Talvihorros

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Entité solo emmenée par l'anglais Ben Chatwin, composeur/arrangeur et multi-instrumentiste londonien, véritable artisan sonore qui fait tout lui-même dans un registre ambient/drone expérimental, organique et orchestral. Très remarqué dans les sphères spécialisées dès ses débuts, le jeune britannique partage rapidement la scène en prestigieuse compagnie (Barn Owl, Tim Hecker) et, one-man-band oblige, livre dans le même temps son premier essai discographique (Some ambulance en 2009 avant de rejoindre les rangs du très indépendant label Hibernate Recordings chez qui il sortira Music in four movements en 2010 puis Descend into delta un an plus tard).
En 2012, Ben Chatwin sort un petit 3'' via TQA Records (le label de Thisquietarmy) puis un split CD avec Damian Valles (Monuments and ruins), avant de signer avec Denovali Records qui s'occupe de rééditer ses premiers efforts en vinyl avant de publier un 10'' (Let us be thankful we have commerce) et un nouvel album aux premières lueurs de 2013 : And it was so.

Talvihorros / Chronique LP > Eaten alive

Talvihorros - Eaten alive Un an et demi après le stupéfiant And it was so, Talvihorros présente sa deuxième lecture du Big Bang sonore avec un Eaten alive qui porte à merveille son titre. Métaphoriquement parlant, car délivrant ici huit pièces d'une densité folle que l'on ne retrouve pas si souvent parmi les compositeurs/musiciens actuels... ceux-là même qui succombent invariablement souvent aux sirènes du mainstream. Sauf du côté de la galaxie Denovali, ce label que l'on ne présente plus et qui fait office de défricheurs de nouveaux horizons musicaux depuis maintenant une petite dizaine d'années, pour, sortie après sortie, bâtir une discographie d'une richesse étourdissante.

Un palmarès rare à l'heure de l'uniformisation généralisé, de la recherche d'une certaine facilité ou de l'innovation outrancière vide de sens (à savoir : chercher à être original sans pour autant en avoir les capacités/idées/maîtrise) et un roster que Talvihorros sublime avec ses créations qui servent sa propre vision du monde musical : unique, tourmenté, sans concession... Mais d'une beauté aussi subtile qu'éclatante ("Little pieces of discarded life", "Four walls"). Etrange aussi, à l'image de ses bricolages sonores que l'Anglais parsème en solo tout au long d'un album naviguant à vue entre ambient, trip-hop, electronica et drone pour assembler divers éléments épars dans des constructions sonores dont lui seul à le secret. Lui c'est toujours Ben Chatwin qui, dans le "confort" de son studio londonien, créé, fabrique, déconstruit, recompose, cisèle à l'envie et en solitaire des morceaux qui forment un ensemble, un tout à l'unicité parfois elliptique, d'autre fois plus évidente. Mais toujours d'une intelligence créative rare ("In the belly of the beast", "Objectum").

Le jeu des contrastes entre basses lourdes et textures scintillant légèrement dans la stratosphère, la poésie lunaire qui habite les passages les plus intimistes de sa musique, Talvihorros conceptualise son œuvre avant de l'interpréter. Et son exécution formelle se révèle être d'une précision diabolique ("Dyspnea" ou "Becoming mechanical") si bien que lorsque l'on est aux prises avec un titre un peu en deçà du reste d'Eaten alive ("The secrets of the sky"), on reste un peu sur notre faim. Un appétit féroce pour l'exploration sonore que Ben Chatwin nourri du reste en jouant avec le minimalisme de "Today I am reborn" pour mieux en pervertir les effets. Et les sublimer de la même manière, toute en intensité, jeu d'ombres et autres faux-semblants habilement mis en travers de la route de son auditoire. Pour mieux le ramener vers l'essence de ce projet qu'est Talvihorros, lequel ne saurait être autrement que multi-facette, polymorphique et de fait irrémédiablement fascinant.

Talvihorros / Chronique LP > And it was so

Talvihorros - And it was so One-man-band ambient/expérimental, Talvihorros est le projet d'un jeune Anglais, Ben Chatwin, hébergé, après plusieurs productions sorties par le biais de diverses structures indé, chez le prolifique label Denovali. Maison de disques allemande à qui l'on doit quantité de perles rares découvertes dans ces pages. Et quasiment jamais de déception. Pas de souci ici, ce n'est pas avec ce nouveau locataire que les propriétaires des lieux vont faire exception à cette règle désormais quasi immuable. Et pour cause, And it was so, qui navigue dans des courants musicaux pas si éloignés que ça d'un The Eye of Time tout aussi solitaire (et également chez Denovali Records tiens donc) est un album créationniste (on s'explique plus loin) pour lequel Ben Chatwin, à la fois architecte et charpentier du projet, met tout son savoir faire comme son inspiration conceptuelle au service d'un album riche d'une noirceur palpable, mais également d'une luminosité féconde, afin de parvenir à l'éclosion des sens.

Sept pièces pour sept moments partant du chaos pour évoquer en filigrane la naissance de l'univers, tout du moins d'un point de vue thématique. Projet ambitieux s'il en est, qui ne veut pas forcément dire grand-chose lorsqu'il est mis en musique, sauf qu'ici, Chatwin parvient à faire passer son histoire dans une musique pourtant exclusivement instrumentale. Que l'on se rassure, nul besoin d'être féru de cosmologie pour comprendre les tenants et aboutissants de l'album, Talvihorros navigue à vue dans l'imaginaire onirique et n'a absolument pas la prétention de faire des leçons de métaphysique. Seulement de développer sa trame narrative depuis un "Let there be light" fondateur, jusqu'à "A mist went up", éthéré, planant et comme perdu dans une douce rêverie inconsciente. Entre les deux, des créations expérimentales aux profondeurs de champ inattendues ("In the mist of the waters"), des paysages sonores éblouissants ("The two great lights", "Swarms of living souls") et une capacité rare à faire naître des émotions saisissantes là où on ne les attend pas.

Une abrasion émotionnelle permanente, des éléments harmoniques qui s'entrechoquent en douceur pour former un agglomérat sonore aux milles nuances et dégradés de couleurs, Chatwin maîtrise son sujet. Et surtout, peint des panoramas évanescents, lesquels enveloppent l'auditeur sans prévenir, le plaçant dans un cocon sensoriel au cœur du quel Talvihorros fait office de démiurge. En jouant de ses effets, de ses petits bricolages et collages bruitistes toujours parfaitement enchâssés sur le reste, le jeune Anglais fait des merveilles et surtout emmène l'auditeur dans son sillage. Sans que celui-ci ne s'en rende réellement compte ("Creeping things"). Afin de l'hypnotiser et lui faire délicatement mais sûrement arpenter des territoires exigeants, paradoxalement exploré sans effort d'investissement particulier. Car si And it was so est un album plutôt complexe, il n'est pas pour autant difficile à appréhender, s'il est d'une profondeur inouïe, on peut demeurer sur sa surface et pourtant en apprécier les qualités. Ou s'immerger complètement et accepter ce voyage musical sans nécessaire retour et s'imprégner de ses richesses insoupçonnées.