Des concours de recettes de cake aux olives, des apéro zoom à trinquer avec ses potes quichés dans un écran, des tendances à ouvrir une mousse dès qu'on croise le frigo, des exercices pour perdre le bide plein de cake aux olives et de bière. Bref, les confinements, les couvre-feux, ces instants de sédentarisation forcée vs Covid n'ont pas toujours été sources d'échanges et de création pour l'individu bloqué dans sa bicoque. Mais ce n'est pas le cas pour tout le monde. Et quand Senbeï, le beatmaker le plus japanophile de l'hexagone lâche un post sur facebook pour lancer un projet collaboratif avec ses fans, en leur demandant de leur envoyer des samples, des sons, des interprétations, des dialogues de films, le résultat dépasse ses attentes. Ce sont autour de 500 personnes qui viennent nourrir le projet, de tout et parfois n'importe quoi. D'un bruit de quelques secondes à des projets d'une heure, des interprétations instrumentales persos (ukulélé, violoncelle, piano, et j'en passe), des extraits de films, notamment d'animation. La Tōitsu Army est en marche, à l'unisson vers un même projet, la genèse d'un album, Tōitsu, unification en japonais. Même la pochette de cet album est le fruit d'une collaboration avec un membre de la Tōitsu Army, Adrien Waterlot, qui représente bien le concept de création de l'album, l'agglomération de propositions individuelles dirigées vers et par le dernier Empereur du son, Senbeï.
13 tracks finalisés en un temps record, avec le Maître de Cérémonie chargé d'écouter, trier, remixer, retravailler les propositions de ses petits soldats. Étrangement, le premier titre n'est qu'un morceau de piano, brut, mélodique, comme pour introduire la genèse du projet : c'est au départ un beatmaker seul et confiné dans son local. Puis un gros blast arrive, comme un coup de mâchoire de Godzilla, et les 12 titres suivants sont florilèges de samples, de mix, d'effets, de gros beats qui claquent et de nappes de sons qui réchauffent. Et même si c'est un travail collaboratif, le chef d'orchestre Senbeï reprend les codes déjà entrevus dans Ningyo et ses précédentes productions : grosses influences japonaises dans les mélodies, à l'instar des compositeurs comme Nobuo Uematsu (Final Fantasy) ou Joe Hisaishi (Studio Ghibli), avec des mix d'instruments traditionnels japonais, section rythmique de malade, sons estampillés Senbeï production. Quelques Rōnins viennent poser leur flow dynamique (et sans autotune, merci !) en anglais ou en français sur plusieurs titres (Youthstar, Illaman, Yoshi Di Orginal,...), même si une majorité de l'album est instrumentale. Parmi les lignes conductrices de certains titres, on peut retrouver "Nantes" de Américains de Beirut, ou le "Japanese farewell song" de Kay Cee Jones, et j'invite les auditeurs à trouver toutes les nombreuses inspirations réunies dans cet album. Au final, félicitations à Senbeï et la Tōitsu Army pour cette superbe œuvre collégiale, dirigée de main de maître par un compositeur philanthrope.
Publié dans le Mag #46