sole_sole_and_the_skyrider_band.jpg S'il y a bien un style musical qui, dans le meilleur des cas, a le don de me laisser de marbre : c'est bien le hip-hop. C'est assez rare mais je profite donc de cette occasion écrire les quelques mots composant la chronique de Sole à la première personne. Pourquoi ? Sans doute parce que ce disque me permet de faire un début d'autocritique musicale pas forcément malvenue. Car si de manière générale je n'aime pas ce style musical, c'est plus à cause de ma méconnaissance du genre et à mon rejet viscéral des productions putassières (gangsta-rap... et autres productions "bling-bling" désespérantes de médiocrité crasse) qu'il a engendré, plutôt qu'à un véritable désamour pour ce style musical. En soit, le W-Fenec n'est pas un webzine hip-hop, mais force est de constater que si un Timbaland n'a par exemple sans doute pas sa place ici aux côtés d'un Ministry ou Amon Tobin, des artistes tels El-P, Dälek ou Sole l'ont plus sûrement. Car dans ses expérimentations organiques, entre flow volubile et atmosphères soignées, Sole and the Skyrider Band est un disque aux mouvances musicales sans cesse changeantes. Une oeuvre racée, personnelle, suffisamment complexe pour que je m'y plonge sans appréhension et avec un plaisir certain, mais également assez accessible pour que je ne m'y perde pas dès le second morceaux. Dans les méandres de l'âme torturée de Tim Holland, on perçoit l'envie chez son auteur de produire une musique à l'improvisation présente, imprévisible mais mesurée et une cohérence affirmée avant de donner plus de force, d'impact à son propos.
Ici, force est de constater que l'abstract hip-hop de Sole et de son backing band est mis en valeur par des instru inventifs et une écriture sans fioritures. Sole and the Skyrider Band est à ce titre un album qui va à l'essentiel. Pas un disque dépourvu de détails, mais une oeuvre authentique et qui refuse de céder à un mercantilisme forcené et aseptisé contrairement à bon nombre de ses contemporains. Des guitares noisy ("A sad day for investors"), des ambiances tantôt planantes et feutrées, tantôt plus terre-à-terre et urgentes ("The shipwreckers"), des beats éléctro qui claquent, des instruments à cordes qui enveloppent l'ensemble avec une classe folle ("Ghosts, assassinating other ghosts") ; et des textes jamais surfaits qui évitent soigneusement la frime ou la haine pour se révéler étincelant de lucidité ("The bridge let us down")... Les compos de Sole ne s'adressent pas qu'aux inconditionnels de hip-hop indé, mais aux amateurs de musique au sens large du terme, quelque soit le genre, pourvu que la qualité et l'ouverture d'esprit soient au rendez-vous. Je n'ai parlé ici que des six premiers titres de l'album, mais j'aurais tout aussi bien pu écrire quelques mots sur des morceaux comme "Magnum" et son cocktail éléctrisant de hip-hop ravageur noué dans un assemblage de cordes entêtantes. J'aurais également pu parler de ce "The bones of my pets" désespéré et laconique, voire du plus optimiste "In paradise", mais quoiqu'il en soit, je n'aurais fait qu'effleurer la surface d'un album extraordinairement riche et varié. Un opus aussi insaisissable qu'intelligemment ciselé. A découvrir...