Talvihorros - And it was so One-man-band ambient/expérimental, Talvihorros est le projet d'un jeune Anglais, Ben Chatwin, hébergé, après plusieurs productions sorties par le biais de diverses structures indé, chez le prolifique label Denovali. Maison de disques allemande à qui l'on doit quantité de perles rares découvertes dans ces pages. Et quasiment jamais de déception. Pas de souci ici, ce n'est pas avec ce nouveau locataire que les propriétaires des lieux vont faire exception à cette règle désormais quasi immuable. Et pour cause, And it was so, qui navigue dans des courants musicaux pas si éloignés que ça d'un The Eye of Time tout aussi solitaire (et également chez Denovali Records tiens donc) est un album créationniste (on s'explique plus loin) pour lequel Ben Chatwin, à la fois architecte et charpentier du projet, met tout son savoir faire comme son inspiration conceptuelle au service d'un album riche d'une noirceur palpable, mais également d'une luminosité féconde, afin de parvenir à l'éclosion des sens.

Sept pièces pour sept moments partant du chaos pour évoquer en filigrane la naissance de l'univers, tout du moins d'un point de vue thématique. Projet ambitieux s'il en est, qui ne veut pas forcément dire grand-chose lorsqu'il est mis en musique, sauf qu'ici, Chatwin parvient à faire passer son histoire dans une musique pourtant exclusivement instrumentale. Que l'on se rassure, nul besoin d'être féru de cosmologie pour comprendre les tenants et aboutissants de l'album, Talvihorros navigue à vue dans l'imaginaire onirique et n'a absolument pas la prétention de faire des leçons de métaphysique. Seulement de développer sa trame narrative depuis un "Let there be light" fondateur, jusqu'à "A mist went up", éthéré, planant et comme perdu dans une douce rêverie inconsciente. Entre les deux, des créations expérimentales aux profondeurs de champ inattendues ("In the mist of the waters"), des paysages sonores éblouissants ("The two great lights", "Swarms of living souls") et une capacité rare à faire naître des émotions saisissantes là où on ne les attend pas.

Une abrasion émotionnelle permanente, des éléments harmoniques qui s'entrechoquent en douceur pour former un agglomérat sonore aux milles nuances et dégradés de couleurs, Chatwin maîtrise son sujet. Et surtout, peint des panoramas évanescents, lesquels enveloppent l'auditeur sans prévenir, le plaçant dans un cocon sensoriel au cœur du quel Talvihorros fait office de démiurge. En jouant de ses effets, de ses petits bricolages et collages bruitistes toujours parfaitement enchâssés sur le reste, le jeune Anglais fait des merveilles et surtout emmène l'auditeur dans son sillage. Sans que celui-ci ne s'en rende réellement compte ("Creeping things"). Afin de l'hypnotiser et lui faire délicatement mais sûrement arpenter des territoires exigeants, paradoxalement exploré sans effort d'investissement particulier. Car si And it was so est un album plutôt complexe, il n'est pas pour autant difficile à appréhender, s'il est d'une profondeur inouïe, on peut demeurer sur sa surface et pourtant en apprécier les qualités. Ou s'immerger complètement et accepter ce voyage musical sans nécessaire retour et s'imprégner de ses richesses insoupçonnées.