux morceaux avec Kamik, c'est la première fois qu'il y avait un featuring sur un de mes albums. A Toulouse, j'ai récemment joué sur scène avec deux potes donc tu vois, je commence à ramener des gens dans le truc, à la partager un peu plus. Mais j'en ressentais le besoin car cela fait 10 ans que je suis tout seul dans ce projet. J'ai joué longtemps en groupe avant Undergang, et avec La Phaze, j'ai redécouvert ce goût d'être sur scène et de profitez de l'ambiance et du public car tu as ces moments où tu peux un peu souffler. Avec Undergang, c'est le contraire, c'est un marathon, tu n'en profites pas autant. Mais je l'ai choisi car j'aime bien que ça enchaine. Au fur et à mesure du temps j'ai commencé à rajouter de la guitare, de la batterie parce qu'à chaque seconde j'ai envie de faire un truc. Je me vois mal être derrière des platines, envoyer le son et levez les bras comme certain DJs, qui le font très bien d'ailleurs.
Tu penses quoi des nouveaux groupes de Damny, de Rouzman et d'Arnaud (Dead Hippies, Pungle Lions, The Cash Stevens) ?
Globalement je trouve ça plutôt bien. Dans les styles, je suis assez surpris du fossé entre ce qu'était La Phaze, ce groupe engagé, et ce qu'ils font maintenant. Déjà, le dernier album était assez loin de ce que représentait le groupe, ce côté revendicatif. Il n'y avait plus qu'un morceau en français avec un super texte engagé, qu'on ne jouait pas sur scène d'ailleurs. Et là avec leurs nouveaux projets c'est un peu la même chose. Je crois que leurs objectifs c'est vraiment de prendre du plaisir. On le voit par exemple avec Arnaud qui est un fan de guitares et d'amplification, il monte Dead Hippies, un groupe qui se gave de vieilles grattes, des Mustang, des Fenders et des amplis dans tous les sens, il réalise un peu son rêve de gamin. Et Damny, c'est la même chose. Je me souviens dans le camion sur la tournée, on écoutant des vieilles chansons des années 60-70, et tu retrouves un peu ça dans Pungle Lions. The Cash Stevens, c'est pareil, Rouzman aime bien la musique folk, les trucs léchés et super propres. Ce sont finalement des projets très personnels.
Juste après ton départ de La Phaze, dans quel état d'esprit tu es ? Tu décides direct de sortir un quatrième album ?
Oui, carrément. J'avais déjà commencé à travailler des sons dans le camion avec La Phaze. Hang on a été construit différemment des précédents dans le sens où je composais pas en me disant que ça allait être des morceaux pour Undergang. Quand tu as des heures de route dans le camion, tu mets ton casque et tu bosses. Du coup, les tempos étaient plus lents, plus rentre-dedans, plus lourds avec un côté plus mélodique je pense aussi. Et quand j'ai décidé de préparer ce nouvel album, j'ai commencé par me replonger dans ce que j'avais créé sur la tournée. Et je me suis rendu compte que c'était exactement ce que je voulais faire écouter aux gens, j'avais pas envie que ce soit dans la lignée des anciens. Je savais qu'il y aurait une cohésion dans le mix mais le parti pris dès le départ, c'était de ne pas se poser de question. Parce que quand je réécoute mes albums précédents, il y a une espèce de distance qui s'est opérée avec le temps qui fait que si je refaisais les mêmes choses, ce ne serait plus moi tel que je le suis aujourd'hui. Il faut respecter ça et ne pas se forcer à revenir sur les vieux trucs. C'est ce qui s'est passé avec La Phaze. Concernant Hang on, je jouais déjà certains de ses morceaux sur scène avant de l'enregistrer. Je fais souvent ça, je compose pour le live et 4-5 ans plus tard, tu retrouves les titres sur l'album.
Beaucoup de tes textes sont en anglais sur ce nouvel album. Du coup, c'est moins immédiat pour un Français. De quelle manière écris-tu tes textes ?
En fait, tout dépend si je chante en français ou en anglais. En français, il y a toujours eu ce petit côté engagé avec des sujets d'ordre sociaux et avec le temps mes textes se révèlent être plus personnels surtout quand je passe en langue anglaise. Par pudeur d'une part, et dans un souci d'efficacité musicale d'autre part. C'est vrai qu'en français, c'est assez dur de faire sonner les mots, les trois quarts des groupes français chantent en anglais. C'est dommage mais il faut se rendre à l'évidence que quand tu chantes en français, le public va forcément être un peu plus critique. En anglais, t'as un espèce de passe-droit, t'es un peu au milieu des instruments et ça passe mieux. C'est pour ça, par exemple, que je peux désormais passer un message d'amour dans mes chansons avec la langue anglaise, par pudeur justement, et dans les refrains pour l'efficacité. Dès que j'écris en français, je me rapproche naturellement du phrasé hip-hop car j'ai été bercé par ça dans les années 90, à l'époque de la Fonky Family, NTM, IAM. Alors que quand je passe en anglais, mes références vont plus aller vers Deftones, Nine Inch Nails ou des trucs comme ça. Ca me permet aussi de me rapprocher de mes influences et de me sentir plus à l'aise.
Il y a une réédition numérique de Hang on avec 3 titres bonus qui vient de sortir. Ces morceaux sont des rebuts de la session ou des créations post-session ?
Ca dépend lesquels. Le premier "Gotta break it", c'est un morceau de Du son sur les mains, l'album précèdent, où j'ai repris juste la voix et recomposé dessus. Même procédé pour le deuxième, avec la chanson "In that maze" du dernier album en version drum & bass. Quand au troisième, "Riff kiff", c'est un vieux truc qui traîne et qui devait être sur l'album d'avant je crois. Des fois, tu as des morceaux que tu te travailles pendant 10 ans et t'en es jamais content, je me suis dit que comme c'était une réédition ça pouvait être un bon petit bonus. C'est un titre long que je n'aurais jamais pu mettre sur un album de 10 morceaux, c'était la bonne occasion pour le balancer en fait. Hang on n'a pas le côté jungle/d&b qu'avait les autres, les tempos sont plus lents et c'est plus mélodique donc "Riff kiff", c'était pour les gens de la première heure.
Qu'est-ce qui se vend le mieux chez toi, CD ou numérique ?
Il y a tellement de plateformes dans la distribution numérique que ça prend pas mal de temps avant de savoir ce que tu as vendu. Je ne sais pas trop, peut-être le CD. Concernant les ventes de skeuds, il doit y avoir un équilibre entre les magasins et les concerts. Dans les magasins, ça dégage vite des bacs aussi.
Tu viens de Toulouse comme Sidilarsen avec qui tu joues ce soir, une grosse ville d'artistes venant de tous les univers. Est-ce qu'il y a une entraide entre artistes là bas ? Est-ce qu'on peut parler d'un véritable milieu toulousain ?
La super réponse que je vais te donner c'est oui et non. Depuis 10 ans ou peut-être à peine moins, Toulouse est devenu une ville importante au niveau musical. Quand je suis arrivé là bas il y a une vingtaine d'année, tu avais Zebda, Spook & The Guay ou les Fabulous Trobadors, qui ont gardé cette image de groupes festifs du Sud proche de l'Espagne. La ville était clairement estampillée "Tomber la chemise" et ça a desservi les groupes rock, électro ou hip-hop et les représentants des musiques un peu plus dark. C'est con parce qu'à cette époque, il y avait un bon réseau de musiciens à Toulouse. Depuis 5 ans, c'est cool, il y a plein de bons groupes aux styles variés qui se forment que cela soit de la pop, du métal ou autres. En plus, il y a plein de lieux de concerts surtout depuis que la gauche est passée il y a 6 ans. J'ai la sensation qu'il y a eu comme une renaissance de la ville à ce niveau. Il y a une sorte d'émulsion qui s'est produite et qui a décomplexé les groupes par rapport à l'image qu'avait Toulouse avant. Quand tu vois des groupes qui ont émergé et qui tiennent sur la durée comme Punish Yourself, Sidilarsen ou Scarecrow, ouais, je pense que Toulouse fait partie des bonnes scènes musicales françaises.
Pour ce qui est de l'entraide, elle existe mais le problème c'est que les groupes qui font une petite notoriété ou qui tournent pas mal tracent leur propre route et n'ont pas forcément le temps ou les idées pour fédérer. Mais ça commence à venir petit à petit.
Mais ca t'arrive de proposer à des groupes de la ville de faire ta première partie pour les aider ?
Je crois qu'on m'a donné une seule fois l'occasion de pouvoir choisir ma première partie parce qu'en général, c'est l'organisateur de la date qui gère son affiche. Si je découvre un groupe en concert, que je joue ou pas sur cette soirée, et qui déchire, le lendemain je leur envoie un petit message pour les féliciter et garder le contact. Parce qu'il y a des gens qui l'ont fait pour moi, ça m'a fait grandir. C'est pareil pour les potes qui montent des nouveaux projets et qui me font écouter leurs sons parce qu'ils ont besoins de retours, je le fais volontiers.
J'ai lu que la mairie t'avait déprogrammé avec d'autres groupes comme Sidilarsen le jour de la fête de la musique. Elle a l'air de craindre la politique culturelle de la ville, non ?
Toulouse est passé à droite là, ils font des trucs pas mal comme reprendre des idées bien à gauche pour nous la faire à l'envers. Sur le coup de la fête de la musique, c'est un truc hallucinant. En fait, on devait jouer entre autres avec Sidilarsen et El Gato Negro sur la grosse place du Capitole, un super spot avec plusieurs milliers de personnes. C'était une scène intéressante et éclectique, avec des groupes qui marchent bien, d'autres plus anciens mais qui existent encore, bref, une vraie représentation de Toulouse dans un sens large. Je suis à Toulouse depuis 1996 et j'ai traîné mes godasses sur cette place la nuit dans tous les états possibles et inimaginables avec les potes. Pour moi, c'était une espèce de réalisation de voir mon son taper sur ces façades aussi jolies, c'était hyper symbolique. Et puis ça a été annulé, on a été squizzé du jour au lendemain sans être prévenu, un truc de chacal. Dès que la mairie est passée à droite, le mec un peu arriviste et ses équipes ont foutu leur nez dedans. Pour répondre à cela, on a eu cette idée avec Didou des Sidi et ma manageuse de sortir une petite compil gratuite sur Internet des quelques groupes initialement programmés sur cette place. Ca s'est fait totalement à l'arrache en un week-end, j'ai du contacté les groupes dont certains étaient sur la route, pour savoir s'ils étaient OK. Cet évènement a fait naître une cohésion entre les groupes. Par exemple, il y a deux jours, j'étais dans une salle de concert et j'ai croisé un des gars d'El Gato Negro, groupe de salsa, qui nous a félicité pour cette action. Cette compil a la particularité d'avoir un tracklisting qui passe du coq à l'âne au niveau des styles, ça va du dubstep, au métal en passant par le rock n' roll et la musique africaine. Et tu ne peux pas télécharger juste un morceau, c'est tout ou rien.
Au final, il y a eu des concerts sur la place du Capitole ce soir-là, mais c'était plus "populo" comme musique. Cette histoire a créé une sorte de malaise vis à vis des artistes qui ont joué à notre place. Cette compile c'était notre façon de dire "fuck" joliment et poliment.
Il y a des artistes toulousains qui s'en sortent pas mal, je pense à Punish Yourself, Michel Cloup (Diabologum, Experience, Binary Audio Misfists), voire des artistes qui montent comme Al'Tarba ou Ruby My Dear. Y'en aurait-il dont on a pas encore eu vent ici à Paris et qui promettent ?
Ouais, il y a Budapest, c'est un mélange de trip-hop, de rock et de post-rock avec un chanteur et une chanteuse. Je te recommande car c'est super bien fait. Scarecrow mais c'est déjà un peu connu, ça a fait un peu de buzz. Il y en a vraiment pas mal en fait, faut que je fasse une liste par mail.
Ca marche. Notre interview s'achève, je te remercie Cédric.
Merci à toi !
Merci à Cédric Undergang et à Julien & Matthieu Mathpromo
Crédits photos : CL Photographe (hg) & Fabien Rouire (cd)