Thisquietarmy - Resurgence Avant (soit il y a en fait assez peu de temps...), Eric Q. aka Thisquietarmy sortait des EPs, split et albums "simples", mais brillants - en témoigne l'excellentissime Vessels - à une régularité affolante. Maintenant, il maintient le rythme, sauf qu'il sort des double-albums, enfin un déjà, sobrement baptisé Resurgence. Mais la qualité ne s'en ressent toujours pas. Tout faire tout seul a donc aussi ses bons côtés. Deux disques donc et pas moins de quinze morceaux réunis sur un digipack 2xCD donc (logique) forcément très réussi puisque made in Denovali Records (Aun, Kodiak, The Kilimanjaro Darkjazz Ensemble...). On a la classe ou on l'a pas.

Boucles dronisantes, halo ambient ("Rebirth") enveloppant une matière sonore que l'on pressent aller se lover dans des profondeurs drone-doom-sludge rituelles de "Revival", Resurgence est une symphonie post-moderne en neuf actes durant lesquels Thisquetarmy revisite son oeuvre en lui insufflant une puissance d'impact rarement égalée jusqu'alors. On oublie les textures se rapprochant par le passé de Jesu et on file directement observer ce matériau sonore qu'Eric Q. fait virevolter dans des sphères de métal à tendance industrielle. Un peu comme si Fragment. (tiens un autre one-man band....) avait fusionné le temps d'une poignée de morceaux avec un Godflesh soupesé par une association Kodiak vs Nadja du plus bel effet. Mais à la sauce électronique et très sombre qu'un "Renaissance" laisse éclore dans un clair/obscur au bout duquel on entrevoit les premières lueurs du jour.

Cette nouvelle vie que le canadien laisse évoluer de part elle-même en pleine lumière avec "Birds, ashes & fire", permet à la suite de dérouler la bobine drone saturée d'une oeuvre qui flirte continuellement avec l'ombre et la clarté (le très beau "Whispers in the trees"), pour mieux dépeindre un monde inexorablement déshumanisé au sein duquel, l'Homme est progressivement remplacé par la machine ("Mechanical heart"), son âme, par une conscience digitale ("Whirring brain"). Troublant mais pas non plus glaçant, paradoxalement feutré et massif (mais pas que) selon les moments, ("Summer isolation" / "Gone to the unseen"), Resurgence est de ces albums-fleuve qui transcendent littéralement l'oeuvre de leur auteur. Un travail de longue haleine (qui aurait pris apparemment plusieurs années), mis en relief par le mixage de (Sir) James Plotkin (Isis, Pelican, Khanate...) pour un rendu final complètement bluffant... D'autant plus que le second CD de l'album, composé de six autres plages, concrétise un peu plusla mainmise de Thisquietarmy sur un savoir faire de haute précision (bluffant "A call to arms")

La suite (et fin) de ce double album est littéralement étourdissante : du magistral "Waltz of the Mourners" au mystérieux et romantique "Ballade of a shepherdess", en passant par un "Scattered to the wind" ambient et minimaliste, Thisquietarmy s'affranchit progressivement de l'étiquette drone/ambient/doom "standard" pour s'en aller explorer des territoires soniques un peu différents, sur lesquels on retrouve toutefois sa signature, ce, avant le final "The cold vacancy" qui scelle et magnifie en même temps la destinée de ce double-album en forme de chef-d'oeuvre du genre.