L'ambient se résume bien souvent à une nappe de synthé étirée jusqu'à l'infinie. La monotonie n'étant brisée que par quelques mélodies évanescentes ou quelques bruitages tentant vainement d'extirper l'auditeur de l'ennui. En la matière, Harmony in ultraviolet fait figure d'exception. Loin de l'immense foule des "musiques tapisserie" laissant le soin à l'imagination de l'auditeur de pallier aux carences de celle de l'artiste, Tim Hecker réussit le tour de force de transporter sans rien exiger d'autre qu'un minimum d'attention. Celle-ci étant inexorablement attirée, toute résistance étant rapidement brisée, il ne reste dès lors plus qu'à s'abandonner totalement. La formule est, comme tout ce qui relève du génie, d'une parfaite simplicité. Une avalanche de nappes de sons blancs triturés parfois jusqu'à saturation - comme si l'on touchait là du doigt une forme d'absolu et qu'une douleur vive venait à nous rappeler les limites qu'impose notre condition - happe la conscience et berce l'âme. Tout n'est ici que folle tentative de flirter avec l'indicible, l'invisible, d'en tracer les contours pour soumettre le résultat à notre incrédulité. En cela, la démarche de Tim Hecker est en bien des points comparable à celle de Sunn O))), tout en produisant un résultat parfaitement opposé. A l'instar des productions de ces derniers il est en effet plus exact de parler d'expérience sonore, exigeant une totale immersion - et donc une écoute à un volume conséquent et l'utilisation d'un matériel approprié -, que de compositions au sens trivial du terme. Outre l'apparition ici et là de quelques bourdonnements de basses abyssaux, l'approche live est également similaire; le personnage s'affublant d'une toge et d'un masque lorsque les circonstances l'amènent à jouer devant un parterre de métalleux. Certainement plus par pudeur et par crainte des réactions de ce public peu habitué à être confronté à un geek immobile derrière son laptop, au charisme de crustacé, que par mysticisme. C'est donc un drone des cathédrales, à l'esthétique proche de la perfection, que livre ici Tim Hecker. L'on retiendra notamment "Chimeras" qui s'élève inéluctablement, aspiré, tourbillonnant en des sphères vertigineuses et le paysage céleste et aveuglant que fait entr'apercevoir "Dungeoneering".
Un album indispensable donc, à user comme d'un doux morphinique soulageant délicieusement les souffrances naissant des divagations maladives de vos pensées, les nuits solitaires et angoissées.
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