The Prodigy - The day is my enemy On le sait tous, les gars de The Prodigy ne sont pas des foudres de guerre quand il s'agit d'enchainer les albums. C'est peut-être un mal pour un bien... Quoique, depuis The fat of the land, les gars de Braintree n'ont pas été exempts de tout reproche malgré leur lot de tubes, que ce soit avec Always outnumbered, never outgunned - considéré plutôt comme un album solo de Liam Howlett dans lequel l'âme de The Prodigy s'était quelque peu envolée - ou avec Invaders must die, un album légèrement en dent de scie qui profitait alors, par moment, de la vague "bass music" d'une électro branchouille pour attraper les oreilles d'un "grand" public abonné aux dancefloors. En 2015, après six ans d'attente, The day is my enemy débarque dans les bacs avec un starter répondant au nom de "Nasty", single addictif et hautement corrosif, qui annonçait la couleur : et si The Prodigy nous sortait là son meilleur album depuis le légendaire The fat of the land ?

Le débat est lancé, vainement peut-être, mais toujours est-il qu'à l'écoute de ce sixième album, la puissance du trio reste intacte. Autrefois patron de la hard dance sauce punk, The Prodigy se révèle être un sérieux chef d'orchestre expert en basses fréquences agressives qui liquéfie les tympans, spécialement sur l'introductive "The day is my enemy" avec Martina Topley-Bird en guest. Une entrée en matière qui met de suite les pendules à l'heure pour rappeler que le groupe n'est pas mort à l'heure où l'on parle actuellement de sa séparation. Pourtant, The day is my enemy sonnerait presque comme une sorte de best-of de sa carrière, car il chevauche autant l'électro tapageuse (le titre éponyme donc, mais également "Rok-weiler") que racoleuse (la dispensable "Rhythm bomb" avec Flux Pavillon en invité), tout en faisant un clin d'œil à ses racines (la très 90's "Destroy" et l'orpheline rythmique à la distortion oppressante "Beyond the deathray") ou à sa période big-beat ("Rebel radio", "Get your fight on"). Avec 14 titres, The Prodigy a plus de chance de s'exposer au mauvais goût, et ça ne loupe pas avec des compos telles que "Invicible sun", un espèce de faux hymne qui pose une ambiance lente et barbante, ou la drum & bass monotone de "Roadblox" qui semble se perdre en chemin (alors que la D&B est pourtant mon rayon).

Après une heure d'écoute écoulée, la bande d'Howlett ne nous surprend pas (plus ?) vraiment dans sa volonté de rester sagement sur son territoire artistique, de ne jamais sortir des cordes. L'opinion des gens sur The Prodigy semble se faire à travers des titres ou de vieux LP qui sont de véritables coups de maître certes, mais je comprends également ceux qui reprochent au groupe d'avoir du mal à oublier son passé ou de ne pas se réinventer. C'est sur des petits détails concrets que l'on s'en rend vraiment compte, comme sur "Get your fight on" qui reprend le même sample de cloches de Pepe Deluxe déjà présent sur "Take me to the hospital" d'Invaders must die, au même titre que "Colours" utilisait le rythme de "Memphis bells", un morceau qu'on retrouvait sur Always outnumbered, never outgunned. Et ce ne sont là que des exemples... Au final, de ce disque, on retiendra sa production écrasante, sa force rythmique, ses mélodies sauvages et sa conception menée davantage comme un groupe de rock (confirmé sur scène) qu'un simple truc de MAOiste sans chanteur. On leur excusera tout le reste - même cet artwork pas inspiré du tout - parce que c'est The Prodigy, quand même.