Pas loin de 10 ans après le double CD There is no reason to believe that music exists !, on n'aurait pas misé beaucoup sur le retour de Tempsion sur ces pages. C'était mal connaître Frédéric Temps, l'homme derrière ce projet malfaisant, et accessoirement fondateur de l'excellent L'Étrange Festival, il a visiblement pris son... temps ! Cette entité musicale nous a laissé le souvenir d'une œuvre extrêmement mouvementée et transgenre, le type d'art qu'on ne conseille pas à tout le monde. The golden program-mm, même s'il est différent, n'est pas en reste. Ce troisième album a été enregistré avec des protagonistes de la scène électronique expérimentale et jazz tels que les vocalistes Black Sifichi, qu'on ne présente plus (Elastik, Ez3kiel, Rodolphe Burger), et Sayoko Papillon (Dosage, Winter Mass, Jac Berrocal), mais également avec Erwan Le Guen, violoncelliste de son état. Les programmations ont été assurées par Charley James tandis que la production a été confiée à Denis Lefdup, soit en grande partie, la même équipe que l'album précédent. Tempsion est une famille, et quoi de mieux pour ne pas altérer l'essence de ce projet collectif sérieux et digne d'intérêt.
Dès les premières écoutes intégrales, on se rend assez vite compte que The golden program-mm se veut plus accessible que ses prédécesseurs et fait le yoyo entre plages électroniques très rythmées et influencées par le big beat/breakbeat des années 90 (on pense bien évidemment à Prodigy mais aussi, dans une moindre mesure, à la ligne artistique opérée par Bowie avec 1. Outside), et des moments plus calmes mais non moins tourmentés, crédités par des morceaux hors du temps ("Ethel's corner" ou sur "W.I.S", hommage à Delia Derbyshire, fondatrice de la musique électronique concrète anglaise) qui servent d'équilibre et de respirations. Ici, les mélodies orchestrées se mêlent au vacarme martial et soigné, mais également à une savante fusion électroacoustique qui peut agir avec facilité sur notre psychisme. The golden program-mm - dont le titre est un clin d'œil à Aldous Huxley et son ouvrage "Les portes de la perception", ou comment notre perception de l'avenir est totalement fausse et révèle une certaine ignorance - peut accentuer cet effet par les types de chants qu'il propose (voix d'outre-tombe, cartoonesque ou échantillons perturbants) pour démontrer par des détails sa singularité. Une patte artistique assez unique pour une œuvre folle mâtinée de grooves et de bizarreries, prenez donc soin d'attacher vos ceintures avant d'écouter cette galette.
Publié dans le Mag #41