Il va falloir s'y faire : il y a bien des pays où la culture musicale est toute autre que dans l'hexagone et où, assez incroyablement pour nous français, elle peut également être à la fois expérimentale et rencontrer un succès suffisant pour permettre aux structures de subsister dans le temps. Le parfait exemple de cet état de faits semble être Ad Noiseam, basé chez le voisin allemand (et comble de l'ironie, drivé par un frenchy) et qui depuis presque une décennie, enchaîne les sorties à un rythme effréné. Près de 140 références à ce jour parmi lesquelles quelques "noms" plus connus que d'autres (Bong-Ra, The Kilimanjaro Darkjazz Ensemble, Scorn...) ou pas vraiment, mais toujours avec la même exigence de qualité en matière de musiques électroniques et industrielles (et leurs innombrables déclinaisons).
Parmi un catalogue plus qu'imposant donc, Semiomime aurait tendance à être rangé dans la seconde catégorie. En réalité plus connue par l'identité de son géniteur, Noel Wessel, aka DJ Hidden ou The Outside Agency, que via ce pseudo, cette entité livre aujourd'hui From memory, un disque de quelques soixante-quinze minutes d'une bande-son de long-métrage imaginaire. Quelque part entre bidouillages soniques, esquisses mélodiques à la trame inspirée, nappes ambient apaisantes ou electronica tourmentée, l'homme qui se cache derrière Semiomime passe de DJ/arrangeur à sculpteur d'ambiances, d'atmosphères aux tonalités changeantes, au grès d'une narration dont il maîtrise seul les arcs scénaristiques. Mais Noel Wessel semble avoir le script dans un coin de la tête, l'inspiration venant compléter le reste, au grès des émotions instillées par les évènements qui parsèment le disque.
Tantôt étrange et elliptique, tantôt plus mélancolique et classieux, From memory est un score peuplé de mystères, de ces moments d'égarement sensoriel que le compositeur/arrangeur se plaît à faire naître en nous, l'air de rien. Narrateur omniscient, il multiplie les fausses-pistes, laisse errer le spectateur/auditeur à travers des séquences invisibles aux textures émotionnelles pourtant bien palpables. La musique sans l'image, là où le cinéma est né muet il y a quelques décennies en arrière, le paradoxe prête à sourire et pourtant Semiomime parvient à composer avec lui mieux que personne...

0 commentaire - Commenter-