Même s'il trouve toujours de quoi occuper le terrain, Porn n'avait rien sorti de neuf depuis 2011, il faut dire que son principal géniteur Phillippe Deschemin est plutôt occupé puisque depuis, il a lancé un mag culturel centré sur le Grand Lyon (L'incontournable Magazine depuis 2013), écrit plusieurs livres (dont Contoyen en 2014) et lancé un side-project (An Erotic End Of Times). Pas du genre à lambiner, c'est avec Erwan (revenu au bercail pour un peu de samples et de guitares) et Mehdi (basse et guitare) qu'il a composé ce qui peut sembler être le plus ambitieux album de Porn : The ogre inside.
Ambitieux travail car il s'agit d'un album qu'on peut qualifier de conceptuel, narrateur passionné par l'oppression, Philippe nous plonge dans un conte où la peur et la tension s'installent jusqu'à détruire le sujet sans qu'on sache vraiment qui est cet ogre métaphorique qui le dévore tel un enfant (seule piste écartée par nos services, celle de Nivek Ogre de Skinny Puppy qui avait piscine ce jour-là). Le pire, c'est qu'à l'écoute des ambiances musicales qui accompagnent le récit, on n'est pas certain que cet ogre ne soit pas au final une forme de délivrance ("Heavy is the crown" bien que lynchéen est plutôt doux tout comme "The ogre inside" alors que "You will be the death of me" est davantage apocalyptique). Un peu moins gothique que par le passé (An Erotic End Of Times semble avoir récupéré tous les embryons de titres aux aspirations goth), toujours un peu glam (le chant identifiable), le Porn 2017 sonne électro-métal-indus à souhait et combine à merveille accroches mélodiques ("Sunset of cruelty" est un excellent choix de single), riffing de haute qualité (le rampant "Nothing but the blood" presque Toolien) et intégrations d'éléments samplés qui font bien plus qu'un simple habillage sonore ("Close the window"). Avec deux titres flirtant avec les dix minutes, Porn ne cherche plus à brûler les dance-floors ou l'excitation immédiate mais bien à créer un univers complexe pour lequel n'écouter qu'une partie sans les autres n'aurait pas vraiment de sens. Certes, quelques titres peuvent être esseulés mais c'est avec l'ensemble dans les oreilles qu'on peut en profiter pleinement.
Travail très abouti, The ogre inside donne une nouvelle dimension à Porn qui affirme une identité bien plus personnelle et nous emmène avec facilité dans un monde pourtant peu engageant et nébuleux.
Publié dans le Mag #30