Les infos au sujet de Tensuo ne croulent pas. On sait juste que le groupe est un quatuor basé à Besançon et aime citer Archive, Letfield ou Death In Vegas comme faisant partie de ses influences. Un goût prononcé pour la confrontation de productions digitales à des sonorités organiques qui ont amené le groupe à sortir une première démo lorsque le groupe balbutiait encore puis Belzebuth, son premier album en mai 2007 suivi de Megumi sound en 2009. En 2011, Tensuo sort un troisième album intitulé Petites musiques d'intérieur avec un tout nouveau batteur.
Tensuo
Biographie > 10 suo ?
Tensuo / Chronique EP > Petites musiques d'intérieur
Notre ex-chroniqueur Remii parti chercher son bonheur dans la blogosphère (chez "Stig And Joe" pour ne pas le citer), la tâche me revient de poursuivre son travail commencé sur un groupe Bisontin à savoir Tensuo. C'est avec l'arrivée d'un nouveau batteur que le trio a enregistré et sorti en mars un nouvel EP composé de cinq titres et de deux remixes. Petites musiques d'intérieur, c'est son nom, sonne donc comme un nouvel élan pour cette formation revendiquant une identité sonore à la croisée de trois genres que sont le rock, la pop et l'électro. Difficile de se frayer un chemin sur la route de l'originalité lorsqu'on choisit les éléments les plus joués sur la planète "musiques actuelles". Mais Tensuo a le mérite de brouiller les pistes en imposant son style à la fois doté de simplicité et de complexité entre chansons plus ou moins évidentes et véritables brûlots hypnotisant. Et pourtant, le début de l'EP est, pour le moins, dur à digérer. Le chant maniéré de "Be careful" fait grincer quelques dents malgré une construction instrumentale intéressante bien que trop lisse à mon goût. Même rengaine pour "Ultradrive" qui n'a que sont refrain aérien pour sauver la mise. Trop d'approximations vite rattrapées par ce qui va suivre. Et nous ne sommes pas à l'abri d'un déluge de décibels, bien au contraire. "Enterprise" envoie son beat 100% électro démoniaque dans nos écoutilles à la manière d'un Shrink Orchestra ou de Casper Whirlin, deux formations proches géographiquement du groupe. "Dry an arpeggiator" quant à elle nous noie dans un torrent d'accords de guitares et nous oppresse par une programmation électronique sophistiquée. Le disque est lancé, ca va crescendo et on en redemande. Et la, bim, "Indian summer" nous prend par surprise en dévoilant une atmosphère posée rendue possible par une rythmique solide, des bidouillages et une progression limite post-rock ultra jouissive. Tensuo aime varier les genres et brutaliser son audience par des changements inopportuns, peut-être un peu trop, ce qui demande par conséquent une assimilation totale de ses morceaux pour les apprécier à sa juste valeur. Pour terminer cet EP, le groupe offre deux remixes. N'étant moi-même pas trop fan de ce genre d'exercice, je dois avouer qu'ils sont loin d'être dégueu à l'image de celui de Feetwan visiblement influencé par la vague big beat ou par les derniers High Tone. En somme, ces Petites musiques d'intérieur sont loin d'être du easy-listening ou du lounge mais sont néanmoins propices à l'évasion sensitive du moment que le chant se tienne loin, très loin.
Tensuo / Chronique LP > Megumi sound
Ce n'est pas franchement sous un jour nouveau que réapparaît Tensuo. Mais qui dit nouvel album, dit renouvellement... Et avec Megumi sound (calligraphié "megumi souNd"), les bisontins ont plutôt réussi leur coup.
Moins cinématographique que son prédécesseur, même si "La chute" aurait pu faire partie de Belzebuth ou que "Le feu marche avec moi" détient sa dose de dramaturgie, ce nouvel album est doté d'une couleur plus douce, les grosses guitares ayant été mises entre parenthèses, sans toutefois être totalement oubliées ("Sharon Tate"). Globalement Tensuo conserve son sens aigu de l'esthétique (ambiances travaillées, séquences minutieuses, samples et textes accrocheurs...) et une certaine exigence envers lui-même tout en s'octroyant une plus grande variété d'écriture. Une diversité de propos qui approche le combo de la filiation "électro-dub-indus" de la famille Jarring Effects ("Click to start"), de Mandrac ou des parties planantes de Nenuko, Tensuo poussant davantage le curseur vers un univers "électro" que "rock", sans perdre sa pugnacité ni son originalité. Et lorsque la fusion opère entre les deux tendances, on ne peut que parler de mariage heureux ("Fuzz on", "Cygnus" et ses penchants pop) ! En fin d'album, les bisontins complètent leur panel à l'aide d'inspirations dub (par les lignes de basse), judicieusement amenées au sein de leur fusion trip-indus aérienne.
En ayant opté pour une ligne de conduite assagie, Tensuo n'en a pas perdu son mordant et c'est un réel plaisir de goûter à son ingénieux amalgame, présenté sous de nouvelles facettes...
Tensuo / Chronique LP > Belzebuth
Plus d'une demi-heure durant, choeurs vaporeux et séquences volatiles (l'intro de "Peplum") cohabitent avec scansion purement hip-hop et riffs foudroyants, loops hypnotiques trouvent des accointances avec un clavier lyrique ou une guitare cristalline. Les modes d'expression des instruments de Tensuo se partagent entre pop, trip-hop, hardcore et métal, tandis que le chant campe plus franchement entre rap et ragga, même si il s'offre de belles parties chantées ("Friable"). Et là, un petit déclic devrait se produire : "Besançon" + "loop" + "ragga" + "métal" = Monsieur Z bien sûr ! Dès les premières écoutes de Belzebuth, le parallèle entre les deux formations ne peut-être évité mais Tensuo semble avoir conservé (et développé ?) une envie de croiser les genres tandis que Monsieur Z (et sa prochaine Propagande de l'hybride) est retourné sur des chemins plus conventionnels, plus "rock". On trouvera aussi certaines similitudes avec les feu-Goah Sativa (Bisontins eux aussi), les débuts de Ez3kiel ou le dynamisme de Backstab. Mis à part cette petite histoire d'affinités sautant rapidement aux oreilles (même les plus grands se sont inspirés de leurs aînés, me direz-vous) venant entacher l'esthétique trichromie blanche/rouge/noire (répandue de la pochette au website) de Tensuo, et quelques riffs plus choisis pour leur efficacité que pour leur originalité, le combo s'en sort plutôt bien. Et ce, grâce à deux arguments de poids. Tout d'abord, une production très propre, traitant avec autant de tact les moments en suspens ("David Lynch", "Irréversible") que ceux torturés par les décibels (final de la plupart des titres comme "Impitoyable" ou "Reset button"), ainsi que des textes contemplant et écorchant la vie urbaine moderne asservis à de jolis jeux de mots et une pléthore de tournures du plus bel effet ("Belzebuth", "Une époque formidable" accompagné de sa saisissante montée en puissance).
Aux confluences de la littérature (des textes taillés dans une même veine pouvant être tirés d'un unique recueil), du cinéma (le visuel, les titres des chansons, les références cinématographiques dans les paroles) et donc de la musique (puisque c'est l'activité première du groupe), Tensuo se fait très agréablement remarquer avec Belzebuth, un disque trans-genre, à la croisée de différents univers (musicaux ou non).