Si on se sent un peu moins jeune après avoir fêté nos 25 ans, ça fait tout drôle de se dire qu'un groupe qui était déjà très bien établi à nos débuts est encore capable de nous botter le cul. Higher est sorti en 1997, la prestation culte à Nulle Part Ailleurs date de mars de cette année-là, le W-Fenec n'existait donc pas encore que Treponem Pal défrayait autant la chronique que les passions. Les césures ont été nombreuses et après chaque nouvel album, le groupe se regénère autour de Marco. Si Screamers a été composé avec de vieux comparses comme Didier (samples), Polak (guitare, ex-Boost) et JP (écriture), le boss a réussi à ramener Laurent (ex-Hoax) au bercail et à séduire deux petits nouveaux : Bastien (batteur, Mugslug) et Nicolas (basse, Ezechiel Son). Cet amalgame de vieux briscards et de jeunes loups met à disposition 11 titres qui démontrent que l'entité qui me faisait déjà vibrer il y a plus de 25 ans n'a pas pris une ride.
Son léché, groove impeccable, chant identifiable entre mille, riffs acérés, influences toujours assumées, Treponem Pal n'a pas changé ou alors, c'est en mieux tant la production d'aujourd'hui permet plus de finesse dans les effets ou appuie certains passages sans saturer les pistes. Parmi les inébranlables racines, le dub tient une place particulière, ici, il trône (à Babylon ?) en tête de tracklist avec le pesant "The fall", d'autres morceaux sont assez aériens ("Too late", "Cosmic riders") voire même légers, si on veut jouer sur les mots et s'opposer au titre annoncé ("Heavy load"). Dans la même idée, "Psychedelic trip" n'est pas spécialement psyché, il est surtout électro et la "Crazy woman" est davantage envoûtante et sensuelle que folle d'après moi... Les sonorités industrielles omniprésentes viennent résonner avec les cadences sur "Machine" (évidemment), un laminoir qui fait le taf sans dégager autant de puissance que "Earthquake" ou les très métalliques "Out of mind" et "Screamers" (idéal en étendard). Quelle que soit la forme qu'elle prend, la musique coule dans leurs veines ("Badass sound system") et cherche à nous atteindre, physiquement comme mentalement.
Immortels tels les démons Oni comme celui représenté sur l'artwork, les Treponem Pal sont aussi difficiles à cerner que ces derniers, pour certains, ils symbolisent la justice, la protection et l'honneur, pour d'autres, ils "incarnent" le malheur. Cette ambivalence est dans l'ADN du tréponème pâle, cette syphilis synonyme de jouissance et de maladie, et cette musique obscure et grave qui donne le sourire.
Publié dans le Mag #55