Redbong : Coup de grisou Quoi ?? Du rap sur le W-Fenec ? Je ne vais pas épiloguer à ce sujet, ce n'est pas l'endroit, je dirais juste que les gens qui écoutent rock et métal sans s'ouvrir sur le reste peuvent passer leur chemin et, si possible, sans fulminer. Par contre, les autres, à l'affût de nouvelles expérimentations, non bloqués par le rap ni l'électro d'ailleurs, prêtant autant d'intérêt au fond qu'à la forme, vous pouvez vous arrêtez et même (devez !) écouter ce disque.
Lorsque j'avais écouté le maxi promo (4 titres), dans un premier temps l'enthousiasme était à son comble : il y avait là un groupe capable de faire sauter de leurs pantoufles bon nombre de jeunes affalés devant leur PC ou leur TV. Puis je me suis mis à douter, "peut-être était-ce uniquement les 4 bombes de l'album", "le reste ne doit pas être si bon", bref que des questions existentielles que j'aurais mieux fais de ravaler. Puisque lorsque l'album en entier déboule dans le lecteur, arrive avec lui la preuve que c'était bien la première impression qui était la bonne : Redbong place la barre très, très haut même.
En effet ce Coup de grisou, que le groupe aurait pu mettre au pluriel ("coups" à la pace de "coup") est une véritable succession de déflagrations verbales qui sont assénées par Dan et Cray, appuyées par les samples, séquences et autres traficotages initiés par Lodubang et Selecta Pastoug'. Avec des "lyrics explicites" de très bonne qualité, le duo vocal superpose ses débits ahurissants (qui ferait même pâlir des Fabulous Trobadors au meilleur de leur forme) à la mixture électronique desservie par leurs deux acolytes. Cette sauce très épicée est on ne peut plus explosive. Les séquences venant toujours soutenir de façon pertinente le phrasé de Dan & Cray ("Strip Tease","1sectivore", "L'éveil").
L'ensemble des titres est tout bonnement excellent, le seul bémol à apporter étant l'usure trop rapide (à mon oreille) de "Rumeurs", titre qui voit néanmoins apparaître un guest de taille : Alif Sound System. Du titre d'ouverture "On pisse sur ton piston" qui affiche tout de suite les prérogatives du quatuor : intransigeance et intégrité, radicalisme et bon sens à "Lost in my way", le groupe ne relâche jamais la pression. De multiples sujets passent à la moulinette Redbong : critiques construites du vedettariat jetable et plus généralement de la puissance des médias, constat désabusé du fonctionnement de notre système politique et économique ("28 ans plus tard")... Le groupe est franchement offensif en déclenchant le détonateur de "Bombe hash", en s'appliquant à démonter les sectarismes musicaux subsistants ("1sectivore") ou en épinglant un personnage politique dont le zèle offre de quoi écrire à bon nombre de gens ("Sarkophage"). Sans jamais se poser en moralisateur de bas étage mais plutôt en témoin de son temps, le groupe aborde aussi, au travers de "Double jeu, double risque", la question de l'éthique difficilement accessible à certains.
Un des titres les plus puissants est sans nul doute "Strip tease" (ex-aequo avec "Bomb hash") qui taille magnifiquement bien, et de façon fortement hilarante, le portrait de la famille lambda qui se pose pas trop de questions et qui baigne dans la stupidité sans se soucier d'autre chose que de son nombril. Mais comme le dit le groupe lui-même "pas de jugement, pas de critique, la prudence est de mise / juste un état des lieux, un doc de plus comme dans Strip-tease". Car le titre de cette plage est bel et bien un clin d'oeil à l'émission belge qui nous déshabille depuis plusieurs années sur la troisième chaîne du service public. Et reprendre le titre n'est pas tout puisque le mémorable générique de l'émission y est samplé pour donner un rendu encore plus réaliste au morceau.
De façon globale, les textes oscillent, tous styles confondus, entre la clairvoyance d'Assassin, l'intransigeante poésie de La Rumeur, la finesse de la plume de Lofofora, le cynisme d'Oneyed Jack ou l'âpreté de Freedom For King Kong. Coté musique, difficile de créer des parallèles avec d'autres groupes puisque l'originalité est indéniablement au rendez-vous. On pourra imaginer un Freedom For King Kong (encore eux !) carrément électro collisionnant avec la pugnacité de La Phaze sans oublier la présence d'une touche Zebda (époque des deux premiers albums). Certaines parties offrent une place assez large à Lodubang et Selecta Pastoug' notamment sur la séquence assez glauque de "28 ans plus tard" que Cypress Hill n'aurait pas démenti.
Comment ne pas dédier un paragraphe au dors-et-déjà cultissime Professeur Daniel qui vient ajouter son grain de sel juste quand il le faut (surtout lors de son "Intro Pr Daniel" et son "Outro Pr Daniel") tandis que le pauvre se fait sèchement rembarré sur la piste cachée après avoir tenté d'expliquer l'origine du mot "défoncé".
On pourrait s'étendre encore longtemps à scander des louanges à Redbong mais je m'arrête avant de rendre cette chronique indigeste de par sa longueur et vous le rappelle une fois pour toutes : ce groupe est vraiment trop bon(g) !!