Stupeflip, c'est pile ou face, si tu les empiles, ça te fracasse. Mais bon, le groupe a sorti son cinquième album le 16 septembre 2022 : Stup Forever. Impossible de ne pas tendre une oreille sur les nouveautés de ce hip-hop loufoque. "Stup Forever", c'est une intro d'une quarantaine de secondes. C'est aussi un rappel pour ceux qui viendraient chercher un nouveau délire : « Le Stupeflip Crou ne mourra jamais ». On pourra donc s'amuser à trouver les résonances antérieures et nous aurons certainement le plaisir de retrouver quelques personnages de l'univers du Stup (Sandrine Cacheton, Pop-Hip). "Dans ton baladeur (DTB)" commence cash. Comme à son habitude, le groupe propose une surface qui cultive le mauvais goût de la musique des années 80. On bourre les mélodies de synthé, de boites à rythmes et autres artifices. Martelant un refrain obsédant, le flow percutant nous force à entendre le fond de l'affaire. Les couplets abordent tour à tour des sujets comme la domination, l'addiction aux écrans, le machisme, les sectes, etc... Le truc passe à mach 12 et si tu t'arrêtes pas pour écouter, tu vois pas le sens. T'as juste mal au crâne. "Cosmos 1999" en vingt secondes cultive l'ère du Stup, avant que l'on poursuive très vite sur "Étranges phénomènes". La vitesse s'accélère et un torrent de mots se déverse anarchiquement.
La suite se fait sur un thème récurrent de Stupeflip : le shit. Dès 2003, nous pouvions entendre sur le premier album, "Je fume pu d'shit", suivi directement par "J'refume du shit". Cette fois le Crou revient avec un superbe "Tellement bon". Le refrain expose nettement le paradoxe du consommateur : « Faudrait qu'j'arrête de fumer des oints-j, putain, mais c'est tellement bon », tandis que les couplets prennent le relais sur l'état de la personne en manque : « J'le trouve pas, je fais des dégâts, comme un rat d'égout, je fouille partout ». L'ensemble de la composition en fait certainement un des titres phares de l'album, à ne pas manquer. "L'truc Xplosiff" groove grave. Un très bel enchaînement entre les deux titres. Empêcheur de tourner en rond, le groupe fait la suite avec "Les gens qui s'énervent" qui détonne avec un pop reggae un peu chelou mais drôle à souhait. Nouveau coup de cœur un peu plus loin avec "Les voûtes". Ce titre pose un univers nostalgique et les paroles s'amorcent avec « les souvenirs s'envolent et ça taille une de ces gueules », où la référence à Léo Ferré est à peine déguisée. Dans la tristesse se dessine toujours un trait d'humour : « Les cœurs s'flétrissent et, ça, j'te jure que ça rend le Ju', triste comme la disparition des Smarties ». Le titre pousse au constat, la vie passe, est absurde et elle passe vite. Nous sommes plus fragile que nos objets, nos bibelots. "Pop Hip, le mort vivant" vient ressusciter ce personnage historique et ça fait toujours plaisir d'entendre qu'il aimerait « être dans le top 50 ». Une référence que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Coté featuring, on aura Cadillac à l'approche de la fin de l'album sur "The Platform" avec MC Salo qui, en plus de ce morceau, viendra sur "Régions fédérées" nous rapporter entre autres une histoire de Rambo à dormir debout. On finira par un brin de disco-électro.
Dans Stup Forever, Stupeflip livre un classique de son univers. Un album qui part musicalement dans tous les sens. Pourtant, l'ensemble se tient bien. On retrouve avec plaisir le paysage du Crou : le shit, Pop-Hip, la religion du Stup. King Ju et ses acolytes nous offrent encore un grand moment de trips. Pour écouter ça, faut se mettre dans le bon sens. Mais si tu passes à côté toute ta vie, une chose est sûre : tu perds une chance de connaître un artiste, un vrai.
Publié dans le Mag #53