Rammstein - Rammstein 10 ans que Rammstein n'avait pas sorti d'album studio et contrairement à certains (suivez mon regard vers le calendrier où la date du 30 août est marquée d'une pierre blanche), on n'a pas l'impression que cette "absence" ait duré si longtemps. Il faut dire que les Teutons ont enchaîné une grosse tournée après Liebe ist für alle da, sorti un best of, organisé une nouvelle tournée pour accompagner le best of, sorti un best of vidéo, bossé sur des side-projects (Emigrate ou Lindemann), édité un nouveau DVD live, organisé une tournée pour fêter le DVD et l'arrivée du nouvel album... Bref, Rammstein existe surtout pour ses shows dantesques où ses vieux morceaux tiennent la vedette et n'a pas forcément d'album studio pour contenter son public. Ce septième opus, éponyme, n'est-il qu'une bonne excuse pour de nouveau remplir les stades et le tiroir-caisse ?

Dès la fin mars, on savait que ça valait le coup. 6 semaines avant l'opus, le premier single (et premier titre de la galette) "Deutschland" se dévoilait via un superbe clip, au niveau du morceau qui va devenir une pierre angulaire des concerts pour au moins les 10 ans à venir. Jouant avec l'hymne allemand, le refrain est entraînant bénéficiant d'une dynamique incroyable et du retour en force des synthés, le tout emballé avec un son massif mais moins métallique. Le clip montre la puissance et la décadence de l'Allemagne qui surpasse tout avec comme fil directeur la violence et si possible des flammes (l'accident du LZ 129 Hindenburg a lieu aux Etats-Unis mais le zeppelin est bel et bien allemand). "Allemagne, mon cœur est en feu. Je veux t'aimer et je veux te détester" clame Till qui fait tout sauf se moquer de la Shoah ou s'en servir à des fins publicitaires comme certains l'ont dénoncé. Le court-métrage est aussi riche de codes et d'interprétations que le nouveau tube donne envie de danser et d'hurler les paroles dans un allemand yaourté. "Radio", là encore, la touche électro apportée par Christian fait son petit effet et nous ramène aux premières grandes heures (celles qui durent à peu près jusque Mutter), la production laisse de la place à chacun des membres, le travail (réalisé en Provence !) de leur pote Olsen Involtini (il joue avec Richard au sein d'Emigrate) est particulièrement soigné et si on peut regretter un lissage un peu poussé, on ne peut qu'apprécier le soin accordé aux petits détails. Ce titre bénéficie d'un clip, en noir et blanc, joli et dérangeant, il évoque la censure, le totalitarisme là où les textes pouvaient laisser penser que seul l'objet, le transistor, était honoré pour avoir apporté tant de bons moments. "Zeig dich" donne quelque peu dans le brutal avec un titre composé de deux mots qui se répètent facilement qui a prouvé son efficacité par le passé ("Du hast", "Ich will", "Bück dich", "Mein teil"...), les textes exhortent Dieu, s'il existe, à se montrer ("Montre-toi") car les Allemands sont en plein doute après qu'une étude ait révélé, en septembre 2018, que des milliers de leurs enfants ont été abusés par des prêtres... Les mots sont bien choisis, la musique plus "classique", le message méritait peut-être mieux. C'est peut-être difficile de donner de l'allant à ce thème par rapport au "Ausländer" qui suit, là, on flirte avec le romantisme de la découverte de l'autre, le plaisir d'être un étranger pour charmer un alter ego d'une autre culture, entre les lignes, on a quand même l'idée de pouvoir baiser une fille différente chaque soir dans un pays différent et de lui sortir sa bite, euh, 2-3 mots d'amour compris de par le monde. Encore une fois, la piste a le droit à un clip qui donne une autre lecture, les Berlinois jouant les colonialistes barbares et bien peu respectueux derrière des allures de civilisateurs. Simpliste mais jouissif, le refrain est d'autant plus irrésistible qu'il est facile à chantonner. On reste dans ce thème, un de leurs favoris, avec "Sex" (qui n'a que peu d'intérêt) puis "Puppe", plus profond (la prostitution et la domination sont au menu) et destructuré qui apporte sa dose de malaise comme rarement. Cette relation amour/violence ou désir/perte est au centre de "Was ich liebe", une douce promenade qui permet de ranger les distos et de sortir les sons clairs, pas super excitant mais ça permet d'amener à "Diamant", poignante chanson d'amour où les Rammstein démontre qu'ils maîtrisent également l'art de la mélodie. La bestiole regonfle quelque peu ses muscles avec un "Weit weg" assez dispensable. Le tempo s'accélère avec "Tattoo", encore un joli texte (tu peux en lire la traduction sur RammsteinWorld.com) porté par un instrumental assez basique. Alors que l'intensité et la qualité avaient largement baissées passées les quatre premières pistes, "Hallomann" clôt l'album sur une bonne note avec des variations de sonorités, de rythmes et des guitares qui osent sortir de l'ordinaire et installent là encore un climat assez glauque qui colle bien à la pédophilie.

Alors oui, 10 ans pour composer 11 titres, ça fait beaucoup et on pouvait espérer n'avoir que des morceaux irréprochables mais au vu des dernières sorties studio (quel titre retiens-tu de Rosenrot ou de Liebe ist für alle da ?), avoir une moitié de très bons morceaux fait de cet opus un indispensable. Et si tu aimes les beaux objets, la version collector est comme d'habitude ultra soignée...