Ulan Bator - Ulanbaatar Avant de s'aventurer dans les entrailles de Ulaanbaatar, il semble nécessaire de faire deux petites mises au point, plutôt d'ordre technique mais possèdant tout de même leur importance. La première consiste à déterminer le temps employé dans cet article : passé ou présent ? Présent ou passé ? Ce disque n'est qu'une collection de titres d'une dizaine d'année mais Ulan Bator existe toujours. Cruel dilemme. Mais l'écoute de la galette dissipe très vite le (possible) doute : même si Ulan Bator n'évolue plus sous sa forme originelle, Ulaanbaatar vient de voir le jour et la musique qu'il recèle est résolument moderne, n'a pas pris une ride est trace même une poignée de sentiers avant-gardistes.
Deuxièmement, si Ulan Bator fait du post-rock, pourquoi les classer en "Indus" ? Cornélien problème en effet. Aussi surprenant soit il, Ulan Bator possède une approche industrielle de son post-rock ("Apt 18-A") et un goût pour une froideur des ambiances qu'il construit ("Melodicart") sans pour autant plonger dans une martialité aveuglée. C'est cet équilibre entre post-rock teinté d'une certaine magie et de frappantes expérimentations sonores, évoquant aussi bien Einstürzende Neubauten ("Stereotomy", intro de "Automne") ou les Young Gods ("Lumière blanche / Schneestum") qui m'a tout bonnement fait classer le groupe dans notre section "Indus" (au lieu de "Rock"). Passées ces considérations archivistiques, il serait bon de savoir de quoi retourne ce premier assortiment de titres jusque là inédits.
En évoluant dans un fantastique univers post-rock, chose attendue, Ulan Bator n'est pas très loquace. Mais lorsqu'il choisit de libérer des paroles, c'est souvent jouissif ("Transatlantic rendez-vous ") et il lui arrive de le faire en français ("Lumière blanche / Schneestum"). Aussi, dans l'intitulé de ses morceaux, le groupe rend hommage à son studio ("La guillotine"), honore plusieurs langues ("Transatlantic rendez-vous", "Hauptstadt"), joue avec la calligraphie ("r.A.di.O"), comme pour dédramatiser la situation ou faire passer d'autres messages que ceux prodigués par la musique. Le trio prouve de façon intense sa capacité à dépasser son horizon post-rock, à l'aide des interventions bruitistes de "Ulanbaatar" ou "Piano mecanik", dignes de celles d'un autre trio de choc (Shellac / Ricaine / Menfolk) ; avec la religiosité d'un titre comme "Automne" ou en s'arrêtant devant l'énergie du remix de "Embarquement", dont le titre a été changé pour l'occasion en "Végétale". D'autres morceaux attestent que le groupe ne se fixe pas tellement de limites en débusquant un saxophone free-jazz ("Ursula minor"), un "Bleu électrique" désuet au possible, des tentations noise de "Katatonia" ou "D-Press T.V." et en s'offrant l'orientalisé "Tengri" en ultime piste de ce recueil.
Titres remixés, morceaux lives et versions studios se côtoient, et bien que leur chronologie soit totalement détruite par l'ordre dans lequel ils sont servis sur le disque, une incontestable cohérence est palpable tout le long des 68 minutes de Ulanbaatar. En immergeant son post-rock a tendances lunaires dans plusieurs bains, Ulan Bator arrive à constituer un chapitre imposant de la scène post-rock européenne écrit au présent comme au futur.