Sankt Otten - Messias maschine A ce niveau-là, ce n'est plus de la régularité typiquement teutonne mais du stakhanovisme chez les Allemands de Sankt Otten, ce prolifique duo ambient/krautrock électrocinématique amoureux des atmosphères rétro (futuristes ?) et qui vient donc d'enfanter de son cinquième enregistrement en cinq ans. Mais comme s'il avait ressenti un léger besoin de renouvellement, le groupe a invité toute une constellation de musiciens reconnus afin de donner de nouvelles colorations à sa musique. On retrouve ainsi sur Messias maschine : Jaki Liebezeit (Can), Majeure (avec qui Sankt Otten avait sorti un split quelques années plus tôt), Coley Dennis (Maserati), Christoph Clöser (Bohren & der Club of Gore) et Miles Brown (The Night Terrors), pour un résultat qui s'inscrit dans le plus évident lignage de ce qu'avait pu proposer le duo sur ces œuvres passées avec, cette fois-ci, quelque chose en plus.

Un magnétisme particulièrement rémanent qui vient envelopper l'inaugural "Du hast mich süchtig gemacht", une dynamique synthétique rythmant "Die messias maschine" ou encore des textures 80's particulièrement old-school (logique donc) dans lesquelles vient s'abandonner l'auditeur à l'écoute d'un "Mach bitte, dass es leiser wird" hypnotique. L'emploi du thérémine (Miles Brown, invité sur ce morceau est une référence en la matière) donne un souffle inattendu à l'ensemble quand derrière, "Im Himmel angekommen" lumineux et stratosphérique emporte l'auditeur dans les méandres des sphères krautrock 70's/80's si chères aux Sankt Otten. Le duo s'invite à la table de mixage des plus éminents pionniers de la musique progressive allemande et en dépoussière les codes les plus aiguisés afin de les conjuguer avec leur production plus contemporaine ("Da kann selbst Gott nur staunen"). Une greffe qui prend instantanément alors que les auteurs de Messias maschine mêlent à loisir les beats lancinants ("Das grosse Weinen ist vorbei") aux ambiances lunaires et obsédantes dépeignant ainsi des panoramas à la profondeur de champ et à l'onirisme particulièrement cinégénique ("Das Geräusch des Wartens", "Wenn ein Masterplan keiner ist").

Sans doute l'œuvre la plus aboutie des ingénieurs Allemands de Sankt Otten, ce nouvel album est une petite merveille d'architecture sonore à la temporalité incertaine et aux vibrations sensorielles à la fois troublantes et mécaniques ("Nach Dir die Sinnesflut", "Endlich ein schlechter Mensch").