Thisquietarmy - Vessels Il y a six pièces d'un même puzzle émotionnel et chaque d'entre-elles est un fragment d'âme, un morceau de la musique d'un métrage inexistant. La bande son d'une apocalypse silencieuse, une vision post-moderne d'un monde en déliquescence ("The pacific theater"). Un univers à part qui, entre ambient, shoegaze, musique industrielle et drone, dissimule habilement une violence insidieuse, derrière des écrans de fumées et surtout se fait l'apôtre d'une oeuvre séminale à l'intensité sensorielle ébouriffante. Vessels, un disque d'une maîtrise absolue, à la fois inspiré dans ses partis-pris et d'une rigueur implacable dans leur réalisation, la mise en scène de ceux-ci. Eric Quach est Thisquietarmy et Thisquietarmy est Eric Quach. L'homme et sa création. La machine et son concepteur, inextricablement liés ("Lost crusades") quoiqu'il advienne.

Un voile de distorsion, un mur de saturation oppressive qui ampli doucement l'atmosphère, le one-man-band canadien sillonne patiemment les territoires musicaux qui sont les siens, en redéfini les limites, en repousse ses propres frontières, quitte à devoir de temps en temps, exigence extrème oblige, s'imposer une petite respiration ("Shipwrecks")... pour mieux livrer le climax de ce Vessels avec un "The black sea"... fleuve. Dix minutes et quelques d'une épopée bruitiste solitaire, parsemée de textures ambient industrielles évoquant une fusion Jesu [vs] Godflesh et de quelques drones chers à Nadja ; Thisquietarmy s'aventure doucement vers des contrées inexplorées. Sa musique, toujours plus organique et modulée par des petites merveilles de programmations ambient/shoegaze, dévoile des trésors de vibrations passionnelles et de cinégénie affirmée ("The spanish galleon"), des climats empreintes d'une fragilité à fleur de peau et une mélancolie insondable en filigrane. Classe.

Sixième et ultime piste de l'album, "New dawn fades" étale sa froideur clinique pendant que son auteur laisse entrevoir une certaine résignation au travers d'un propos rythmé par un désenchantement fugitif, peu à peu assourdissant. Une ode au pessimisme portée par un sculpteur de sons qui semble chercher à se faire l'écho du monde dans lequel il évolue. Thisquietarmy n'est finalement"que" cela, un observateur froidement lucide, discret mais omniprésent, une ombre qui plane sur l'auditeur et l'enveloppe d'un halo de brume artificielle afin de lui faire appréhender son environnement autrement. Par le prisme d'un projet musical qui construit un véritable labyrinthe d'émotions et qui, entre tension palpable et onirisme élégant, se pose en prise directe avec l'âme pour ne plus jamais s'en détacher.