Subheim - No land called home A l'image de son artwork et de son titre évocateur, No land called home, sorti chez l'exigeant label allemand Ad Noiseam (Scorn, Semiomime, The Kilimanjaro Darkjazz Ensemble...), est un album qui a l'horizon en point de mire, un disque qui derrière sa froideur visuelle, envoûte par la chaleur de ses compositions. Quelque part sur un fil invisible, entre ambient neuroleptique et trip-hop immersif, electronica tribale et fulgurances dark-jazz, porté par la voix de sa discrète mais enivrante de sa vocaliste, il est la bande-son d'un film imaginaire, le score d'un métrage à la narration linéaire certes mais au double sens de lecture. Subheim cherche à immerger l'auditeur dans une mer de songes, à exacerber ses sens jusqu'à le laisser se perdre dans le dédale de son album aux onze pièces ne formant qu'un tout, indivisible et bercé par une émotion, aussi palpable que ténue. Classe.

On pense parfois à Lisa Gerrard pour la voix féminine, qui sait pourtant s'effacer selon les morceaux pour laisser plus largement les arrangements s'exprimer. Derrière eux se cache en réalité Kostas K, un compositeur, vidéaste et designer graphique grec résidant à Londres, notamment connu au sein des milieux autorisés pour avoir été le co-fondateur du regretté label Spectraliquid, notamment découvreur de Blackfilm, accessoirement l'un des coups de coeur récents de votre serviteur. Un musicien capable donc d'emmener l'auditeur explorer les paysages immaculés du sublime et inaugural "Dusk", de le laisser s'abandonner dans le halo sonique de "Streets" avant que "When time relieves" ne vienne le ramener au monde réel tout en imposant son intensité dramatique, entre incantations obsédantes et atmosphères désolées. Il y a alors chez ce Subheim-là un vrai sens de la mise en scène musicale, une manière toute particulière de dérouler la trame de son album, qui le rend d'autant plus fascinant.

Car de la première seconde au dernier soupir, No land called home se révèle comme étant un album éminemment organique, dans les moments de tension maîtrisée ("December") comme ceux de respiration évanescente ("Between fear and love"). Moderne de part ses constructions, ses mises en abymes et sa production, et d'une maîtrise absolue de la part de son auteur. Chaque "plan" semble avoir été placé pour une raison particulière, chaque séquence découpée selon un timing précis. Et Kostas K de s'imposer autant comme le chef d'un orchestre invisible, le metteur en scène d'un film fantasmé au moment où l'album défile devant nous ("Conspiracies" et ses bricolages sonores, "The cold hearted sea" qui semble s'étendre à l'infini pour nous faire sombre dans une douce torpeur hypnotique). No land called home est de ces oeuvres qui se suffisent complètement à elles-mêmes et qui se soumettent à une interprétation nouvelle à chaque écoute ("Dunes", "At the edge of the world"). Ou tout du moins à de nombreuses variantes. A l'image de ce qu'est Subheim sur cet album, ni blanc, ni noir : tout en dégradé de gris et nuances raffinées, pour drapper au final son auditeur dans des atmosphères délicatement cotonneuses et lui faire vivre une très belle expérience sensorielle. Classe.