Saffronkeira - A new life Sculpteur de sons, architecte musical et dessinateur d'esquisses mélodiques aux effluves organiques se lovant dans un ambient électronique et industriel de très grande classe, Eugenio Caria aka Saffronkeira est un artiste à part. En témoignent ces sept premières pistes composant Old life, le premier des deux volets de ce double-album livré dans un élégant digipack signé Denovali Records (évidemment...), et dévoilant un projet aux inspirations artistiques complètement décloisonnées, ne se souciant définitivement ni des modes ni des tendances pour écrire leur propre partition.

Du minimalisme de "Soliga" à la sublime amplitude émotionnelle de "Last days", en passant par les ténébreuses vibrations de "Symbiosi" ou les bricolages hallucinants d'un "Intrepidation" qui sonne parfois presque lounge (si si), le tout avec des changements d'orientation et autres variations stylistiques en plein morceau, Saffronkeira se pose ici comme un véritable créateur d'atmosphères. De lignes mélodiques et harmoniques un peu hors-norme aussi (un "Ethan" bruitiste, la tornade ambient "Pregnancy"), tout en parvenant à innover sur un territoire créatif pourtant assez balisé, notamment avec un "8th month" qui prolonge un peu plus l'expérience ambient électronique déjà entrevue sur "Ethan" et conduit ainsi lentement, inexorablement, l'auditeur dans ce corridor invisible qui lie Old life et New life, le second volet de l'album.

Une deuxième partie qui explore la face la plus sombre du travail d'Eugenio Caria, avec un énigmatique "111208" faisant s'entremêler dubstep électro et ambient doom dans quelque chose que l'on pourrait appeler "doomstep". Intriguant. Les mélodies se font rares mais quand elles sont là, on ne peut que les remarquer tant elles sont délicatement ciselées, d'une discrétion qui ne les empêche pas de marquer les esprits ("First denti"), que seules viennent rompre les circonvolutions bruitistes et quelque peu "obscures" du bien nommé "Psychologically destroying". Et Saffronkeira de jongler avec tous ces éléments électroniques qu'il a à sa disposition, passant ainsi de l'un à l'autre sans coup férir, pour réserver à l'auditeur la primeur de fulgurances mélodiques résolument troublantes ("190305", "Acceptance of mental disorder") avant de boucler la boucle avec toujours cette maestria absolue sur "Endless agony of being sick". Classe oui et exigeant.