Quelques jours après avoir réédité son premier album, le très beau Arrythmical part of hearts, la maison Denovali Records poursuit cette déjà fructueuse collaboration avec le deuxième effort de l'américano-argentin Sebastian Plano, un Impetus qui s'annonce sous les meilleures augures dès lors que résonnent les premières mesures du morceau-titre de ce nouvel opus. Quelque part entre néo-classique élégiaque et jazz discrètement feutré, le piano jongle avec les arrangements à cordes, affronte en duel des petits bricolages épars aussi délicats que finement ciselés et corrompt fatalement même le plus blasé des auditeurs à l'esprit critique particulièrement aiguisé.
En témoigne la délicieuse piste d'ouverture de cet album, dont les arrangements flottent dans l'atmosphère enveloppant à distance une trame mélodique à la beauté envoûtante. Fragiles et serties de mille finesses harmoniques, les orchestrations du compositeur americano-argentin brillent, étincellent et caressent un clavier tutoyant les cieux ("The world we live in", "Blue loving serotonin"), sublimant des trouvailles sonores qui lui permettent de tracer un sillon musical aisément identifiable. Pour le moment tout du moins. Parce que peu à peu, entre petite musique de chambre où les cordes ont l'exclusivité du droit de cité ("In between worlds II"), et véritable pépite renvoyant aux travaux du maître Arvö Part avec un soupçon de Michael Nyman ("Emotions II", "Angels"), Sebastian Plano laisse sa musique gagner de nouveaux territoires.
Plus bucolique qu'à l'accoutumée, toujours empreint d'un classicisme relatif mais également parfois a contrario d'une modernité inattendue, laquelle se retrouve même gagnée par une intensité quasi prégnante qui fait du puissamment évocateur "All given to machinery" un véritable modèle du genre. Entre néo-classique et ambient aux très discrètes touches électroniques, ou moins discrètes ("Inside eyes"), Impetus trouve un second puis troisième souffle afin de se réaliser par lui-même, au fil des écoutes répétées, adaptées par la même occasion aux différents états d'esprit de l'auditeur selon le moment choisi pour s'y plonger (là est sans doute le coup de génie de son auteur). Qui sur les deux morceaux bonus refermant l'album, atteint de nouveaux des sommets d'élégance mélodique, avec "Outside eyes" d'abord, puis "One story of thoughts" ensuite. Ultimes pièces d'orfèvrerie sonore de cet ensemble quasi idéal proposé par Sebastian Plano sur sa deuxième production solitaire. Une réussite qui en appelle déjà d'autres.
Sebastian Plano
Sebastian Plano / Chronique LP > Impetus
Sebastian Plano / Chronique LP > Arrythmical part of hearts
Originaire de San Francisco mais né en Argentine, Sebastian Plano est l'un de ses compositeurs et multi-instrumentistes découvert par l'écurie Denovali Records comme seule la structure basée outre-Rhin en a le secret (cf : Carlos Cipa, Greg Haines, John Lemke...). Laquelle en a profité pour rééditer le tout premier effort solo de l'artiste américain avant de s'occuper du second (Impetus) quelques jours plus tard, quasi dans la même foulée. L'occasion était donc trop belle de parler, même avec quelques temps de retard, du petit bijou à la musicalité intemporelle qu'est donc cet Arrythmical parts of hearts.
Un titre somme toute assez poétique pour une ode à l'écriture musicale, à la composition au travers de son sens premier, jonglant entre les époques, les registres également pour former un ensemble étonnamment homogène. Une logique créative inébranlable qui trouve sa source dans ce mélange des genres que propose Sebastian Plano : entre musique néo-classique, œuvre contemporaine et petites trouvailles flirtant avec les frontières de l'électronique discrètement minimaliste. Et un sens de la métaphore onirique pour le moins particulièrement affuté. A l'image de l'"Homage to a soul" signé de la main (agile) de cet argentin de naissance qui jouit ici de la mondialisation des arts. Une merveille de classicisme inspiré et de maîtrise formelle aussi élégamment feutrée que brillamment ciselée. La suite ne viendra que confirmer le talent peu commun du garçon.
"Living" se permet quelques digressions plutôt osées à défaut d'être parfaitement abouties, mais le caractère continuellement changeant de la musique de Sebastian a pour elle la qualité rare de faire rapidement oublier les petits défauts entraperçus ci et là pour mieux se concentrer sur ses qualités intrinsèques (virevoltant "Running on caffeine"). Un bref "In between worlds" qui joue sur la corde émotionnelle de part quelques arrangements à cordes intenses, à la limite du déchirement. et voici Sebastian Plano renouant avec ce qui fait depuis le début l'essence de cet Arrythmical part of hearts : le maelstrom stylistique d'une œuvre aussi cosmopolite que personnelle ("Emotions, Pt.3") parsemé de quelques instants de grâce pure à la beauté touchante ("Image of sentimentals"). Deux petites merveilles d'élégance mélodiques qui servent de climax à un album conclu par un "Postlude" à l'étrangeté énigmatique. Une sortie de scène exhalant un magnétisme troublant qui vient ici sceller le sort de cet album aussi inattendu que bluffant. (Très) classe.